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Exactions et meurtre de Zaida Catalán dans le Kasaï : un enregistrement sonore du député Clément Kanku qui intrigue

A peine un procès annoncé par les autorités militaires congolaises sur les exactions dans le Kasaï et le meurtre sauvage de deux experts de l’ONU, qu’une nouvelle révélation dans ce dossier sensible apparaît dans un média américain, en l’occurrence le New York Times. Dans son édition online du samedi 20 mai et celle papier du dimanche 21 mai 2017, ce journal révèle l’existence d’un enregistrement qui se trouvait dans l’ordinateur de Zaida Catalán, une juriste experte de l’ONU retrouvée morte le 27 mars 2017 après son rapt le 12 mars 2017 sur une route de Kananga avec son confrère Michael Sharp.

New-York Times écrit que « Mme Catalán a conservé 130 fichiers dans un dossier sur son ordinateur sous le nom de M. Kanku. Parmi eux, il y avait une conversation téléphonique enregistrée dans laquelle il [M. Kanku] semble discuter de mettre le feu à une ville [village] de la région, Tshimbulu, avec un subordonné. Ils parlent des assassinats ciblés d’un colonel et d’autres fonctionnaires, et d’un chaos général.

New York Times affirme ne pas savoir comment Mme Catalán a obtenu cet enregistrement téléphonique. Par contre et citant ses collaborateurs, ce journal confirme que M. Kanku savait qu’elle avait le fichier audio : « En fait, elle avait dit à M. Kanku qu’elle l’avait (..) et devait discuter avec lui après son voyage dans la brousse [le voyage ayant conduit à son assassinant]. Contacté par The New York Times, clément Kanku aurait initialement nié, puis confirmé qu’il avait été en contact avec les experts : « J’ai parlé avec l’homme ; la femme, je ne lui ai pas parlé » avant de changer de version plus tard : « Je pense que j’ai également parlé avec la femme, mais je ne suis pas certain parce que beaucoup de gens m’appellent ».

Selon notre confrère, ce document prouve à suffisance l’implication de l’ex-ministre du Développement dans le gouvernement Samy Badibanga dans les massacres au Kasaï sur lesquels Zaida Catalán enquêtait sur le rôle supposé de Clément Kanku dans l’incitation à la violence dans la crise au Kasaï, où l’armée et la police congolaises affrontent des miliciens depuis 9 mois déjà ; et ce, sur demande du Conseil de Sécurité de l’ONU. Pour ce journal donc, M. Kanku aurait eu des liens étroits avec les combattants de la milice. Ce qui aurait conduit à sa nomination au poste du ministre par le président Joseph Kabila, dans le but de mettre fin à cette insurrection.

Composé de deux conversations téléphoniques en Tshiluba (langue majoritairement parlée dans le Kasaï) entre un homme se présentant comme Constantin Tshiboko, un présumé milicien Kamuina Nsapu que semble ne pas reconnaitre de prime à bord l’autre personne au bout du fil et qui serait le député Clément Kanku. Entrecoupée et surement montée, on y entend dans la première partie de cette conversation insolite un rapport fait à l’honorable sur des actes de violences commises : « On a brulé Tshimbulu », explique-le présumé milicien. « C’est bon qu’on brûle tout », répond Clément Kanku dans la première conversation. Dans la seconde, il est question cette fois du meurtre d’un officier et de ses gardes du corps. A ce propos Clément Kanku demande des détails mais n’acquiesce pas. L’attaque à laquelle il est fait référence, fera officiellement 9 morts.

Le député Clément Kanku

Selon des informations vérifiables, cet enregistrement remonterait au 8 août 2016, soit avant la mort de Jean-Pierre Mpandi dit Grand chef Kamuina Nsapu de Bajila Kasanga, un groupement de plusieurs villages au Kasaï-Central dans le territoire de Dibaya. Non reconnu par les autorités administratives à cause de son refus de de soutenir la majorité présidentielle, comme le notait International Crisis Group ; le chef Kamuina Nsapu sera tué le 12 août 2016 au cours des affrontements avec les forces de l’ordre qui feront 19 morts (11 policiers et 8 miliciens). Neuf mois plus tard, le bilan du phénomène Kamuina Nsapu est plus que lourd : 5 provinces atteintes par les violences, près de 500 morts (miliciens, civils et éléments des forces de sécurité) plus de 34 fosses communes découvertes, près de 200.000 déplacés….

