Une affaire qui fait sourire et qui interroge en même temps. Paris, dimanche 25 juin 2017, Aéroport Roissy Charles de Gaule ; il est presque 10h50’ lorsque le ministre congolais de la Justice et Garde des Sceaux, Alexis Thambwe Mwamba embarque. C’était à bord d’un Airbus A330 d’Air France, vol AF888 en partance pour Kinshasa. Huit heures plus tard, il atterrit à sa destination, l’Aéroport international de N’Djili exactement à 17h 20′.
A la descente de l’avion qui l’a ramené au pays, Thambwe Mwamba se refuse à tous commentaires sur son séjour européen, ses démêlés judiciaires en Belgique ; mais aussi sur le pourquoi d’avoir évité l’aéroport de Bruxelles Zaventem National pour ce retour alors qu’il avait un billet de la compagnie belge SN Brussels Airlines.
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Comme il fallait s’y attendre, ce départ précipité de l’homme politique dans son pays, ce qui est un droit légitime comme l’explique un commentateur ; a provoqué plusieurs réactions.
Pour ses détracteurs, Thambwe Mwamba serait en fuite car arrivé le plus légalement en Belgique il y a plus d’un mois pour des raisons de santé ; il a eu peur d’être interpellé par la police afin qu’il en réponde de la plainte pour crime contre l’humanité à son égard devant le juge bruxellois. Ce qui serait une honte pour lui et le régime de Kinshasa qu’il soutient.
Or le ministre avait beau expliquer à tout celui voulant l’entendre : en cas de convocation, je me rendrais chez le juge. Je suis couvert par l’immunité diplomatique, mais je ne la ferai pas valoir. Présumé innocent aussi longtemps que le juge ne l’a pas encore entendu tout comme inculpé, personne n’a compris le changement d’attitude dans le chef de Thambwe qui avait pourtant élu domicile judiciaire chez son avocat belge. Selon des sources du dossier, il n’est même pas encore convoqué dans les bureaux du juge pour y être entendu malgré la plainte déposée contre lui; le dossier étant toujours à l’étude par le juge.
Un de ses proches abordé depuis Kinshasa par www.afriwave.com explique par contre que tout cela est aussi légal que normal, car le ministre étant parvenu à la fin de sa mission en Europe, notamment la participation à la session du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève ; il devrait à un moment donné rentrer au pays pour continuer son travail.
Les démêlés avec la justice belge
Alors qu’il séjournait légalement dans sa luxueuse résidence de la commune d’Uccle à Bruxelles où il est porteur d’une carte d’identité belge pour étranger, Thambwe Mwamba fait l’objet depuis un mois, d’une plainte pour crime contre l’humanité et détournements de biens publics. Ces graves accusations découlent de son présumé rôle dans la destruction le 18 octobre 1998 en plein vol d’un Boeing 727 de la compagnie Congo Airlines avec 50 passagers à son bord (43 civils, essentiellement des femmes et des enfants, et 7 membres d’équipage). Cet acte ayant été revendiqué par les rebelles du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, RCD-Goma dont Thambwe Mwamba fut le chargé de communication.
Le deuxième volet de ce dossier concernant les détournements de biens publics au Congo serait lié à la société Thambwe Mwamba Ngalula Fleur, du nom de la fille du ministre, dont le siège social est installé à Louvain-la-Neuve même si elle n’a aucune activité en Belgique. Cette société aurait remporté un appel d’offres pour la distribution des repas dans les prisons du pays ; pourtant tout le monde sait que pas un moindre repas n’est servi depuis des années dans les prisons du Congo, les familles des détenus s’occupant de leurs.
Il faut le rappeler que c’est au lendemain de la révélation de la plainte et les faits y incriminaient par l’avocat des plaignants Me Alexis Deswaef ainsi que la désignation du juge d’instruction Michel Claise que Thambwe Mwamba avait précipitamment quitté Bruxelles pour Genève en Suisse avant de rejoindre Paris en France. Dans ces deux capitales, profitant d’une exposition médiatique internationale et oubliant peut-être son droit de réserve en tant que ministre de la Justice, il en a profité pour minimiser son rôle personnel dans cette tragédie et provoquer une deuxième affaire dans son affaire. Notamment par des accusations et menaces à l’endroit de Moïse Katumbi s’il revenait le pays comme il l’a annoncé pour bientôt mais sur sa présumée nationalité italienne…
Je t’aime moi non plus
57 ans après l’indépendance de 1960, entre la Belgique et son ex-colonie, le climat n’est jamais au beau fixe depuis le régime Mobutu et ceux des Kabila. La tension demeure toujours perceptible entre Kinshasa et son ancienne métropole et au moindre incident, c’est l’explosion. La plainte contre le ministre Thambwe, proche soutient du président Joseph Kabila n’était pas à mesure d’arranger les choses. Surtout que les relations entre les deux pays sont déjà plus qu’exacerbées depuis la publication de nouvelles sanctions européennes contre neuf personnalités du régime congolais impliquées dans les violences et les crimes perpétrés depuis de longs mois au Kasaï.
Il faut tout de même expliquer que la profonde crise politique devenue institutionnelle par la non tenue de l’élection présidentielle en décembre 2016 et le maintien de Joseph Kabila à la tête du pays sont à la base d’une explosion des violences inouïes dans le pays ; notamment le Kasaï. Plus de 3000 morts dont deux experts de l’ONU, 42 fosses communes, 30.000 réfugiés en Angola voisin ont été répertoriés par l’ONU. La demande d’une enquête internationale indépendante espérait lors de la session du Comité des Droits de l’Homme du mois de juin 2017 n’ayant pas été adoptée, c’est encore une incertitude grandissante qui persiste en RDC pour les jours et les mois à venir.