Hétéroclite, pléthorique, de récompense…tous les superlatifs sont bons pour qualifier ce premier gouvernement de Samy Badibanga annoncé quelques minutes avant la du mandat du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila et alors que les discussions menées par les Evêques sont toujours en cours. Une négociation politique censée reprendre demain, mercredi 21 décembre 2016.
Près de soixante-dix membres, dont trois vice-premiers ministres et sept ministres d’Etat, c’est presque le double de l’équipe précédente et quasiment un record en RDC depuis Mobutu à Laurent-Désiré Kabila. Cette équipe est censé conduire le pays jusqu’aux prochaines échéances électorales d’avril 2018 selon l’Accord politique du 18 octobre 2016 issu du dialogue politique national. Le principal point commun entre ses membres c’est celui d’avoir participé au dialogue qui s’est tenu en septembre et octobre 2016 sous la conduite du togolais Edem Kodjo : nominations qui sommes toutes et pour beaucoup, sont des récompenses à ceux qui ont permis d’obtenir la tenue de cette rencontre voulue par le chef de l’Etat et son Accord politique du 18 octobre 2016 lui garantissant sa place à la tête du pays jusqu’en avril 2018.
Coïncidence ou pas, alors que la lecture de l’ordonnance de nomination du gouvernement se faisait sur la télévision d’Etat, la RTNC; le concert de sifflets et autres tintamarres des casseroles se faisaient entendre partout dans les quartiers populaires de Kinshasa. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, en est l’incarnation parfaite. Principal artisan de ce premier dialogue, le sénateur de 70 ans est aussi le premier des trois vice-Premiers ministres nommés, avec Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire général adjoint du parti de Kabila nommé à l’Intérieur, et José Makila, issu des rangs de l’opposition, nommé aux Transports. Ces 3 vice-Premiers ministres révèlent bien aussi la tendance de ce gouvernement d’union nationale. Récompenser les fidèles de Kabila et ceux de l’opposition qui ont accepté de coopérer avec lui au-delà de son mandat.
Quid de Vital Kamerhe ?
Longtemps pressenti pour le poste de Premier ministre, ce dernier lui a échappé en dernière minute (Lire notre article Vital Kamerhe et l’UNC : entre amertume et déception, une réalité politique au lendemain qui déchante https://www.afriwave.com/?p=1300). Son parti, l’UNC, s’en tire néanmoins avec trois portefeuilles ministériels : le Budget, le Commerce et vice-ministre de la Justice : un Ministre d’Etat en la personne de son fidèle conseiller Pierre Kangudia, l’éternel bras droit et beau-frère Baugie Sangara.
Les soutiens de la dernière heure au dialogue de la cité de l’UA et ex- de Genval, comme Emmanuel Ilunga, Willy Mishiki et Marie-Ange Mushobekwa Likulia sont également récompensés tout comme le transfuge de l’UDPS Tharcisse Loseke Nembalemba que Samy Badibanga aura réussi à débauché auprès de Tshisekedi. Les soutiens de l’intérieur comme Steeve Mbikayi et Justin Bitakwira sont également récompensés pour leur loyauté à la tenue du dialogue de Kodjo.
Certains ministres ténors et proches de Kabila du précèdent gouvernement sont de la partie. Ce sont Lambert Mende, Alexis Tambwe Mwamba ou Modeste Bahati Lukwebo. Les débauchés de l’ère Concertations nationales comme Thomas Luwaka sont aussi là. Des nouvelles têtes apparaissent comme Oli Oli Ilunga à la Santé, Jean-Lucien Busa au Plan.
Un membre du Rassemblement de l’opposition présent au Centre Interdiocésain contacté par www.afriwave.com ce soir parle d’un jour de deuil avec une nième provocation du régime et malgré la médiation de L‘Église catholique au travers de la CENCO entre le pouvoir et son opposition, le président Kabila vient de franchir un nouveau pallier dans la provocation : la nomination du gouvernement Samy Badibanga alors que la question de son avenir reste entière. Au moins notre peuple est édifié par cette prime aux corrompus et aux traitres. C’est au peuple de se prendre en charge pour barrer la route à tous ces individus pour un Congo meilleur que nous lèguerons à nos enfants car on ne pourra continuer à le défier de la manière par Kabila.
De là, tous les observateurs se demandent à quoi sert encore le dialogue mené par la CENCO qui pensait relancer sa médiation pour le mercredi 21 décembre 2016. Au pouvoir depuis plus de 15 ans, le mandat de Joseph Kabila a pris fin ce lundi 19 décembre 2016 à 23h59’alors qu’aucun successeur n’a été désigné faute d’élections non organisées.
