Plus d’une semaine depuis son décès le 1er février 2017 à Bruxelles et trois jours de deuil et d’hommages rendus en son honneur, le rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi et ses obsèques au pays demeurent toujours incertains; du moins pour l’instant. Et pour cause, le désaccord entre sa famille biologique, celle politique et le gouvernement congolais. En attendant, une messe de suffrage en sa mémoire sera célébrée ce jeudi 10 février 2017 à 11h00′ en La Basilique de Koekelberg en région bruxelloise, dans la commune du même nom en présence de son frère cadet, Mgr Gérard Mulumba, Evêque de Mweka dans le Kasaï Central.
Les tractations entamées lundi 06 février 2017 à Kinshasa entre le gouvernement et une délégation de la famille biologique de l’opposant mort ont été dénoncées ce mercredi 08 février 2017 par son parti, l’UDPS. Déjà, à l’issue de la rencontre du 06 février avec la Commission du gouvernement présidée par Emmanuel Ramazani Shadary, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Mgr Gérard Mulumba déclarait : «À Kinshasa, les gens ne sont pas prêts à accepter des obsèques avec ce gouvernement. C’est ce que tout le monde dit et c’est ce que j’ai indiqué aux autorités pour que les obsèques se passent au mieux». Car l’enterrement d’Étienne Tshisekedi est considéré un véritable casse-tête sécuritaire et logistique, selon des responsables sécuritaires qui ont requis l’anonymat.
L’UDPS pas d’accord
Au cours de son point de presse, l’UDPS se dit indignée par le comportement récupérateur du régime en place face au deuil du Président Etienne Tshisekedi en soulignant que ces sont les familles biologiques et politiques du défunt qui coordonnent valablement toutes les cérémonies y relatives. Les autres partenaires ne viennent qu’en appui.
Cette volte-face du parti cher à Tshisekedi intervient après que le ministre Mende ait annoncé toute une série des mesures gouvernementales pour l’organisation et la tenue des obsèques de l’ancien premier ministre. Notamment l’envoie d’une délégation du gouvernent à Bruxelles la facilitation de certaines mesures administratives comme l’offre des titres de voyage pour la famille et certaines personnes qui voudront se rendre à Bruxelles en vue du rapatriement du corps du défunt et ses obsèques sur place au pays.
L’UDPS se dit pas intéressée par l’offre des titres de voyage faite par l’actuel gouvernement à sa délégation pour les raisons suivantes : le caractère malveillant et ostentatoire de cette offre nous pousse à croire que nous sommes face à des calculs politiques de mauvais gout dont l’objectif est de faire du tapage et marchandage inutiles. S’en tenant au cadre politico-juridique devant régir l’espace politique avec la signature de l’Accord Politique Global et Inclusif du 31 décembre 2017 dont l’Arrangement Particulier (AP) n’est toujours pas signé jusqu’à ce jour, l’UDPS souligne la nécessité et l’urgence pour la mise en œuvre dudit Accord le plus vite que possible de manière à décrisper la situation politique dans le pays. Au parti de Tshisekedi d’estimer que seul un gouvernement mis sur pied en application de cet Accord a le droit d’accompagner le deuil de son Chez Président.
Pour ce qui est des dates du rapatriement du corps et de l’enterrement de son Héros, l’UDPS annonce qu’elles ne seront connues qui si seulement ses deux préalables rencontrent des solutions : fixation du lieu et de la forme de l’enterrement. L’érection d’un mausolée au centre-ville de Kinshasa où sera gardé pour l’éternité le corps du Père de la Démocratie et la prise en charge de tous les frais liés aux obsèques par l’Etat congolais à travers le gouvernement de large Union Nationale en vue.
En ce qui concerne le dernier point pourtant, un accord de principe semblait être trouvé car le gouvernement actuel ayant décidé de tout prendre en charge, Etienne Tshisekedi ayant été ancien Premier ministre à trois reprises. Or, ce gouvernement est dirigé par un dissident de l’UDPS banni de son parti, Samy Badibanga dont les jours à la tête de l’Exécutif national sont comptés. Car, il est censé démissionner dès que l’Accord du 231 décembre 2017 sera mise en œuvre avec la formation d’un nouveau gouvernement.
Félix Tshilombo Tshisekedi, futur Premier ministre ?
Il faut le rappeler qu’avec la disparition de Tshisekedi, l’UDPS et le Rassemblement aujourd’hui orphelins ont perdu son principal moyen de pression et facteur d’unité. Une partie des membres de cette plateforme craignant désormais que le pouvoir ne s’estime plus contraint de nommer un Premier ministre issu du Rassemblement, envisageant même d’utiliser les obsèques et les débordements qu’elles pourraient occasionner comme moyen de pression pour obtenir sa mise en œuvre rapide.
Le mode désignation et de nomination du futur Premier ministre issu de l’opposition demeure aujourd’hui le seul grand point de divergence entre la Majorité présidentielle (MP) et le Rassemblement de l’opposition (Rassop). «Le Rassemblement ne veut désigner qu’une seule personne, ce qui n’est pas contraire à l’Accord, la Majorité veut que soient désignés plusieurs personnes, ce qui est conforme à la Constitution », comme le souligne l’Abbé Donatien Nshole; SG ai et Porte-parole de la CENCO. Cette question retarde ainsi la signature de l’Arrangement Particulier (AP), texte additif et explicatif devant faciliter la mise en œuvre de l’Accord politique du 31 décembre 2016.
Si l’ensemble de l’opposition du Rassemblement est d’accord pour que le premier ministre soit désigné par sa grande composante qu’est l’UDPS, tous les pronostics se portaient sur Félix Tshilombo Tshisekedi, SG adjoint du parti. Or, jusqu’à sa mort; Etienne Tshisekedi en sa qualité du Président du Conseil des Sages du Rassemblement n’a jamais laissé transpirer sa moindre préférence pour son fils ou quelqu’un d’autre… emportant ainsi avec lui son secret outre-tombe. Aujourd’hui mort, ça sera à son successeur comme Président du Conseil des Sages du Rassemblement désigné par ses pairs de décider du nom du futur premier ministre.
Encore des difficultés en perspectives…
Autre point qui risque de faire la divergence, la nomination du futur Président du Comité National de Suivi de l’Accord (CNSA) qui avait été confié intuitu personae à Etienne Tshisekedi. Pour le porte-parole de la CENCO aux micros de nos confrères de la Deutsche Weille (La Voix de l’Allemagne), «Le président du CNSA sera le futur président du Rassemblement : Si vous lisez l’Accord je ne crois pas que vous verrez le nom d’Etienne Tshisekedi là-dedans. Ce poste revient au Président du Conseil des Sages du Rassemblement. Donc si aujourd’hui le Rassemblement a un autre président.., si l’on doit respecter l’Accord, ce serait lui».
Propos que conteste d’avance l’un des négociateurs de la MP, Lambert Mende : c’est un débat que nous devons encore avoir, le poste ayant été confié intuitu personae. L’abbé Nshole, en tant que représentant du facilitateur, ne peut pas se substituer aux négociateurs. La CENCO pour sa part disant ne pas se désengager aussi longtemps que l’Accord sur tous les points ne sera pas atteint et que ça sera irresponsable de la part des Evêques d’abandonner la médiation en cours de route.
Roger DIKU à Bruxelles