C’est vers un nouveau bras de fer entre Kinshasa d’un côté, et la communauté internationale de l’autre qu’on s’achemine au sujet du meurtre de deux experts de l’ONU dans le Kasaï en mars 2017. En effet, Kinshasa vient une fois de plus de refuser une enquête de l’ONU à ce sujet alors qu’une équipe administrative de l’organisation internationale composée de six personnes était attendu dans les tous prochains jours dans le pays.
Cette décision pour une enquête administrative a été prise à l’issue de la réunion à huis clos du Conseil de Sécurité qui n’a pas plus du tout aux autorités congolaises. L’ONU a mis en doute ce même mardi 23 mai 2017, pour la première fois les conclusions de l’instruction menée tambours battants par la justice militaire congolaise et annonçant même un procès des assassins pour bientôt sans en préciser la date exacte. Pour le gouvernement congolais par la voix de son ministre des Affaires Etrangères, Léonard She Okitundu, cette posture de l’ONU relève d’une instrumentalisation du Conseil de sécurité par certains de ses membres. Et par conséquent, le Congo n’acceptera pas qu’il y ait une enquête internationale dans cette affaire sur son territoire.
Pourtant, l’objectif d’une telle enquête administrative est une procédure automatique et normale. A chaque incident où salarié de l’ONU est visé, une équipe est chargée d’enquêter sur l’incident en interne pour vérifier si les protocoles de sécurité internes ont été respectés. L’objectif final étant de faire un rapport au SG Antonio Gutteres d’ici le 31 juillet et de voir si oui ou non l’ONU devra décider de la nécessité de créer une commission d’enquête à part entière. De sources de New-York l’on apprend que sur demande des familles de deux experts suédois et américains tués début mars, l’ONU assure qu’elle va faire plus : se pencher sur les procédures interne mais aussi chercher à identifier les responsables de cet assassinat.
C’est ce qui explique du reste, affirment des sources onusiennes, la composition de l’équipe, avec à sa tête un ancien chef de la sécurité du Département d’Etat américain, ex-chef aussi de l’agence en charge de la sécurité à l’ONU. Mais aussi cinq anciens employés des Nations unies de haut niveau. La seule fausse note étant le temps pris par l’ONU avant de se rendre en RDC, plus de 2 mois après l’assassinat des experts mais aussi la capacité de ces enquêteurs à faire pouvoir faire la lumière sur les circonstances du meurtre alors qu’aucun d’eux ne connait vraiment le pays.
La précipitation de Kinshasa
Depuis la découverte des corps, le gouvernement congolais a diffusé, le 24 avril, une vidéo qui devait démontrer la responsabilité de la présumée milice Kamuina Nsapu dans le meurtre de ces experts. Une vidéo qui a fait naître plus de questions qu’elle n’a amené de réponses. Ces images, leur montage, les voix audibles en arrière fond laissaient supposer, à tout le moins, qu’une manipulation y été faite que seraient bien incapables d’organiser des miliciens analphabètes.
Cette vidéo, qui devait charger les présumés miliciens et dédouaner les autorités congolaises, n’a clairement pas atteint son but. Pire, c’est un effet contraire : la main du régime congolais qu’on a vu derrière ces actes barbares, laissant supposer que les experts de l’Onu auraient mis la main sur des indices sérieux quant à l’identité des responsables des exactions commises contre des civils dans les Kasaï depuis plusieurs mois. Les deux chercheurs avaient pour mission d’enquêter sur les violations des droits de l’homme au Kasaï central et sont tombés dans une embuscade dans une zone d’opération contrôlée par les FARDC, quelques jours seulement après leur arrivée dans la région.
Dans la foulée de cette disparition, les Nations Unies avaient estimé que le « manque de coopération du gouvernement congolais freinait les efforts déployés par la Monusco pour retrouver la trace des experts ». Et le chef de cette mission onusienne Manan Sidikou, avait prévenu le 15 mars 2017 à Kananga dernier que « si par malheur, il arrive quelque chose, il y aura des conséquences sérieuses ».
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L’affaire Kanku et les explications de son parti
Après les images et l’échec de la vidéo, le son avec la parution de l’article samedi 20 mai 2017 du New-York Times mettant en cause un député national élu de Dibaya et ancien ministre de la Coopération et du Développement du gouvernement Badibanga : Clément Kanku. Avec l’article, le NYT révélait l’existence de deux enregistrements audio détenus par Zaida Catalan dans son ordinateur que les experts scientifiques congolais qui avaient pourtant réussi à retrouver la vidéo du meurtre en quelques jours, aient mis un mois de plus pour dénicher cet enregistrement sonore qui se trouvait sur le bureau du PC de Mme Catalan.
On peut y entendre une voix supposée être celle de Clément Kanku s’entretenant avec un certain prénommé Constantin Tshiboko et présumé milicien lui faisant rapport des évènements se passant à Tshimbulu et Dibaya. D’après des sources, Zaida Catalan avait fait savoir au ministre déchu qu’elle disposait de cet enregistrement et qu’ils s’étaient promis de se revoir de son retour du Kasaï dont elle ne reviendra jamais vivante. Et une déduction rapide : soit Kanku, soit le régime aurait fait tuer la jeune femme et son collègue d’infortune qui en savaient trop. Interdit de Conférence de presse mardi 23 mai 2017 et prié de ne pas sortir du pays, Clément Kanku vit aujourd’hui caché alors que quelques heures plus tôt, le Procureur général de la République, Flory Kabange Numbi avait annoncé, avec une célérité surprenante, l’ouverture d’une enquête judiciaire contre M. Kanku ; passible d’une inculpation des faits graves de meurtre.
C’est via une mise au point signé par son parti, le Mouvement pour le Renouveau (MR), qu’il s’exprime : « C’est vrai que nous sommes prudents désormais. On n’était pas trop d’accord pour qu’il s’explique dans une conférence de presse. C’était trop dangereux. En interdisant la tenue de cette réunion, le PGR nous a bien aidé. Et de poursuivre, « nous pensons que nous allons porter plainte contre le New York Times. Monsieur Kanku s’exprimera rapidement mais il faut qu’il puisse le faire dans des conditions de sécurité suffisantes. Il ne sera pas un bouc émissaire. Il veut faire éclater la vérité même si elle dérange au plus haut niveau »,
Dans sa vérité, le parti de Kanku dément « catégoriquement tous les propos diffamatoires contenus dans cet article (du New York Times) en déplorant l’usage maladroit et orienté d’un élément sonore à des fins inavouées de le couler. Ce en portant atteinte à son honneur et détourner intentionnellement l’attention de l’opinion sur les réelles causes du décès des deux enquêteurs de l’ONU ainsi que des massacres dont la population Kasaïenne est victime. Lesdites insinuations distillées dans cet article ne constituant ni plus ni moins qu’une imputation dommageable et une dénonciation calomnieuse ».