Dossier de l’histoire : L’assassinat d’André Guillaume Lubaya

02 mai 1968 – 02 mai 2016, 48 ans depuis que mourrait André Guillaume Lubaya.

I.Les victimes :

  1. Monsieur André Guillaume Lubaya :
    – Ancien gouverneur de la province de Kasaï Occidental;– Fondateur de l’UDA;– Ancien membre de Conseil national de libération (CNL)– Ancien ministre de la Santé du gouvernement Tchombe;– Député national au moment des faits.
  2. Kayembe Athanase : cousin de Lubaya
  3. Mwamba Nzambi Etienne : cousin de Lubaya
  4. Ndombe Jean : guérisseurs
  5. Ndombe Jean Jr. Fils du précité.

II.Les plaignants

En rapport avec le dossier Lubaya, votre Commission a été saisie des plaintes déposées par :
– Claudel et Leclercq Lubaya, tous deux fils d’André Guillaume Lubaya, contre monsieur Joseph-Désiré Mobutu, le général Singa Boyenge Mosambay et la République du Zaïre au sujet de la disparition de leur père.

– Jean-Pierre Kasonga, cousin de Lubaya contre monsieur Alphonse Ilunga Dibwe et Etienne Tshisekedi wa Mulumba au sujet de l’enlèvement et de la disparition de son frère André Guillaume Lubaya.

– Le Parti national lubayiste «PNL» par son président national, le docteur Mputu Dibwe contre la République du Zaïre, monsieur Mobutu et ses complices assassins de monsieur Lubaya.
– Mpingu Funsu, dont le père, monsieur Ndombe Jean ainsi que le frère Ndombe Jean, fils, ont été enlevés avec Lubaya pour le fait de l’avoir hébergé.

– L’Union des démocrates pour le salut national « UDSN », parti politique, par son président national, monsieur Ntumba Bukumba au sujet de l’enlèvement et de la disparition de Kayembe Athanase et Mwamba Etienne, cousins de Lubaya, disparus avec ce leader.

III. Les faits incriminés

Le 13 avril 1968, alors qu’il effectuait un voyage officiel à Luluabourg, le président de la république, monsieur Mobutu, révèle dans un meeting, qu’un complot ourdi contre sa personne par les Parlementaires originaires de la province venait d’être découvert. L’affaire était exclusivement confiée aux services militaires pour faire la lumière.

Déjà sur place, plusieurs personnes furent arrêtées dont :

– Monsieur Wafuana Emery, chef coutumier et sénateur qui dut sa libération grâce à la vigoureuse protestation des chefs coutumiers de la province et à l’intervention du ministre de l’intérieur;
– Messieurs Mpiana Jean et Mutombo, frères de Lubaya. Acheminés à Kinshasa, ils furent détenus plusieurs mois sans procès ni jugement.

  1. A l’escale de Mbuji-Mayi, le président dévoile l’identité de l’auteur du complot, sans le nommer Il s’agissait d’un politicien originaire de la province, ancien membre du CNL, ancien ministre de la Santé dans le gouvernement Tshombe. Ce politicien ne pouvait être que monsieur André Lubaya.
  2. Dès lors, la chasse à l’homme commence car un télégramme du chef de l’Etat donne des instructions mort ou vivant, Lubaya doit être amené. Une prime de 500 Z est promise à quiconque révélerait le lieu de cachette du recherché.
  3. Dans la nuit du 1er au 2 mai 1968, Lubaya est enlevé, en même temps que le guérisseur Ndombe au domicile de qui le premier s’était réfugié, le fils du guérisseur du même nom ainsi que les deux cousins de Lubaya, Kayembe Athanase et Mwamba Nzambi Etienne.
    5. Toutes ces personnes furent conduites vers une destination aujourd’hui établie comme étant le camp Tshatshi où, ils ont disparu jusqu’à ce jour. Car, depuis lors, aucune source officielle n’a révélé l’arrestation ou l’assassinat de tous ces infortunés.

