Il faut sauver le dialogue politique national inclusif. C’est la mission à laquelle s’est attelé la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (Cenco) depuis mercredi 10 août 2016 au travers d’une série des consultations dans son Centre inter-diocésain de Kinshasa, dans la commune urbaine de la Gombe. Les évêques y étaient représentés par Mgr Marcel Utembi, Archevêque de Kisangani et président de la Cenco et mgr Fridolin Ambongo, Évêque de Bokungu-Ikela, Administrateur du Diocèse de Mbandaka-Bikoro et Vice-président de la Cenco, accompagnés des Secrétaires Généraux.
Objectif de ces consultations tout azimut : trouver une issue favorable au dialogue qui bloque depuis des mois sans avoir même commencé. Deux points d’achoppement y étant à la base : la personnalité même du facilitateur envoyé de l’Union Africaine, le togolais Edem Kodjo, récusée par le Rassemblement de l’opposition qui le trouve trop proche du pouvoir, mais soutenu par la Majorité Présidentielle (MP); et sur les mesures dites d’apaisement réclamées notamment la libération des prisonniers politiques, la fin des poursuites contre certains opposants comme Moise katumbi, la réouverture des médias fermés par le gouvernement…
Sur le premier point, et à l’issue de sa rencontre avec les évêques, Edem Kodjo a insisté : « Je ne vais pas démissionner et je n’en ai pas l’intention. Ceux qui m’ont mandaté m’ont renouvelé leur confiance et je reçois tous les jours de larges tranches de la société civile, et même des partis politiques, des corps diplomatiques, qui viennent me renouveler leur confiance. Donc je n’ai pas l’intention de démissionner». Sur les mesures d’apaisement réclamées par le Rassemblement de l’opposition et plusieurs acteurs de la communauté internationale, Edem Kodjo a dit en avoir parlé le ministre de la Justice Tambwe Mwamba et espérait une suite favorable en précisant que la libération des prisonniers politiques est une question qui trouble aussi les évêques.
Faudra-t-il le rappeler que la Cenco tire la sonnette d’alarme depuis des mois sur la crise politique, craignant que le sang ne coule à nouveau dans le pays, comme le rappelle chacun de ses communiqués. «Les évêques s’engagent parce qu’ils souhaitent que ce dialogue soit inclusif », comme l’a dit le SG de la Cenco, l’abbé Santedi avant d’assurer qu’il y avait toujours de l’espoir, malgré les obstacles car il en va de l’avenir de ce pays».
De la vue de la Cenco elle-même, «cette démarche ne vise qu’à apporter leur sollicitude pastorale pour faciliter si possible la tenue effective du dialogue et la relance du processus électoral. Cet engagement fait suite au souhait de la 53ème Assemblée plénière des évêques à Kinshasa, dans laquelle ils s’étaient prononcés pour accompagner les acteurs politiques autant qu’ils peuvent dans la recherche des voies et moyens pour trouver de solution à la question relative au dialogue national. Dans le message du 25 juillet 2016, les évêques membres de la Cenco avaient émis le vœu de voir les acteurs politiques tenir le dialogue en ce mois d’Août. Mais il faut dire que jusqu’à présent les choses n’ont pas beaucoup évolué. Nous adressons cette exhortation à tous les fils et filles de la RD Congo pour un sursaut patriotique en vue de sauver la Nation en danger». https://www.afriwave.com/2016/06/28/appel-a-la-responsabilite-des-acteurs-politiques-pour-la-sauvegarde-de-la-nation/
Les évêques de la Cenco ont rencontré successivement le facilitateur de l’Union Africaine (UA) du dit dialogue, le togolais Edem Kodjo et le Groupe de Soutien de la Communauté internationale qui l’accompagne. Egalement l’Opposition républicaine, la Dynamique de l’opposition, l’UDPS et alliés, la Ceni (Commission nationale électorale indépendante) en vue d’approfondir les discussions. Tous sont venus conférés avec la haute hiérarchie catholique du pays en vue de désamorcer la crise actuelle dans le pays et trouver une issue de sortie de l’impasse.
