Se tiendra, se tiendra pas; c’est la grande interrogation quant au «Dialogue national inclusif» convoqué et initié par le président Joseph Kabila depuis plusieurs mois déjà. Sous l’impulsion du togolais Edem Kodjo désigné médiateur par l’Union Africaine (UA), des tractations secrètes à celles ouvertes se poursuivent tant à Kinshasa qu’en dehors du pays sans assurance aucune. Pourtant, «la tenue d’une élection présidentielle apaisée et sans contestations en novembre 2016» dépende de cette rencontre pour le régime, là où ses opposants trouvent un subterfuge de la part du pouvoir pour un maintien illégal du président de la République à son poste alors que son deuxième et dernier mandat arrive à terme sans possibilité de se représenter.
En pareille circonstance et alors même que la Commission préparatoire n’est pas en place, c’est un embouteillage assuré au portillon pour savoir qui y sera et qui n’y sera pas. De ceux qui sont pour ou contre le Dialogue aux opposants en passant par la Société civile, le Front citoyen et autres…les alliances se font et se défont, des plates formes politiques naissent et meurent mais aussi des trahisons aussi flagrantes et magouillardes. Dans cette agitation sans fin, un homme pourtant sort du lot : Etienne Tshisekedi et son parti l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). En convalescence à Bruxelles depuis plus de deux ans, tous viennent le consulter : combattants, pouvoir, envoyés spéciaux de l’UA comme des Etats-Unis, opposants de tous bords….Et comme d’habitude, le président Kabila dans son mutisme légendaire ne dit rien et demeure silencieux. Sauf de fois lorsqu’il lui arrive, sur un ton ferme et musclé il rappelle certaines heures sombres du mobutisme régnant de triste mémoire.
Ce fut le cas lorsqu’il parle du Dialogue lors de son discours sur l’état de la Nation (Parlement et Senat réunis en Congrès) le lundi 14 décembre 2015 quant il martèle : « En ma qualité de Garant de la Nation, J’en appelle, une fois de plus, au sens élevé de responsabilité de chacun et de tous, afin qu’au sortir du Dialogue National, nous soyons plus unis qu’avant, dans la mise en œuvre d’un processus électoral authentiquement congolais, fruit d’un consensus librement dégagé, avec pour objectifs la consolidation de notre jeune démocratie, et la préservation de la paix chèrement acquise, de la sécurité, de la stabilité et des progrès enregistrés sur la voie du développement de notre pays ».
Et de poursuivre sur un ton presque menaçant : « J’aimerais, à cet effet, rassurer l’ensemble de notre peuple que je ne permettrai pas que les sacrifices consentis ensemble au cours de ces dernières années pour bâtir la paix et la sécurité dans notre pays et dans la région, balisant ainsi la voie vers l’émergence, soient compromis, sous quelque prétexte que ce soit, par ceux qui, de mauvaise foi et de manière délibérée, choisiront de rester enfermés dans leurs postures négativistes, refusant le dialogue au profit des complots contre la République et promettant sang et sueur à notre peuple. Il n’y aura ni l’un, ni l’autre».
Tshisekedi, l’homme de «Non» ou faiseur des rois ?
Viendra ou viendra pas au Dialogue, la question taraude tout le monde en commençant par le facilitateur désigné par l’Union Africaine Edem Kodjo. Pourtant, des émissaires du pouvoir avec en tête She Okitundu, les opposants Raphaël Katebe Katoto et son frère Moise Katumbi (ancien et dernier gouverneur du Katanga) sont passés par chez lui, le Front Citoyen avec Floribert Anzuluni, Yangu Kiakwama et Franck Otete de Filimbi sont venus le voir…sans oublier même Francis Kalombo aujourd‘hui en exil à Paris et hier encore tout puissant président des jeunes du PPRD, parti cher à Joseph Kabila.
Monsieur «Non» comme titrait un confrère parisien demeure pourtant incontournable à 83 ans dont plus de 40 passés dans l’opposition d’abord à Mobutu, à Laurent-Désiré Kabila et aujourd’hui à Joseph Kabila. Incontrôlable, imprévisible, malade…autant des qualificatifs pour un homme toujours pourtant et autant alerte lorsqu’il s’agit de parler du Congo et du sens de son combat politique. Le pouvoir en a d’ailleurs expérimenté le sens après Ibiza et Venise lorsqu’il avait fermé les portes à toutes les discussions en cours.
Pour un proche de Felix Tshilombo Tshisekedi contacté par www.afriwave.com le weekend dernier à Kinshasa, le «dialogue» se tiendra mais en respectant les conditions de l’UDPS à savoir : la «feuille de route pour la sortie de crise», publiée à la mi-février 2015, le dialogue politique doit être «convoqué sous l’égide de la communauté internationale» et avoir un «facilitateur convenu par toutes les parties» et enfin ces pourparlers «doivent tenir compte du respect des délais constitutionnels dans l’organisation des élections présidentielle et législatives, prévues fin novembre 2016».
En fin de compte, dans sa lettre envoyée le 28 janvier 2016 à Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la commission de l’UA, l’UDPS rappelait ne pas reconnaître au président Joseph Kabila, qui «fait partie du problème», le pouvoir de convoquer des pourparlers politiques en RDC. Si le parti de Tshisekedi insiste ne pas vouloir aller à ce rendez-vous pour « un quelconque partage des postes ministériels, ni encore pour aider Joseph Kabila à prolonger son mandat au-delàs», on sent très bien d’où viendra le blocage. Car, il sera plus que difficile d’imaginer le camp présidentiel y consentir… Toutes les conditions étant ainsi réunies pour que ces négociations ne fassent à nouveau long feu. Les chances d’aboutir à un accord demeurant hypothétiques très minces.
C’est comme un discours déjà entendu non !