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Affaire Germain Katanga : la CPI ordonne des réparations individuelles et collectives pour les victimes

Le 24 mars 2017 à 10h00′ (heure de La Haye), la Chambre de première instance II de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu son ordonnance de réparation aux victimes dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga.

Déclaré coupable, le 7 mars 2014, en tant que complice, d’un chef de crime contre l’humanité (meurtre) et de quatre chefs de crimes de guerre (meurtre, attaque contre une population civile, destruction de biens et pillage), l’ex-rebelle devenu militaire FARDC Katanga avait été condamné, le 23 mai 2014, à une peine de douze ans d’emprisonnement qui, par la suite a été réduite, et a pris fin le 18 janvier 2016. Depuis lors à son retour au pays, il est incarcéré à la Prison centrale de Makala à Kinshasa de suites des poursuites engagés contre lui par le gouvernement congolais.

Pour toute indemnisation et en guise de réparation du préjudice subi, chacune des victimes recevra 250 dollars «symboliques» renseignent des sources de ce dossier. Mais également des réparations collectives comme des aides au logement ou à l’éducation dans le but de promouvoir la réconciliation entre population locale. Cette première dans la décision des juges de la CPI d’indemniser financièrement constitue un signal dans le chef des responsables des crimes qu’ils seront tenus un jour de réparer les atteintes commis contre leurs victimes.

Estimée à près de 16 millions de dollars par les avocats des parties civiles, la Cour a finalement établie le préjudice à 3,7 millions de dollars dont Katanga aurait dû payer une partie personnellement, soit 1 million de dollars. Reconnu indigent car ne pouvant faire valoir cette somme, c’est donc finalement le Fond pour les victimes de la CPI qui versera ces réparations. Elles devront couvrir aussi les dégâts matériels comme les 228 maisons détruites lors du massacre en 2003, les nombreux habitants qui avaient perdu entre 10 et 15 vaches chacun ou encore pour une nouvelle école dans le village.

Cette autre affaire de la CPI contre des ressortissants congolais intervient deux jours après un autre jugement définitif du 22 mars 2017 dans l’affaire dite de subornation des témoins Le Procureur contre Jean-Pierre Bemba et coaccusés.

Ci-dessous, le texte de cette ordonnance

Affaire Katanga : la Chambre de première instance II ordonne des réparations individuelles et collectives au profit des victimes

ICC-CPI-20170324-PR1288

  1. le juge Marc Perrin de Brichambaut, Juge président, Mme la juge Olga Herrera Carbuccia et M. le juge Péter Kovács prononçant l’ordonnance de réparation lors d’une audience publique à La Haye (Pays-Bas) le 24 mars 2017. ©ICC-CPI
  2. le juge Marc Perrin de Brichambaut, Juge président, Mme la juge Olga Herrera Carbuccia et M. le juge Péter Kovács prononçant l’ordonnance de réparation lors d’une audience publique à La Haye (Pays-Bas) le 24 mars 2017. ©ICC-CPI

Aujourd’hui, 24 mars 2017, la Chambre de première instance II (« Chambre ») de la Cour pénale internationale (« Cour » ou « CPI ») a rendu son ordonnance de réparation, par laquelle elle a ordonné des réparations individuelles et collectives, en faveur des victimes des crimes commis par Germain Katanga le 24 février 2003 lors d’une attaque lancée contre le village de Bogoro dans le district de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC).

Ainsi, la Chambre a ordonné des réparations individuelles à 297 victimes de M. Katanga, à savoir une indemnisation symbolique de 250 USD pour chaque victime, ainsi que des réparations collectives ciblées, sous la forme d’une aide au logement, d’un soutien à une activité génératrice de revenus, d’une aide à l’éducation et d’un soutien psychologique. Du fait de l’indigence de M. Katanga, le Fonds au profit des victimes a été invité à considérer d’utiliser ses ressources pour ces réparations et à présenter un plan de mise en œuvre le 27 juin 2017 au plus tard.

Une retransmission vidéo à la prison de Makala, RDC, a permis à M. Katanga de suivre le prononcé de l’ordonnance. Pour assurer que les personnes intéressées, en particulier celles ayant déposé des demandes en réparation et les communautés affectées, soient informées, des activités de sensibilisation, y compris une projection de l’audience, se tiendront aujourd’hui à Bunia, en RDC, et dans d’autres villages dans les prochains jours.

Le Représentant légal des victimes et la Défense peuvent faire appel de cette décision s’ils le souhaitent dans un délai de 30 jours.

  1. Katanga a été déclaré coupable, le 7 mars 2014, en tant que complice, d’un chef de crime contre l’humanité (meurtre) et de quatre chefs de crimes de guerre (meurtre, attaque contre une population civile, destruction de biens et pillage). Il a été condamné, le 23 mai 2014, à une peine de douze ans d’emprisonnement qui, par la suite a été réduite, et a pris fin le 18 janvier 2016.

