Alors que la violence gangrène tout le pays qui demeure sous la surveillance de la communauté internationale pour des multiples violations des Droits Humains, c’est une nouvelle affaire que les autorités congolaises n’auraient pas souhaité voir éclater. Celle de la saisie dans la nuit du 2 juin 2017 par les forces de sécurité turques d’une tonne d’héroïne sur le Commander Tide, un navire battant pavillon congolais. La réussite de cette opération ayant été rendue possible grâce à un « tuyau » reçu par la police anti-drogue.
Selon les autorités turques pour qui c’est l’une des plus importantes prises des forces de sécurité turques en la matière, ce navire dissimulait à son bord dans des compartiments-caches secrets plus d’une tonne d’héroïne, soit 1.071 kilos exactement pour une valeur marchande estimée à 57 millions de dollars. Au total, il a été mis la main sur 40 sacs de la précieuse cargaison du Commander Tide alors qu’il croisait dans les eaux internationales, aux larges de celles turques. Depuis lors, le navire et ses 9 membres d’équipages, dont on ignore la nationalité et l’identité, ont été amenés et emprisonnés dans la base navale de Marmaris, au sud-ouest du pays.
La réaction congolaise
Les relations entre les eux pays semblant au beau fixe, la réaction des autorités congolaises ne s’est pas fait attendre. Sept jours après son éclatement, le pays nie être impliqué de loin ; encore moins de près dans cette invraisemblable affaire. C’est via un communiqué du gouvernement de la RDC sur l’arraisonnement en Turquie d’un bateau battant frauduleusement pavillon congolais signé Dr Oly Ilunga Kalenga, Ministre de la Santé au nom de son collègue des Transports de Communication en mission qu’on peut lire que : « les autorités congolaises tiennent à démentir catégoriquement que ce bateau appartiendrait à l’armement de la RDC. Il s’agit probablement d’un des bateaux battant frauduleusement pavillon congolais. Les autorités congolaises ont dénoncé ces pratiques depuis plusieurs mois et en ont informé Interpol que l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Interpol enquête déjà sur ce dossier afin de traquer ces bateaux et appréhender tous les auteurs de cette organisation mafieuse, et une commission rogatoire est déjà mise en place par le PGR pour faire la lumière sur ces pratiques frauduleuses ».
Des interrogations qui demeurent
Pendant que tout le monde s’interroge, cette affaire de drogue intrigue en même temps car à la connaissance générale, « il n’existe pas de texte de loi qui organise comme ailleurs dans le monde, la police et la navigation maritime en RDC » soutient Fréderic Bola Ki Khuabi. Pour cet ancien magistrat de Kinshasa aujourd’hui agent de l’Etat au Service Fédéral Intérieur belge via son compte Twitter, « cette pratique prétendument frauduleuse a pourtant sa source au sein même du gouvernement de la RDC qui vend des pavillons de complaisance et qu’il faut pour cela une vraie enquête interne ».
Car selon un enquêteur interrogé par lalibreafrique.be malgré le démenti du régime congolais, deux hypothèses-pistes demeurent : « ou la mafia internationale a affrété ce navire et lui aurait collé un drapeau de la RDC, sachant que ce pays serait incapable, vu sa situation générale, de revendiquer quoi que ce soit ; ou ça serait une association entre cette mafia et certains cercles de pouvoir en RDC. La mafia et la drogue, demeurant les deux canaux finalement classiques pour faire sortir du cash d’un pays en vue de le blanchir ».
Les sanctions américaines et européennes qui frappent individuellement certains proches du régime et l’interdiction de faire toutes transactions avec eux rendent difficilement la circulation des billets verts. Et dans ce contexte, il est assez courant que des régimes aux abois nouent des alliances dangereuses avec certaines mafias pour lessiver les tonnes de cash qui dorment chez eux » explique cet enquêteur. Pour preuve, à la fin de la dictature de Mobutu, certains généraux zaïrois avaient donné dans ce genre de business, aussi rémunérateur que dangereux », conclut-il.