Caché, muet depuis l’interdiction de sa conférence de presse du mardi 23 mai 2017 à Kinshasa au cours duquel il était censé donner son point de vue sur les graves accusations portées contre lui, Clément Kanku est sorti de son silence. L’affaire du nom du député national de Dibaya a éclaté depuis le 20 mai 2017 avec la publication d’un article dans le journal américain le New-York Times. Il y était question d’une relation établie entre les violences dans l’espace Grand Kasaï et l’assassinat des deux experts de l’Onu avec le nom de Kanku.
Dans une très longue interview accordée à notre confrère bruxellois La Libre Belgique https://afrique.lalibre.be/4303/clement-kanku-parle-enfin/, Kanku que l’on veut présenter comme le coupable idéal donne sa version des faits, se défend et charge à son tour lourdement celui qu’il considère comme étant le responsable de cette tragédie du Kasaï à savoir : Évariste Boshab, ancien ministre de l’Intérieur à l’époque des faits et proche du président Joseph Kabila.
Il faut dire qu’entre les deux hommes, ça n’avait jamais été la franche camaraderie eu égard à la recherche du leadership politique dans la province. Clément Kanku, fils aîné de Tshibuabua Ashila Panshi ; ancien cadre du MPR parti-Etat et son Comité Central sous Mobutu, avait une longueur d’avance. Pour la simple cause qu’il est issu de la tribu Lulua, majoritaire dans la province alors que Boshab qui est Kuba reste minoritaire explique une source sous anonymat. Boshab qui tenait à plaire à Joseph Kabila et son régime se croyait donc investi du droit de vie et de mort sur tout celui qui se mettait sur leur chemin et les conséquences en sont là aujourd’hui continue notre source.
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De son côté, Clément Kanku explique que sur demande expresse du Premier ministre Matata, une délégation parlementaire des élus Kasaïens dont je faisais partie avait été dépêchée à Kananga du 9 au 12 août 2016 dans le cadre d’une mission de bons offices vu la tension qui régnait entre le grand chef coutumier Kamuina Nsapu et le ministre de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Évariste Boshab… qu’en échangeant avec la délégation parlementaire venue de Kinshasa dont je faisais partie, le grand chef Kamuina Nsapu avait émis le souhait de se rendre aux forces de la Monusco. Sa demande sera catégoriquement rejetée par M. Boshab qui a préféré agir autrement.
Et de continuer avant de se demander : J’ai plusieurs reprises prêché la paix, la réconciliation et une issue consensuelle à la crise entre le chef coutumier Kamuina Nsapu et Évariste Boshab mais je n’ai malheureusement pas été entendu. Pourquoi avoir assassiné le grand chef Kamuina Nsapu ? Pourquoi avoir, à travers les réseaux sociaux, exposé publiquement son corps émasculé en profanant ainsi le pouvoir coutumier ? Était-ce nécessaire tout cela ? Ceux qui ont agi ainsi et ont ignoré nos multiples recommandations de rechercher la paix n’avaient pas pris la mesure de la gravité de la situation et des actes qu’ils posaient. Nous en sommes là aujourd’hui. Ils doivent assumer pleinement la responsabilité de leurs agissements devant l’histoire et les hommes et non pas chercher à me la faire endosser.
Cette ligne de défense, c’est celle que nous expliquait déjà ses proches il y a deux semaines à Kinshasa et à Bruxelles : Clément Kanku ne compte pas endosser les accusations contre sa personne et il ira jusqu’au bout de sa défense même si cela embarrasse certaines personnes du pouvoir. Il n’a jamais participé ni de loin, encore moins de près au traquenard qui a coûté la vie aux deux experts de l’ONU entre Kananga et Tshimbulu.
A Kanku d’expliquer lui-même : Moi aussi j’ai soif de vérité et de justice. Je suis triplement victime dans ce dossier. Ma circonscription électorale a été terriblement touchée par ces violences, mon chef coutumier a été assassiné et je suis pointé du doigt comme le responsable de tout. Ma famille en souffre. Le nom de ma famille a été souillé dans cette macabre affaire. Il y a une volonté de me faire endosser une responsabilité qui n’est pas la mienne. Je ne l’accepterai jamais. A voir la tournure des événements et au regard de la volonté affichée de me faire taire et de me faire endosser cette responsabilité, je me demande si j’aurai droit à un procès équitable qui fera éclater mon innocence dans cette affaire. Cette affaire ressemble à la chronique d’une mort annoncée dont les séquences ont déjà été préalablement arrêtées. Je n’accepterai pas de porter une responsabilité qui n’est pas la mienne. Je ne suis ni de près ni de loin impliqué dans la mort de Kamuina Nsapu, ni dans les violences au Kasaï, ni dans l’assassinat des experts des Nations Unies.
