La commémoration du 55ème anniversaire de l’indépendance de la RDC en 2015 a été l’occasion pour beaucoup des compatriotes de se remémorer le passé, de réfléchir sur le présent et de s’imaginer le futur de la patrie bien aimée. C’est fut le cas de La Solidarité Congolaise dans l’Action (SCA) une association des congolais de la ville de Mons en Belgique qui a marqué cette date au travers d’une réflexion sur «L’implication de l’armée indigène congolaise dans les deux guerres mondiales de 1914-18 et 1940-45».
Trois intervenants : Anicet Mobe, chercheur congolais en Sciences sociales (Paris), membre du Collectif des Intellectuels Congolais «DEFIS», membre également du Comité de Réduction de L’Africain (Belgique); Jean-Jacques Wondo, Consultant et Analyste politique en matières Sociopolitique et Sécuritaire de la RDC et Mme Odette Kudjabo, petite fille d’un ancien combattant congolais sur le front de Namur en Belgique et prisonnier en Allemagne nazi ont livré une réflexion autour du thème du jour devant une cinquantaine des participants sous la supervision du modérateur Dany Mabuki.
Anicet Mobe
L’armée coloniale connue sous le vocable de la Force Publique a été pour beaucoup dans la victoire des alliés lors des deux guerres mondiales alors que la Belgique officielle s’effondrait rapidement face aux allemands. Les congolais dont la capacité de projection à l’extérieur était redoutable sont allés des victoires en victoires même si cela a tendance à se faire occulter par les grands vainqueurs. C’est ainsi que les troupes issues de la colonie se sont retrouvées au Cameroun, en Egypte, en Palestine, au Ruanda-Urundi, en Tanganyika (Tanzanie actuelle), en Abyssinie (Ethiopie actuelle), au Nigéria, au Benin…et jusqu’en Asie en Birmanie via une antenne médicale.
Vaillants soldats, les congolais infligeront une cuisante défaite aux troupes italiennes de Mussolini en Afrique de l’Est en faisant prisonniers 15.000 soldats des troupes et 8 Généraux. Plusieurs rues de Kinshasa portent jusqu’en ce jour les noms de certaines localités conquises par nos ancêtres comme Dodoma, Gambela etc. D’autres noms célèbres comme papa Diomi, Lundula, Kano faisait partie de cette épopée des militaires noirs.
A la sortie de la 1ère comme la 2ème guerre mondiale, le Congo sera un enjeu géopolitique et stratégique important à cause de ses richesses et ce jusqu’à la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin en 1989. Cette situation fera régner trois décennies durant l’une des dictatures féroces du continent africain par Joseph-Désiré Mobutu pourtant exclu de l’armée coloniale pour indiscipline. De son héritage colonial, l’armée sera plus prise pour un outil de répression de toute contestation publique des autorités.
Ce furent les cas de la révolte dite paysanne dans le Kwilu au Bandundu en 1932, celle étudiante de l’université Lovanium en août-septembre 1969 et enfin celle des chrétiens réclamant la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) le 16 février 1992. Pourtant, comme la Force publique à son époque qui s’effondra 5 jours après l’indépendance soit le 5 juillet 1960 par une mutinerie, l’armée de Mobutu tombera sous les boutades des petits hommes en bottes de caoutchouc venus du Rwanda en 1997 avec la victoire de l’AFDL de triste mémoire de Laurent-Désiré Kabila. Mais où serait passé la vaillance de nos troupes se demandent la population ?
Une histoire maintes fois falsifiée
De l’époque coloniale belge à l’indépendance jusqu’à ce jour, les tenants du pouvoir ont toujours écrit l’histoire selon ce qui les arrangent souligne Anicet Mobe. Pour lui, il serait grand temps que le peuple congolais se rapproprie son histoire au travers de sa mémoire collective en vue de maitriser son passé, comprendre son présent et se projeter dans son avenir. C’est cette capacité de responsabilité inouïe qui a toujours désarçonné les pouvoirs en face du peuple depuis le colon belge à Mobutu en passant par les 2 Kabila conclut-il.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Spécialiste des questions militaires et stratégiques, sa radioscopie de l’armée congolaise depuis la colonisation jusqu’à ce jour est plus que claire : l’armée n’est pas un corps étranger mais une accoucheuse des Etats comme le soulignait déjà André Corvisier.
Pourtant, de la Force publique à l’armée congolaise d’aujourd’hui comme celle zaïroise d’hier; les forces de sécurité trainent comme un boulet à leur pied un certain nombre des tares à savoir : la perversion avec le tribalisme, la corruption, le népotisme, le clientélisme, les détournements et la politisation; l’intraversion avec une armée tournée davantage à l’intérieure brimant toute contestation de la population et se détournant de sa mission légale de garant de la sécurité des frontières pays; l’interversion : une armée se tournant vers la fonction dévolue à la police ou accomplissant tour à tour les missions de la police et de l’armé; enfin la subversion caractérisée par l’indiscipline, les rebellions et les mutineries.
Comme pour Anicet Mobe pour qui le peuple doit se rapproprier son histoire, JJ Wondo plaide pour la réappropriation de son armée par le peuple. Ceci en faisant comprendre que l’armée n’est pas contre le peuple ni le contraire non plus. Car, l’armée actuelle formée à base des milices et des mutins dépends plus de sa hiérarchie et ses business n’est plus en mesure d’assurer la sécurité du pays. Ce ne qui ne l’a pas empêché de condamner les dernières nominations à la tête des forces armées et de sécurité qui sont de caractère ethnique où les tutsis et les ressortissants de l’Est sont beaucoup plus nombreux que le reste des 367 tribus du Congo. Et quid de cette politisation ??
Témoignage d’Odette Kudjabo
Alors qu’on célèbre les 100 ans de la 1ère guerre mondiale, c’est le cri de cœur d’une petite fille à son grand-père ancien recru noir combattant congolais de la guerre de 1914-18 qu’elle n’a jamais connu. De lui, elle a peint un tableau élogieux : né Albert Kudjabo en mars 1896, cet homme fut un volontaire de 18 ans qui est passé par l’Yser en Flandre et Liège-Namur en Wallonie pour combattre les allemands qui le feront prisonnier de guerre sous le matricule prisonnier 11150. Il ne fut pas certes pas seul, d’autres congolais comme Panda Farnan et Mangungi Antoine furent parmi ses compagnons d’armes. Chose rare, Robert Kudjabo, le père de Odette fut lui aussi volontaire résistant belge entre 1940-45 pendant que ses deux frères se sont également engagés dans l’armée belge.
Un mot sur la SCA
Pour Christophe Masaki Ma-Mboso, son vice-président; La solidarité congolaise en Action (SCA) est un espace de réflexion né de la volonté des congolais de la région de Mons. Elle vise entre autre la culture des valeurs comme le respect mutuel, la responsabilisation, la solidarité et la rigueur dans l’engagement des compatriotes congolais au profit de la communauté. Sous la police de débat assurée par Dany Mabuki, c’est le Professeur Jean-Pierre Tshibangu qui clôtura la soirée par un mot de remerciement aux conférenciers et à l’assistance au nom de la Solidarité congolaise en action (Sca).