18 novembre 2016 by Botowamungu Kalome
Le Président Joseph Kabila le 14 novembre 2016 au Palais de la Nation à Kinshasa |presidence.cd
Plus aucun discours, plus aucun communiqué de presse ne sort de la présidence de la République de la RDC sans charrier son lot de fautes de syntaxe et de formules comportant des contresens. Non, commettre une faute de français n’est pas une abomination, même si cela arrive au sommet de l’État. Personne n’est, en effet, à l’abri d’un accident syntaxique ou d’un accord boiteux. Mais, en la matière, le cabinet de Joseph Kabila est devenu une usine. Étonnant, car l’on ne peut comprendre que ne siège dans ce haut lieu du pays, autre chose que la crème des crèmes du pays. Chaque document sorti de la présidence n’est pas destiné uniquement au local ni à une consommation limitée dans le temps. Il s’agit, également, des éléments d’histoire destinés à la postérité et à toute l’humanité. On ne peut alors comprendre que la recherche de l’excellence absolue n’en soit la règle car on y donne à voir, de facto, le niveau d’instruction et de culture de l’élite du pays.
Après deux communiqués de presse successifs avec au moins une faute de français par paragraphe, le discours tenu, le 15 novembre dernier, par Joseph Kabila en comporte au moins 16. Notre confrère Bruno Kasonga en a dénombré, lui, une trentaine. Désinvolture ou carence, la récurrence de ce problème méritait, en effet, qu’on s’y attarde. Revue de ces fautes :
Le rédacteur de ce discours a fait délibérément le choix de susciter ou de caresser la mégalomanie chez Joseph Kabila en écrivant systématiquement en majuscule le «j» du pronom personnel « je » même s’il ne se trouve pas en début de phrase.
« Quinze ans durant, les congolaises et congolais m’ont accordé leur confiance et assuré de leur soutien indéfectible. Ce qui M’a permis, ensemble avec toutes les Institutions du pays, de remettre celui-ci sur orbite, dans le concert des Nations. »
Ø Dans ce paragraphe, on ne sait pas à quoi «celui-ci» fait référence.
Ø Le « c » de congolaises et congolais aurait dû s’écrire en majuscules ⇒ Congolaises et les Congolais
Ø Et la phrase «Ce qui M’a permis, ensemble avec toutes les Institutions du pays….» aurait dû s’écrire
«Ce qui m’a permis, avec l’appui de toutes ses institutions, de remettre le pays sur orbite.…»
«Au cours de cette période, certains de ces compatriotes nous ont quittés»
Ø «quitté» ne devait pas prendre un «s». Cette formulation reste cependant l’objet d’un débat qui n’a jamais été tranché tant l’usage est largement dominé par l’accord qui ajoute le «s» dans ce cas de figure.
«Il y a quinze ans en effet, la République démocratique du Congo, ce précieux héritage commun, était en lambeau ; un pays en ruine»
Ø «Lambeau» et «Ruine» auraient dû être au pluriel car lambeau est un seul morceau et ruine au singulier exprime la faillite et au pluriel un tas de débris.
« Au plan sécuritaire, le pays écumait d’une multitude de(s?) groupes armés»
Ø Le verbe écumer est utilisé ici à contresens, car ce sont des groupes armés qui écumaient le pays
«distribuant impunément la mort et la violence à souhaits»
Ø Souhait n’aurait pas dû s’accorder.
«J’en avais appelé au courage, à la détermination et à l’esprit de sacrifice de tous pour affronter et surmonter les défis à la fois nombreux et complexes, auxquels nous étions confrontés.»
Ø On n’affronte ni ne surmonte un défi, on le relève.
« les zones de non droit, jadis occupés par divers groupes armés, ont été réduites à une portion congrue. »
Ø Occupés aurait dû être accordé aux « zones de non droit » et s’écrire «occupées»
« Les efforts entrepris se poursuivront dans un contexte de paix et de sécurité retrouvés »
Ø Paix et sécurité étant au féminin « retrouvés » aurait dû s’écrire « retrouvées»
«le pays est en voie d’être totalement réunifié par voie routière, ferroviaire, fluviale et aérienne»
Ø Le deuxième « voie » devait être au pluriel ⇒ voies
«Cela permettrait à notre peuple de demeurer l’arbitre incontesté du jeu politique, conférant le pouvoir à ceux des citoyens qui, à ses yeux, le méritent, vu la qualité de leurs projets de société et le bilan de leur action antérieure.»
Ø «Mériteraient» aurait été une formulation plus heureuse.
« Cela permettrait à notre peuple de demeurer l’arbitre incontesté du jeu politique, conférant le pouvoir à ceux des citoyens qui, à ses yeux, le méritent, vu la qualité de leurs projets de société et le bilan de leur action antérieure. Ce qui garantit la moralisation de la vie politique et assure le renouvellement continu de la classe politique, qui sont tous deux des impératifs incontournables pour la consolidation de notre jeune démocratie. »
Ø Vu que le premier paragraphe commence avec «Cela permettrait», le deuxième aurait dû commencer avec «cela garantirait» pour se conformer à l’idée de la conditionnalité exprimée dans les deux paragraphes.
« Aucun différend, aucun agenda politique ne saurait donc justifier la violence, moins encore des pertes en vies humaines.»
Ø « Donc » est superflu et inutile, cela donne la connotation d’une conversation.
« Ce qui les rend vulnérables face aux incantations démagogiques de certains politiciens et à l’instrumentalisation malveillante des certaines officines étrangères nostalgiques d’un temps pourtant bien révolu.»
Ø Outre qu’ils auraient dû mettre « de » au lieu de « des » devant « certaines officines », la fin de cette phrase aurait dû être « (…) leur instrumentalisation par certaines officines étrangères nostalgiques d’un temps pourtant bien révolu » car, par ailleurs, une instrumentalisation bienveillante n’existe pas.
« J’encourage vivement la poursuite dudit processus dans les aires opérationnelles une et deux, déjà annoncés, comprenant onze autres provinces. »
Ø «Annoncés» au pluriel ne s’explique pas qu’il se rapporte «à la poursuite» ou «audit processus». S’il fait allusion aux «aires opérationnelles une et deux», il aurait dû logiquement s’écrire au féminin ⇒ «annoncées».
« Certes, comme toute œuvre humaine, cet Accord politique est perfectible.»
Ø Un accord signé et « scellé » ne peut être qualifié de perfectible, car il ne peut plus être amélioré puisque ne comportant aucune disposition qui donne à penser qu’il a un caractère provisoire, évolutif ou amendable.|Botowamungu Kalome (AEM)