IV.L’analyse des faits

  1. Les témoins

    Guidée par le souci de rétablir la vérité sur ces odieux enlèvements et disparitions, votre Commission a entendu les personnes ci-après :

    – Le général Singa Boyenge Mosambay, à l’époque Administrateur général de la Sûreté nationale
    – Le général Mika Mpeke, adjoint à l’Administrateur général de la Sûreté nationale, chargé de sécurité à la Présidence
    – Le général Bumba Moasso, à l’époque commandant de la Ditrac au camp Tshatshi

    – Le colonel Omba, secrétaire de cabinet à la Présidence, au moment des faits.

    – Monsieur Lemba Nzeza, ancien chef de permanence à la Sûreté nationale

    – Monsieur Oleko, ancien garde de corps du colonel Omba;

    – Monsieur Etienne Tshisekedi, à l’époque ministre de l’intérieur,

    – Monsieur Nsinga Joseph, à l’époque ministre de la Justice,

    – Madame Cécile Linkenyune, ex-épouse de Lubaya;

    – Monsieur Lubaya Claudel, fils du disparu

    – Monsieur Ntumba Bukumba, cousin de Lubaya

    – Monsieur Ilunga Alphonse, député;

    – Monsieur Tshibuabua Albert, homme politique :

    – Monsieur Kasongo Jean-Pierre, cousin de Lubaya ;

    – Monsieur Tshimanga Shambuyi, cousin de Lubaya;

    – Monsieur Wafuana Emery, chef coutumier, ancien sénateur;

    – Monsieur Pungu Funsi Clément, fils du guérisseur et frère de Ndombe Jean ;

    – Docteur Mputu Dibwe, président national du Parti national lubayiste ;

    – Monsieur Cleophas Kamitatu, homme politique ;

    – Monsieur Edikabi Yongondani, qui se déclare ancien chauffeur du général Singa.

    De l’audition de ces personnalités et leurs témoignages votre Commission s’est attachée à dégager la matérialité du complot dit des «Parlementaires Kasaïens», les circonstances de l’enlèvement, du jugement et de l’exécution de Lubaya et de ses compagnons.

  2. Du complot dit des «Parlementaires Kasaïens»

    La dénonciation du complot fut faite par le président Mobutu lui-même, comme dit plus haut. L’enquête, selon ses dires, relevait des services militaires. En effet, tous les responsables civils interrogés par votre Commission déclarent avoir suivi l’affaire au même titre que tout le monde. Chose curieuse, il en est de même des responsables militaires. Selon le général Singa, en effet, si complot il y avait, ses représentants à Luluabourg, les capitaines Kapapa et Vika en auraient fait rapport. Ce qui ne fut jamais le cas.Il en est de même du colonel Omba, alors secrétaire de cabinet à la Présidence de la République, qui nie avoir mené une enquête à Luluabourg et avoir effectué le voyage dans cette ville, dans la suite présidentielle. En l’absence d’une preuve matérielle ou intellectuelle du complot, la Commission a cherché à démontrer la machination dressée contre Lubaya. Une piste s’est présentée à elle celle du complot monté contre André Lubaya et certains parlementaires Kasaïens par monsieur Ilunga Alphonse.
    Dans sa plainte déposée à la CNS, monsieur Kasonga accuse, entre autres, monsieur Ilunga Dibwe Alphonse d’avoir monté de toutes pièces le « fameux complot » pour livrer Lubaya à Mobutu et se débarrasser, ainsi, d’un concurrent gênant dans la recherche de leadership au Kasaï occidental. Les assertions de Kasonga ont été appuyées par le Parti national lubayiste et par monsieur Tshibuabua Ashila Pashi. Elles s’appuient sur les faits suivants : Quelques mois avant le voyage du Chef de l’Etat, monsieur Ilunga est entré dans l’intimité de Lubaya au point que ce dernier a donné à un de ses fils le nom de « Ilunga » à la demande du premier comme signe de leur amitié.Monsieur Ilunga, sous prétexte d’organiser une manifestation commune de protestation contre la présence d’un non politicien dans le gouvernement, en l’occurrence le docteur Tshiamu en lieu et place des politiciens, sollicite et obtient de Lubaya une liste de quatre personnes de confiance, dont Mpiana et Mutombo. Les deux frères de Lubaya seront arrêtés à Luluabourg, dès l’annonce du complot. La présence suspecte d’Ilunga dans la suite présidentielle en partance vers Luluabourg, alors que tous ses collègues parlementaires avaient précédé le président. L’arrestation de monsieur Wafuana à la résidence du gouverneur où monsieur Ilunga ayant apporté l’invitation, l’avait conduit.La nomination de monsieur Ilunga au poste de ministre, en remplacement du docteur Tshiamu, quelques mois après la mort de Lubaya parut comme une suprême récompense.
    Interrogé, monsieur Ilunga a nié tous les faits lui reprochés par ses détracteurs il n’a jamais été l’ami de Lubaya dont aucun de ses enfants ne porte son nom, il n’a jamais sollicité une liste des noms, lui- même ayant beaucoup de sympathisants sur place, il n’est pas à la base de l’arrestation de Wafuana qu’il n’a jamais conduit à la résidence du gouverneur
    Votre Commission continue à penser qu’à défaut de certitude, de sérieuses présomptions pèsent sur monsieur Ilunga quant à la machination du fameux complot. N’est-il pas cité parmi les membres secondaires du groupe de Binza?