Là où l’opposition exige des mesures de décrispation notamment la libération des prisonniers politiques et d’opinion (Diomi Ndongala, Muyambo Kasa, les jeunes de Filimbi) ainsi que l’arrêt des poursuites contre certains opposants comme Moise Katumbi, la Majorité présidentielle (MP) rétorque que cela est déjà fait. Ajoutant à l’endroit de l’opposition qu’en guise de cette décrispation souhaitée par elle, qu’elle cesse son discours incendiaire, appelant notamment à un soulèvement populaire en cas de non-respect des élections dans les délais constitutionnels. Ce à quoi l’opposition rétorque elle, en parlant d’abus des leviers du pouvoir et dénonce des discours tout aussi incendiaires sur la télévision nationale ou les chaînes proches du pouvoir. Un véritable dialogue de sourds.
Des personnalités reçus et leurs déclarations
L’ex-Premier ministre Adolphe Muzito, a expliqué avoir prodigué des conseils aux évêques sans pour autant fournir d’autres détails sur le fond de sa pensée ni la nature de ces conseils. La délégation du MLC de Jean-Pierre Bemba conduite par sa SG Eve Bazaiba Masudi n’est nullement partie prenante au dialogue. Pour elle, c’est le respect de la Constitution qui aidera à la sortie de crise dans le pays. Pour la plate-forme AR, Alternance pour la République membre du Rassemblement issu du Conclave de Genval en Belgique, les préalables doivent d’abord être levés avant de parler dialogue comme la libération des détenus politiques.
Pour les pro-dialogue comme l’UNC et son président Vital Kamerhe et ses alliés, la balle est dans le camp de Kabila, il signe les ordonnances, nos amis sont libres; vous nous verrez au dialogue, (et) pas pour partager le pouvoir ni reconduire Kabila. Les représentants de la Société civile quant à eux s’inquiètent de ce qu’ils considèrent comme la politisation de leur composante par Edem Kodjo en choisissant dans les dix personnes cinq qui seraient proches de la MP et autant de l’opposition.
Côté MP, le Sénateur Léonard She Okitundu qui a rencontré les évêques explique que le président Kabila et le gouvernement ont déjà fait beaucoup et s’apprêtent à faire plus. Mais il y a des limites prévient-il. Le président de la République déjà, dans le message précédent : l’ordonnance portant convocation du dialogue avait pris l’engagement de procéder à certaines mesures de décrispation. C’est ce qui a commencé avec les mesures de grâce présidentielle dont certaines personnes ont bénéficié, et ces mesures de grâce ne sont pas les dernières. Je crois qu’au fur et à mesure que les conditions légales sont remplies, les personnes concernées bénéficieront de ces mesures de grâce.
De la vie générale, tous semblent pourtant reconnaitre aujourd’hui‘hui l’absolue nécessité d’un dialogue même si sur la forme, des divergences demeurent. Et de plus, au sein de la communauté internationale, certains rêveraient d’un scénario où l’actuel facilitateur et le Groupe de Soutien ne seraient plus que témoins d’un dialogue inter-congolais, avec l’Église catholique aux commandes comme ce fut lors de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) de 1990.
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"Je ne démissionnerai pas." Après Kabila, Kodjo est devenu le deuxième problème : un Facilitateur hautain qui ne fait rien d'autres que compliquer la situation. La CENCO, l'UA, l'ONU ... doivent lui trouver rapidement une voie de sortie.
Le problème n'est pas dans son caractère hautin, mais de son passé en tant que médiateur. Lui qui a échoué dans le dialogue inter burundais, on voit très mal comment il réussira en RD Congo ou la situation est encore plus que compliquée. On ne peut que lui souhaiter bonne chance dans cette tâche plus qu'ingrate de ramener la paix dans un pays assis sur une poudrière.