Toujours selon des sources crédibles, l’existence de ces fichiers audio était bien connue des autorités congolaises, car il s’agissait d’écoutes réalisées par les services congolais de renseignements. Quelques jours après leur enregistrement, le député Clément Kanku aurait même été entendu devant témoins sur demande du ministre de l’Intérieur Evariste Boshab de l’époque ; celui-là même qui avait refusé la reconnaissance de Jean-Pierre Mpandi dit Kamuina Nsapu. Ce qu’on ignore à ce jour ce sont les explications de Clément Kanku aux autorités mais cela ne l’a pas empêché en décembre de rejoindre le gouvernement de Sami Badibanga, jusqu’à la démission de ce dernier. Terré dans un mutisme total depuis l’apparition de ce document, Clément Kanku n’a toujours pas réagi.

La bande sonore et son montage circulant sur les réseaux sociaux

 


La retranscription (venant du site http://cas-info.ca/tueries-au-kasai-un-enregistrement-compromettant-met-en-cause-le-depute-clement-kanku/ )

 

Informateur : Honorable, on vient juste de brûler la ville de Tshimbulu

Voix présumée de Kanku : qui est à l’appareil ?

Informateur : C’est Constantin Tshiboko

Voix présumée de Kanku : ok, c’est bien. A-t-on tout brûlé ?

Informateur : Oui, c’est le Bureau de la Ceni qu’on va incendier maintenant.

Voix présumée de Kanku : C’est une bonne chose. C’est ce que je leur avais demandé. Ils ont tout fait tel que promis, non ?

Informateur : Oui, ils continuent. Ils vont maintenant ouvrir la prison de Tshimbulu…, plutôt, de Dibaya.

Voix présumée de Kanku : c’est une bonne nouvelle. Tiens-moi au courant [de la situation].

Informateur : Sans aucun problème. Je vous donnerai toutes les informations.

Voix présumée de Kanku : Merci.

Puis, dans une deuxième conversation, on entend les deux mêmes voix.

Informateur : Allo, Honorable !

Voix présumée de Kanku : Oui, Constantin. Tu m’avais appelé ?

Informateur : Oui, je vous appelais pour vous informer qu’on a terminé l’opération sur tous les bureaux. On a ouvert la prison maintenant. Tout le monde [prisonniers] est sorti. On a tué 6 policiers. Puis on a tué deux éléments de Kamuina Nsapu.

Voix présumée de Kanku : Hum…

Informateur : ils ont tué le garde du corps du Colonel Bass. C’est comme si le colonel est dans sa maison. Ils veulent mettre le feu pour le brûler dedans.

Voix présumée de Kanku : ils ont tué le garde du corps ?

Informateur : oui, ils l’ont tué…ils en ont tué un, puis, un deuxième. Il reste maintenant à mettre le feu sur la maison…Il leur manque de l’essence. Ils sont en train de terroriser les habitants pour avoir de l’essence et finir l’opération…

L’informateur poursuit d’un ton remonté : Mais, chef, [comment voulez-vous], Kabila se joue de nous. Avez-vous entendu ce qu’il est allé dire en Ouganda [Ndlr, lors de sa visite en Ouganda le 4 Août 2016, le chef de l’État avait déclaré que les élections ne se tiendraient qu’une fois la révision du fichier électoral terminé, provoquant un tollé] … A-t-il de la considération pour nous ?

Voix présumée de Kanku : qu’a-t-il dit ? Et la réponse de l’informateur est la même que ci-dessus…

Voix présumée de Kanku : Ah, ils sont toujours comme ça…

Informateur : chef, tout ce qui me manque ici, ce sont les unités pour vous appeler et vous donner les informations.

La voix présumée de l’ex ministre met fin à l’entretien téléphonique en promettant de « voir ça ».

 

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