  3. De l’enlèvement de Lubaya et de ses compagnons

    À la suite des avis de recherche lancés contre lui, André Lubaya était parvenu, grâce à sa première femme, madame Cécile Linkenyule, à trouver refuge chez Ndombe Jean, guérisseur, domicilié au quartier 7 Commercial dans la zone de N’Djili. Cette cachette n’était connue que de son épouse susnommée et des cousins Kayembe, Mwamba Nzambi et Mubiayi. Sur la découverte de la cachette, découverte ayant conduit à l’enlèvement, la Commission s’est trouvée devant deux versions : celle du général Singa et celle de monsieur Kasonga.

    1. La version Singa

      Dans sa déclaration devant votre Commission, le général Singa dit avoir reçu, dans la nuit du 1er au 2 mai 1968, un coup de fil du président Mobutu qui lui communiquait les coordonnées précises sur la cachette de Lubaya et lui ordonnait de l’arrêter et de l’acheminer au camp Tshatshi. Ce que le général exécuta sans discuter. Il ne s’est rendu chez nulle autre personne, étant donné qu’il dépendait uniquement du Chef de l’Etat.Cette version est corroborée par monsieur Oleko, de Sûreté nationale, selon lequel c’est monsieur Kasonga, cousin de Lubaya qui l’aurait dénoncé par le biais de monsieur Ipete. Ce dernier, collaborateur du colonel Mika aurait informé son chef qui en aurait fait part au président. L’attitude de monsieur Kasonga s’expliquerait par l’appât du gain représenté par les 500 Z de prime et par l’esprit de vengeance qui l’animait. Il reprochait à Lubaya d’avoir été la cause de l’assassinat de son père lors de l’expédition militaire dans le village natal, en 1965.
      Par ailleurs, votre Commission a trouvé étrange que monsieur Kasonga, qui prétend avoir été arrêté en même temps que les autres, soit le seul rescapé. A ce propos, l’intéressé a répondu qu’il doit son salut au fait qu’il était élève.En outre, monsieur Lemba et monsieur Oleko ont soutenu qu’après la mort de Lubaya, Kasonga a été pris en charge et puis engagé dans les services de Sûreté, pour le soustraire à la vindicte familiale. Enfin, présenté au général Singa, monsieur Kasonga a été reconnu par celui-ci comme informateur de longue date, mais dans ce cas précis, il n’avait pas besoin de lui, les informations ayant été fournies par le président de la République en personne. Il affirme que Kasonga n’a jamais été arrêté.

