Une controverse a vu le jour depuis la divulgation le weekend du 20 mai 2017 d’un enregistrement sonore d’une conversation téléphonique entre un présumé milicien Kamuina Nsapu et le député et ancien ministre, président du parti Mouvement pour le Renouveau (MR), Clément Kanku ; un proche de la majorité présidentielle qui soutient Joseph Kabila. D’un côté ceux qui accusent l’élu du Kasaï d’être l’instigateur et le coordonnateur pour le compte de tiers (régime) de cette violence dit Kamuina Nsapu qui ravage l’espace Kasaï depuis plus de 9 mois déjà ; avec à la clé des centaines des morts, des milliers des déplacés et autant des destructions matérielles. Et de l’autre ceux qui pensent qu’il n’a rien à avoir avec cette affaire dont on tente de lui faire porter le chapeau.
Si des proches du député affirment que cet enregistrement est vrai, ils montent également au créneau pour le défendre en parlant d’une machination destinée à démolir un adversaire politique de premier rang. Pourtant, si fuite de cet enregistrement est arrivé alors que l’auditorat militaire annonçait un procès imminent des meurtriers de deux experts de l’ONU, l’américain Michael Sharp et la suédoise Zaida Catalan ; ça ne peut provenir de l’opposition. Ce qui fait demeurer autant d’interrogations sur ce dossier.
Voulant en savoir plus, AFRIWAVE.COM à enquêter auprès de ceux qui ont connu et ont côtoyé Clément Kanku hier comme aujourd’hui, mais aussi sur son engagement en politique. Surnommé dans sa jeunesse FOULE, Clément Kanku n’était pas un enfant de cœur à cause d’une supposée brutalité connue raconte un ami d’enfance. Et de poursuivre, c’est du reste à cause de cette brutalité qu’il avait dû rompre d’avec une des filles de Mobutu dont son père, Tshibuabua Ashila Panshi ; un des notables lulua en vue et qui fut proche de Mobutu comme membre du Comité Central du MPR.
Tous se questionnent aujourd’hui sur la personne qui a choisi de rendre publiques ces deux conversations téléphoniques qui se trouvaient dans l’ordinateur de Zaida Catalan, tuée en mars dernier et de les mettre en ligne ? Comment Zaida Catalan elle-même est rentrée en possession de ces enregistrements ? Pour quelle raison ces enregistrements qui font état d’actes graves, n’ont-ils pas eu d’autres conséquences que celle d’une simple convocation de Clément Kanku par les autorités, quelques jours après les faits, pour s’en expliquer devant témoin ? Enfin, à qui avait intérêt de cette dénonciation tardive de Kanku dans cette grave affaire au lendemain de la publication de l’article de New-York Times ?
Une rivalité pour le leadership régional
Les protagonistes de cette scabreuse affaire sont connus : Evariste Boshab, ex-ministre de l’Intérieur à l’époque des faits et Clément Kanku, député national élu du coin. Il s’avère selon nos sources que les deux hommes n’ont jamais été les meilleurs amis du monde. Ce, à cause d’une rivalité pour le leadership dans la province. Kanku est de l’ethnie Lulua majoritaire dans l’ancienne province du Kasaï Occidental et est un proche parent de Kamuina Nsapu ; alors que Boshab et un Kuba, une ethnie minoritaire de la même province. Profitant de son statut de ministre de l’Intérieur, Boshab voulait s’imposer comme leader de la province et ainsi plaire à ses chefs poursuivent nos sources.
En début d’épisode Kamuina Nsapu, les eux hommes (Boshab et Kanku) ont eu des amabilités qui n’ont pas laissés indifférents les autres participants au cours d’une réunion de sécurité tenue à Kananga. Les députés parmi lesquels Kanku étaient venus à Kananga pour tenter de discuter avec le chef Kamuina Nsapu, tentative qui se termina sur un échec et la mort du chef le 12 août. C’est du reste d’avant cette époque à quelques jours près (le 08 août) que datent les fameux enregistrements dont Kanku savait du reste qu’il était mis sur écoute selon ses proches.
La seconde visite de la délégation de la Majorité présidentielle et de Boshab seront le moment d’un échange virulent entre les deux hommes : Boshab mettant en cause Kanku sur base de cet enregistrement explique un proche du député. Une audition en présence des témoins aura même lieu sans que l’affaire n’aille plus loin jusqu’à la divulgation de ladite communication sur les réseaux sociaux en mai 2017. Dans l’entretemps, Kanku qui est proche de la famille régnante Kamuina Nsapu sera nommé ministre dans le gouvernement Badibanga , avec espoir qu’il parviendra à désamorcer la crise explique notre source. Encore un échec malgré la présence du nouveau Kamuina Nsapu dans son cabinet ministériel en qualité de conseiller. Boshab déjà mis en cause par l’Europe et les Etats-Unis et sanctionné, est remplacé par Ramazani Shadari qui conclura l’affaire de la manière que l’on sait sans que les violences ne s’arrêtent dans le Kasaï avec l’assassinat de deux experts. Et ce, avant que le New-York Times ne mette en cause l’ONU et Clément Kanku dans ces tristes faits.