Composition du gouvernement Samy Badibanga
Vice-Premiers ministres
Affaires étrangères : Léonard She Okitundu
Intérieur, Sécurité : Emmanuel Ramazani Shadary
Transports et communication : José Makila
Ministres d’État
Justice : Alexis Thambwe-Mwamba
Budget : Pierre Kangudia
Économie : Modeste Bahati
Plan : Jean-Lucien Bussa
Travail, Emploi et Prévoyance sociale : Lambert Matuku
Décentralisation et Réformes institutionnelles : Azarias Ruberwa
Fonction publique : Michel Bongongo
Ministres
Défense, Anciens combattants et Réinsertion : Crispin Atama
Finances : Henri Yav
Communication et Médias : Lambert Mende
Postes, NTIC : Ami Ambatobe
Portefeuille : Wivine Momba Matipa
Relations avec le Parlement : Justin Bitakwira
Affaires foncières : Félix Kabange
Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction : Thomas Luhaka
Urbanisme et Habitat : Joseph Kokonyangi
Mines : Martin Kabwelulu
Hydrocarbures : Aimé-Ngoy Mukena
Industrie : Marcel Ilunga Leu
Énergie et Ressources hydrauliques : Pierre Anatole Matusila
Tourisme : André Moke Sanza
PME : Eugène Serufuli
Coopération au Développement : Clément Kanku
Commerce extérieur : Aimé Boji Sangara
Agriculture : Patrick Mayombe
Enseignement primaire, secondaire et professionnelle : Gaston Musemena
Genre, Enfants et Famille : Marie-Louise Mwange
Affaires sociales, Solidarité et Action humanitaire : Paluku Kisaka Yererere
Sports : Willy Bakonga
Environnement et Développement durable : Kabongo Kalonji
Enseignements supérieurs : Steve Mbikayi
Formation professionnelle, Métiers et Artisanat : Guy Mikulu
Recherche scientifique : Bamboka Lombendi
Développement rural : Martine Ntumba Bukasa
Droits humains : Marie-Ange Mushobekwa
Santé : Oli Ilunga Kalenga
Jeunesse et Initiation à la nouvelle citoyenneté : Maguy Kiala
Pêche et Élevage : Jean-Marie Mulambo
Affaires coutumières : Venant Tshipasa
Culture et Arts : Sylvain Maurice Masheke
Délégué auprès du PM : Fidèle Ntigo Mbayi
Vices ministres
Affaires Étrangères : Yves Kisombe
Congolais de l’Etranger : Emmanuel Ilunga
Intérieur : Basile Olongo
Transports et Communication : Samy Adubango.
Justice : Kiove Kola
Budget : Willy Ngoposs
Environnement : Âgée Matembo
Plan : Franck Mwedi Apenela
Travail : Arthur Sedea
Décentralisation : Montana Autaine
Défense : Corneille Maswaswa.
Finances : Tharcisse Loseke Nembalemba
Télécommunication : Isidore omari
Porte Feuille : Omer Egbake
Infrastructures : Papy Matenzolo
Urbanisme : Zache Rugabisha
Énergie : Willy Mishiki
Coopération : John Kwete
Commerce : Nathalie Mbul
Agriculture : Noël Botakile
Économie : Mme Bishumu Akupendayi
Enseignement Supérieur : Mboso Nkodia Mpuang
Santé : Maguy Rwakabuba
Quelques observations
Evincé aussi de ce nouveau gouvernement, l’ancien ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, récemment sanctionné par les Etats-Unis, et l’un des fervents défenseurs d’un troisième mandat de Joseph Kabila. Les autres perdants sont Kin-Kiey Mulumba de Kabila Désir, Denis Kambayi et Germain Kambinga qui disparaissent. Le premier s’était d’abord illustré par des attaques contre Badibanga sur sa double nationalité avant de se raviser, le deuxième a suspendu le championnat national du football du fait que les supporters trouvaient dans les stades du pays un lieu de déversoir de toute leur hostilité contre Kabila et le dernier se prenait pour «un fou du Roi» avec sa campagne internationale ratée pour soigner l’image du chef. Pour les observateurs de la scène politique nationale, c’est l’incompétence notoire de ces ex-ministres qui a creusé leur tombe, car il ne suffit pas simplement de danser pour le chef afin que l’on soit apprécié de lui affirme un membre du PPRD, le parti présidentiel.
La grande question qui se pose reste celle de la légitimité même de ce gouvernement et de sa capacité à convaincre au travers de sa gestion pour le temps lui imparti, mais surtout avec quels moyens de bord ? Il vient d’être nommé alors que la négociation directe sous l’égide de la CENCO entre la Majorité présidentielle et le Rassemblement de l’opposition sont encore en cours. Peut-être qu’avec un nouveau compromis, il (gouvernement) risque de tomber pour céder la place à une nouvelle équipe de consensus Sans aucun doute un mauvais point pour obtenir le soutien de la communauté internationale.