    2. La version Kasonga

      Monsieur Kasonga, dans sa plainte et déclaration prétend avoir été chargé d’une double mission par André Lubaya : -récolter de l’argent auprès des membres de sa tribu en vue de faciliter la fuite vers Brazzaville; -contacter monsieur Nsinga Joseph, ministre de la Justice, pour lui obtenir une entrevue avec le général Mobutu. S’étant rendu chez monsieur Nsinga, il se serait vu conduire sous escorte chez monsieur Etienne Tshisekedi, ministre de l’Intérieur. Ce dernier ferait venir le colonel Singa, chef de la Sûreté pour lui livrer l’intéressé. Torturé, Kasonga aurait donné ses cousins Kayembe et Mwamba, qui à leur tour et sous la torture aurait conduit Singa à Cécile Linkenyula et par elle à Lubaya.A ce stade déjà, votre Commission a relevé des incohérences dans la version de Kasonga. D’abord, elle est en contradiction avec celle du général Singa selon laquelle, dans cette affaire, le général Singa n’a pas été au domicile du ministre de l’Intérieur, ayant traité uniquement avec le président de la République. Quant à son arrestation, elle est déniée, non seulement par le général Singa et les autres agents de Sûreté, mais également par monsieur Edikabi, le prétendu chauffeur du général. Monsieur Edikabi, témoin amené par monsieur Kasonga, affirme qu’en conduisant l’équipe de Sûreté chez Kayembe et Mwamba-Nzambi, Kasonga était totalement libre et qu’il n’était ni arrêté, ni torturé.Enfin, monsieur Nsinga Joseph qui se souvient avoir reçu un membre de la famille Lubaya, dit l’avoir recommandé à monsieur Tshisekedi, pour des raisons de hiérarchie ministérielle et d’affinité ethnique entre Lubaya et le ministre de l’intérieur, sans contrainte. Une autre incohérence a attiré l’attention de votre Commission. Monsieur Kasonga qui prétend avoir reçu des missions de Lubaya est donc supposé connaître le lieu de refuge de son cousin. Dès lors, on ne comprend pas qu’il ait livré trois des personnes qui étaient les seules à savoir où se cachait la victime.De toute façon, monsieur Etienne Tshisekedi ne reconnait pas avoir reçu un membre de la famille du feu Lubaya, encore moins un certain Kasonga. Il a ajouté, qu’à son arrivée à la tête du ministère de l’Intérieur, la Sûreté nationale venait d’être détaché de ses services pour dépendre du président de la République qu’il ne pouvait donc pas s’occuper de l’affaire. Cette affirmation concorde avec celle du général Singa, administrateur général de la Sûreté nationale. En outre interrogé sur l’adresse de monsieur Tshisekedi où il prétend avoir conduit le général Singa, monsieur Edikabi a indiqué à votre Commission le Boulevard du 30 juin. Alors qu’il est de notoriété publique qu’à l’époque l’habitation du ministre de l’intérieur se trouvait à côté du Parlement.

  4. Du procès et du jugement

     

     

    4.1. Dans sa plainte, monsieur Kasonga soutient qu’après avoir été enlevé, Lubaya fut conduit au camp Tshatshi où il fut jugé par un tribunal militaire composé des généraux Masiala, Singa, Bumba Moasso et du colonel Kudiakubanza Patrice; tribunal auquel Tshisekedi serait venu en personne donner des instructions précises. Il soutient également avoir assisté à ce procès qui décida de la mise à mort de Lubaya, de Ndombe et son fils, de Kayembe et Mwamba-Nzambi.

    4.2. Il est établi à ce jour qu’André Luabaya et ses compagnons d’infortune ont bel et bien été conduits au camp Tshatshi, après une escale chez le général Singa. Le général Singa l’a reconnu et affirmé qu’il a fait exécuter cette besogne et fit transférer Lubaya en ce lieu de mort sur ordre du Chef de l’Etat. Cependant, il n’est pas vrai qu’ils furent jugés, car tous les protagonistes nient l’existence de ce tribunal militaire. Le général Singa déclare avoir fait transférer les détenus au camp Tshatshi par ses services et qu’il n’y est pas monté pour la circonstance, estimant avoir accompli sa tâche d’officier militaire.

    Le général. Bumba, pour sa part, soutient n’avoir jamais vu Lubaya au camp Tshatshi, de même qu’il déclare n’avoir jamais siégé dans un tribunal de cette nature. Interpellé par votre Commission pour une confrontation avec le général Singa, le général Bumba ne s’est pas présenté. D’autre part, la présence de monsieur Tshisekedi au camp Tshatshi et des instructions qu’il aurait données au tribunal ne relève que de la pure et simple imagination de Kasonga.