La genèse
Dès le départ de cette affaire pas comme les autres, l’on sait que le gouvernement de l’époque par la voix du ministre de la Communication et Médias Lambert Mende s’était montré offusqué et virulent envers l’ONU et ses deux experts partis enquêter dans le Kasaï sans aucune autorisation. Or, il se révèle aujourd’hui que Michael Sharp et Zaida Catalan avaient parlé avec Clément Kanku avant leur départ de ce voyage dont ils ne reviendront jamais vivants. Le rapt le 12 mars 2017 de ces deux personnes en compagnie de leur interprète et les trois conducteurs de motos sur une route de Kananga s’est faite dans une zone tenue par les éléments des FARDC et non des présumés miliciens.
La découverte des corps le 27 mars 2017 est faite par des éléments de la police congolaise qui avaient été incapables de les retrouver aux premiers jours de leur enlèvement. Dans la foulée, la même police découvre un enregistrement vidéo montrant l’exécution des deux experts sans montrer celle de leur interprète dont on retrouvera aussi le corps et quid des conducteurs des motos-taxis jusqu’à ce jour. Rendant public cette vidéo, les autorités congolaises se trouvent en faux face à l’ONU qui n’en voulait pas en attendant l’aboutissement de toutes les enquêtes. Pire, selon tous les spécialistes ; il s’avère que certaines données de la vidéo capté via un smartphone soient manipulées et il faut en posséder une expertise pour y arriver.
De la responsabilité de Kanku
Pour les personnes interrogées par nos soins, Kanku ne peut avoir de responsabilité majeure dans ce qui semble lui être imputé aujourd’hui. Sa seule faute demeure son engagement tête baissée pour défendre Kabila et il en paie le prix. Car pour elles, ces enregistrements qui font état de l’implication potentielle du député Clément Kanku dans une attaque de miliciens, dans les Kasaï, sont en fait des écoutes téléphoniques réalisées par les Services congolais de renseignements et sont normalement censés être tenus secrets. Comment alors se sont-ils retrouvés sur les réseaux sociaux ?
Et pourquoi encore, il n’y a eu ni poursuite, ni procédure judiciaire contre lui depuis août 2016 alors que les autorités connaissaient l’existence de ces enregistrements pour les avoir réalisés, Clément Kanku ayant été nommé ministre du Développement en décembre 2016, jusqu’à la démission du gouvernement Badibanga auquel il appartenait début avril 2017. Pour ses proches, Kanku n’est qu’un lampion alors que les incendiaires, notamment Joseph Kabila sont connus de tous. Et de continuer, Kanku se fait avoir par Boshab qui a lui-même était remercié par Kabila de la manière que l’on connait après avoir défendu le régime de la manière que l’on sait, aussi avec l’assassinat de Jean-Pierre Mpandi dit Kamuina Nsapu.
Et la réaction du régime
Si le régime était resté silencieux, la sortie du Procureur Général de la République et l’interdiction de la conférence de presse de Kanku étonnent qui plus d’un. D’abord la précipitation avec laquelle les autorités congolaises semblent mener cette affaire : découverte des corps le 27 mars alors que tous leurs services étaient incapables de retrouver vivant les deux fonctionnaires et leur délégation, récupération des images censées montrer leur exécution, arrestation des exécutants et fuite de certains d’entre-eux et finalement l’annonce d’un procès imminent avant que n’éclate l’affaire des enregistrements du Kanku.
Dans sa communication du 23 mai 2017, le PGR va encore plus loin en prévenant que : Si à l’issue de cette instruction j’ai la conviction que les faits étaient établis dans le chef du concerné (Kanku), il serait inculpé de participation à un mouvement insurrectionnel assassinat, incendies volontaires, destructions méchantes et association des malfaiteurs. Une donne qui n’a pas laissé indiffèrent l’ONU qui a réagi par son porte-parole Stéphane Dujaric qui met en doute les conclusions de l’enquête congolaise sur la mort des deux experts qui semble avoir été menée à pas de charge et voir un procès annoncé alors que le responsable de l’ONU à Kinshasa n’avait pas encore déposé ses conclusions.
A ce jour, trois enquêtes nationales sont en cours : la Suède et les Etats-Unis, pays dont sont originaires les deux experts de l’ONU Zaida Catalan et Michael Sharp, ont lancé chacun une enquête indépendante. Celle rapide de Kinshasa a identifié les responsables des deux meurtres et un procès annoncé pour très bientôt. Pour sa part, l’ONU continue une enquête administrative, une démarche classique dans ce type d’incident et les conclusions sont attendues fin juillet 2017.