Principes applicables

Au préalable, la Chambre a rappelé les principes qui ont guidés la phase des réparations en se fondant sur le jugement de la Chambre d’appel de la CPI. La Chambre a souligné que la procédure en réparation a pour but d’obliger les responsables de crimes graves à réparer le préjudice qu’ils ont causé aux victimes et permettre à la Cour de s’assurer que les criminels répondent de leurs actes. À cet effet, la Chambre a rappelé que la Cour doit mettre tout en œuvre afin d’assurer que les réparations soient significatives pour les victimes et qu’elles obtiennent, autant que possible, des réparations qui soient appropriées, adéquates et rapides. La Chambre a également rappelé que, pour toutes les questions liées aux réparations, elle doit tenir compte des besoins de toutes les victimes et les mesures mises en œuvre doivent garantir leur sécurité, leur bien-être physique et psychologique et la protection de leur vie privée. D’autre part, la Chambre doit traiter les victimes avec humanité et respecter leur dignité et leurs droits humains. Il est en outre primordial que les réparations soient accordées « sans distinction défavorable fondée sur le sexe, l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou la conviction, les opinions politiques ou autres, l’orientation sexuelle, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre qualité ». Les réparations doivent également tendre vers la réconciliation et l’octroi de réparations collectives pourrait promouvoir cet objectif.

Analyse individuelle des demandes en réparations

La Chambre a procédé à une analyse individuelle des demandes de réparation présentées par 341 demandeurs et a constaté que 297 d’entre eux ont présenté suffisamment de preuves pour être considérés comme des victimes des crimes de M. Katanga et ainsi pouvoir bénéficier des réparations dans cette affaire.

Evaluation du préjudice et portée de la responsabilité de M. Katanga en matière de réparations

En tenant compte des éléments présentés devant les juges, des pratiques de tribunaux nationaux et internationaux ainsi que des observations de la Défense et du Représentant légal des victimes, ainsi que le Fonds au profit des victimes et des organisations invités à participer dans la procédure de réparations, la Chambre a évalué l’ampleur du préjudice physique, matériel et psychologique subi par ces victimes à une valeur monétaire totale de 3.752.620 USD approximativement.

La Chambre a par la suite fixé la part incombant à M. Katanga à 1.000.000 USD selon le principe de proportionnalité.  Après avoir constaté que M. Katanga est  indigent aux fins des réparations, la Chambre a ordonné au Greffe de la Cour de continuer à évaluer sa situation financière.

Réparations individuelles et collectives

Pour décider des réparations à accorder, la Chambre s’est notamment appuyé sur les préférences et les besoins exprimés par les victimes. L’ordonnance prévoit deux types de réparations : à caractère individuel attribuée à l’individu afin de réparer les préjudices qu’il a subi, et à caractère collectif sous forme de projets de long terme qui s’adressent à la communauté dans son ensemble, tout en ciblant le plus possible les victimes individuelles.

Ainsi, la Chambre a ordonné des réparations individuelles aux victimes de M. Katanga, à savoir une indemnisation symbolique de 250 USD pour chaque victime. La Chambre a souligné le fait que ce montant symbolique ne vise pas à indemniser les préjudices dans leur intégralité mais permet de soulager les préjudices subis par les victimes d’une manière significative.

La Chambre a aussi ordonné des réparations collectives ciblées, sous la forme d’une aide au logement, d’un soutien à une activité génératrice de revenus, d’une aide à l’éducation et d’un soutien psychologique.

Mise en œuvre des réparations

La Chambre a rappelé que lorsque la personne déclarée coupable n’est pas en mesure de se conformer immédiatement à une ordonnance de réparation en raison de son indigence, le Fonds peut compléter le produit de l’exécution des ordonnances de réparation en prélevant le montant nécessaire sur ses autres ressources, comme le prévoit son Règlement. Notant la situation financière actuelle de M. Katanga, la Chambre a donc invité le Conseil de direction du Fonds de considérer, s’il y est disposé, d’utiliser les ressources du Fonds afin de financer et mettre en œuvre les réparations collectives. Elle a, en outre, recommandé au Fonds de considérer de fournir les ressources financières nécessaires afin d’octroyer les réparations individuelles monétaires.

La Chambre a aussi ordonné au Fonds de contacter les autorités de la RDC concernant une possible collaboration à la réalisation et la mise en œuvre des réparations.

Le Fonds au profit des victimes devra présenter, le 27 juin 2017 au plus tard, un plan de mise en œuvre de l’ordonnance de réparations individuelles et collectives qui décrira les projets qu’il entendra ensuite développer. Le Représentant légal des victimes ainsi que la Défense pourront déposer des observations sur ce plan de mise en œuvre le 28 juillet 2017 au plus tard. La Défense pourra aussi contacter le Fonds si M. Katanga souhaiterait contribuer par le biais d’une lettre d’excuse ou par des excuses publiques ou par l’organisation d’une cérémonie de réconciliation.

Le Fonds, en plus de son mandat en matière de réparation liée à une affaire spécifique, a un mandat d’assistance en faveur des victimes dans les pays où la CPI a ouvert une enquête. C’est dans le cadre de son mandat d’assistance que la Chambre a invité le Fonds à tenir compte, chaque fois que cela lui sera possible, des préjudices qu’ont subis les victimes lors de l’attaque de Bogoro, en particulier, les violences à caractère sexuel, qu’elle n’a pas été en mesure de considérer dans l’affaire à l’encontre de M. Katanga.

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