    Car contredites, non seulement par les généraux susdits (le général Singa a déclaré qu’il n’avait d’ordre à recevoir que de son chef et non des ministres) mais aussi Edikabi, prétendu chauffeur du général Singa, qui soutient n’avoir vu, ni Tshisekedi, ni Kasonga au camp Tshatshi après l’expédition de N’djili. A ce titre, on peut alors se poser la question de savoir comment monsieur Kasonga peut-il témoigner du procès, dès lors qu’il n’a pas été au camp Tshatshi.

    La présence de Kasonga au camp Tshatshi est également contredite par monsieur Tshimanga Shambuyi, lequel a déposé que dans la nuit du 1er au 2 mai 1968, alors qu’il était logé chez sa tante au camp Kokolo, Kasonga qui avait sur lui certains effets de Lubaya est venu le rejoindre et l’a informé de l’arrestation la même nuit d’André Guillaume Lubaya. Tshimanga soutient que cette nuit-là, ils la passeront ensemble au camp Kokolo et défie Kasonga de prouver le contraire.

    Votre Commission, en l’absence des preuves d’un procès ou d’un jugement, conclut qu’il y a eu exécution sommaire des cinq malheureux.

  5. L’exécution
    Poursuivant toujours son récit, monsieur Kasonga avance que les détenus auraient été emmenés à Kinsuka où ils furent exécutés et enterrés dans une fosse commune.
    Pour monsieur Oleko, Lubaya et ses compagnons ont été simplement dépiécés et jetés au fleuve. Cette version est appuyée par monsieur Kamitatu qui dit l’avoir apprise d’un certain Kibalabala, membre du peloton d’exécution. Votre Commission estime que seul le président Mobutu peut nous éclairer sur l’exécution et le lieu d’inhumation de Lubaya et de ses compagnons.

 

IV. Avis et considérations

  1. En l’absence de preuves tangibles de complot, votre Commission a voulu trouver les motivations de l’élimination de Lubaya. Elle a retenu :– Pour les mêmes raisons, Lubaya était jalousé par d’autres hommes politiques de même province.
    – Lubaya était un des membres actifs du CNL, l’opposition radicale qui prit la paternité des mouvements insurrectionnels de 1964. Ce n’est point un hasard si la même année verra l’assassinat dans es mêmes circonstances du chef symbolique de ce mouvement : Pierre Mulele.
    – Enfin, Lubaya fut un des rares parlementaires à avoir voté contre le coup d’Etat du 24 novembre 1965 et avoir refusé son adhésion au MPR.
  2. Il s’agit d’un enlèvement, des tortures et d’assassinats politiques. Lubaya ne fut pas l’objet d’un mandat d’arrêt ni d’amené signé par un magistrat. Il ne fut pas jugé, encore moins ses compagnons dont le guérisseur ignorait jusqu’à l’identité de son hôte.
    Il ne fait aucun doute que Lubaya, député, fut assassiné pour ses opinions politiques divergentes de celles du maître du régime.
  3. La prétendue lettre de Lubaya à monsieur Cléophas Kamitatu. Dans ses allégations, monsieur Kasonga a exhibé une lettre manuscrite attribuée à la main de André Lubaya et qu’il aurait- adressée du camp Tshatshi â monsieur Kamitatu. Lettre- testament dans laquelle il aurait indiqué ses meurtriers dont certains journaux ont tant parlé. Monsieur Kamitatu a affirmé sur l’honneur n’avoir jamais réceptionné cette note étrange.Pour sa part, le docteur Mputu Dibwe du PNL a avoué devant votre Commission qu’il s’agit d’un faux rédigé par Kasonga en vue de monter une cabale tendant à incriminer certains leaders politiques actuels. Contactés pour la même besogne, il avait rejeté l’offre.
    Monsieur Ntumba Bukumbo, président de l’Union des Démocrates pour le Salut National, affirme aussi avoir été contacté par le même Kasonga dans les mêmes buts.
    Enfin, mis devant les contradictions qui ressortent entre sa déposition et sa plainte, Kasonga a laissé échapper qu’avant d’être déposée à la CNS, sa plainte a dû passer par les mains de plusieurs politiciens dont il n’a pas révélé l’identité.