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Même s’il réfute l’enregistrement sonore qui l’accuse, Kanku reconnait avoir été confronté à cet élément en août 2016 : « J’ai été confronté à l’existence d’un élément sonore brandi par Monsieur Evariste Boshab, alors ministre de l’Intérieur, en présence d’une vingtaine de personnes lors du Conseil National de Sécurité réuni à Kananga au mois d’août 2016, quelques jours avant l’assassinat du chef Kamuina Nsapu ». Par contre, il déplore le fait que NYT ait utilisé des éléments manipulés dont l’authenticité n’a pas été établie et dont la retranscription a été falsifié, travestie à des fins inavouées qu’il n’explique pas.
En l’absence de toute expertise en acoustique et jugeant l’enregistrement sonore manifestement manipulé, tronqué et falsifié, Kanku refuse d’authentifier son correspondant au bout du fil qui s’est pourtant bien identifié comme étant un certain Constantin Tshiboko. N’ayant jamais été entendu sur ce dossier par la justice congolaise en dehors du Conseil National de Sécurité aux environs du 8 août 2016, le député national pense que ce dossier ne représentait aucun intérêt judiciaire.
Et de souligner qu’en ce moment-là, le chef Kamuina Nsapu était encore en vie et que nul ne parlait des experts des Nations Unies. Donc qu’il n’y a pas de lien possible entre cet enregistrement non expertisé et la mort du grand Chef Kamuina Nsapu le 12 août 2016 d’une part et, d’autre part, l’assassinat odieux des experts des Nations Unies en mars 2017 entre leur enlèvement le 12 et la découverte de leurs corps le 27 mars 2016.
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Le moment choisi pour la sortie de cet élément sonore et l’article du New York Times intriguent Clément Kanku : « La justice congolaise ne bouge pas pendant sept mois et, curieusement, lorsque les Nations Unies, l’Union Européenne, les organisations des droits de l’homme exigent que la lumière soit faite sur les violences meurtrières qui se sont propagées dans le Kasaï entrainant la mort de milliers de Congolais et de deux experts des Nations Unies dont les images de la prise en otage et de la mise à mort et la décapitation ont été rendues public, cette justice se réveille soudain pour ouvrir une enquête à ma charge en rapport avec tous les faits énumérés ci-haut ».
Reconnaissant avoir été contacté puis rencontré en présence des trois de ses collaborateurs Michael Sharp, l’autre expert assassiné et qui était accompagné d’un collègue masculin ; Kanku explique s’être entretenu avec lui de la situation sécuritaire au Kasaï en sa qualité d’élu local. Par contre de Mlle Zaida Catalan, il ne se souvient de rien. Jugeant qu’un mort, c’est déjà de trop le député Kanku estime qu’il est impérieux d’imposer d’urgence la mise en place d’une enquête indépendante. Il faut établir les responsabilités. La justice doit savoir. Les familles des victimes doivent savoir. Les responsables doivent être punis. L’implication, voire la direction de cette enquête par les experts des Nations unies aura le mérite de donner plus de crédibilité et d’offrir un gage d’indépendance. Toute la lumière doit être faite et les coupables confondus.
Un bouc émissaire ? Kanku le pense bien : Pour revenir à votre question, j’en ai moi aussi le sentiment. Certains ont besoin d’une victime expiatoire pour calmer l’opinion publique. Ils veulent coller un nom et un visage sur les crimes au Kasaï, sur la mort de Kamuina Nsapu, sur les supposés miliciens et toutes les violences qui s’en suivent. En choisissant de me coller cette affaire sur le dos, les auteurs de cette cabale ont délibérément choisi de mettre tout le monde sur une fausse piste et ainsi d’étouffer la vérité et, par-dessus tout, de garantir l’impunité des véritables responsables. Si la justice veut connaître la vérité, elle devrait regarder dans une autre direction.