Nouveau rebondissement depuis la semaine dernière dans la saga Ida Sawyer entre la RDC et Human Rigths Watch, l’organisation américaine de Défense des Droits Humains dans le monde basée à New-York. Chercheuse senior à HRW et Directrice pour l’Afrique centrale avec résidence en RDC, elle a de nouveau été expulsée du pays le 20 janvier 2017 à partir de Goma où elle venait de faire son retour sur le sol congolais.
Très critique dans ses différents rapports à l’égard des autorités congolaises, Ida Sawyer fut expulsée la première fois en août 2016 pour cause de visa non renouvelé. Pourtant, muni d’un visa officiel délivré par l’ambassade de la RDC à Bruxelles où elle avait trouvé un point d’attache après son départ de Kinshasa; elle annonçait via son compte Twitter le weekend dernier sa joie de revenir au Congo à partir de l’Est du pays :
Réjouissance de courte durée car, dans l’entretemps; le ministre congolais de la Communication Lambert Mende Omalanga venait de doucher tous les espoirs. En effet, pour le porte-parole du gouvernement; le pays n’a jamais autorisé le renouvellement du visa. Elle est toujours sur la liste des personnes indésirables en RDC et son visa a été obtenu sur base de fausses informations».
Confirmant la précédente décision des autorités congolaise déclarant Mme Sawyer persona non grata, le ministre annonce dans la foulée une nouvelle expulsion de la chercheuse : «je confirme son expulsion suite à son entrée et à ses déclarations frauduleuses devant les agents de l’immigration. A Goma ou elle a voulu tromper la vigilance de nos services, elle a été renvoyée». Décision que condamne l’organisation internationale ainsi que ses homologues congolaises.
Que se passe-t-il entre HRW et la RDC ?
Le désamour entre l’ONG HRW et la RDC trouve ses origines dans la dénonciation des multiples actes en violation des Droits humains dans le chef du pouvoir congolais incarné par Joseph Kabila. En témoin presque gênant et au travers de plusieurs enquêtes, Ida Sawyer avait notamment dénoncé les exécutions extrajudiciaires, la détention des activistes de plusieurs mouvements des jeunes dont Filimbi sans oublier les témoignages sur des corps emportés par des éléments de la Garde Républicaine lors des manifestations de janvier 2015. Dans l’affaire dite des fosses communes de Maluku, elle avait révélé par exemple le décès suspect de l’infirmier Claude Kakese, responsable de la morgue de la Clinique Ngaliema pour lequel aucune enquête n’avait jamais été diligentée par les autorités congolaises.
Droits humains, un bilan toujours mauvais
La nouvelle expulsion d’Ida Sawyer coïncide avec la publication du Rapport 2016 du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) sur l’état des Droits Humains et de l’Homme en RDC. Pour l’ONU, c’est un tableau sombre que présente Kinshasa en cette matière : malgré deux dialogues, un nouveau gouvernement d’union nationale en place; c’est à une hausse spectaculaire des violations des droits de l’homme à caractère politique, synonymes d’une restriction de l’espace politique.
Selon Jose Maria Aranaz, le Directeur du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme, «L’espace démocratique a été réduit de manière dramatique, surtout les droits des opposants de la société civile et des médias ont été violés de manière flagrante dans les grandes villes du pays. Le respect aux droits et libertés fondamentales c’est une partie centrale de l’accord politique de la Constitution de la RDC. Sans respect des droits et des libertés fondamentales il n’y aura pas une application crédible de l’accord».
En 2016, 5190 cas de violations des droits de l’homme sur l’étendue du territoire de la RDC ont été répertoriés, soit près de 30% de plus qu’en 2015. Plus de 60% ont été commises par des agents étatiques et surtout par la police nationale qui -à elle seule-en a commis le tiers, selon le BCNUDH. A ce chiffre, il faudra ajouter 1 102 violations des Droits de l’Homme à caractère politique. Les multiples groupes armés étant responsables de 36% des violations en ayant causé la mort de 718 personnes, dont 260 exécutions sommaires dans le seul territoire de Beni.