V. Les responsabilités

L’affaire Lubaya est caractéristique des méthodes policières de la deuxième République. Elle procède du souci qu’avaient les militaires de légitimer le pouvoir qu’ils venaient de prendre. Tout leader charismatique de la trempe de Lubaya devrait dont être supprimé. La responsabilité du président Mobutu est établie dans cet assassinat. Votre Commission aurait voulu l’entendre, mais il n’a pas répondu à l’invitation à lui adressée. En effet, monsieur Mobutu peut à ce jour éclairer les questions relatives au noyau du complot, car des doutes persistent encore à ce jour Alors qu’il avait déclaré à Kananga que les membres du commando chargés de l’exécuter s’étaient infiltrés dans son avion, l’opinion a été troublée d’apprendre que les personnes arrêtée résidaient sur place à Kananga et ne venaient donc pas de Kinshasa. Lui seul peut également nous éclairer sur les préventions mises à charge de Lubaya, qui l’a jugé, où et comment la sentence fut-elle exécutée ! Lui seul peut éclairer la nation en Conférence sur le sort des dépouilles mortelles de Lubaya, Kayembe, Mwamba-Nzambi, Ndombe et son fils.

Monsieur Ilunga Dibwe est responsable de la fausse dénonciation de Lubaya, tel que démontré plus haut.

Le général Singa est responsable de l’enlèvement, sur ordre verbal et la nuit, fait arrêter Lubaya et ses compagnons et les avoir transférés au camp Tshatshi, qui n’est pas un lieu de détention. Il lui est également reproché les tortures sur la personne de madame Cécile Linkenyuli, monsieur Mwamba-Nzambi et Kayembe. Le général Bumba Moasso est présumé responsable de l’exécution de Lubaya, Mwamba-Nzambi, Ndombe Jean et Ndombe fils. C’est à lui que furent remises les victimes vivantes. Son refus de la confrontation avec le général Singa est indicateur de sa volonté de cacher la vérité.

Enfin, monsieur Kasonga wa Tshindemba Jean-Pierre porte la responsabilité de la livraison de Lubaya aux services secrets. Car, c’est lui qui, pour assouvir sa soif de vengeance, a révélé le lieu de cachette d’André Guillaume Lubaya. Le fait d’avoir été engagé dans les mêmes services juste après le forfait et qu’il ait contacté des personnes en vue d’élaborer des faux pour se disculper en dit long. Votre Commission demande qu’il soit traduit devant la justice pour faux témoignage.

VI. Recommandations

Etant donné que les dispositions des articles 6, 8 et 9 de la Constitution du 24 juin 1967 ont été ignorées, plus spécialement en ce qu’elles stipulent que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains », que « nul ne peut être mis à mort si ce n’est dans les cas prévus par la loi et dans les formes qu’elles prescrit », que « nul ne peut être poursuivi, arrêté ni détenu qu’en vertu de la loi », que « toute personne accusée d’infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif» et que cette affaire relève purement et simplement de l’arbitraire du dictateur, votre Commission recommande :

– qu’André Guillaume Lubaya soit proclamé «martyr de la Démocratie» conformément à la demande du PNL ;

– qu’un monument soit érigé en sa mémoire à Kananga ;

– que sa famille soit indemnisée des préjudices subis par cette disparition et que les maisons sise rue Godetias n 398 et 9ème rue n° 157, dans la zone de Limete, lui soient restituées;

– que les corps des victimes, s’ils ont été inhumés, soient restitués à leurs familles;

-que les veuves des victimes soient honorées par une distinction dans les ordres nationaux;

– que les auteurs, co-auteurs et complices de ces meurtres tel qu’établi plus haut, soient déférés devant les cours et tribunaux et interdits pendant au moins deux législatures de l’exercice des libertés politiques.

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Rédaction

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