Kinshasa, vendredi 14 juillet 2017. Il est environ 13h30’ et comme une habitude, c’est devenu une scène banale : une attaque armée en plein jour par des hommes non autrement identifiés mais vite assimilés aux adeptes Bundu Dia Kongo à cause du fameux bandeau rouge autour de leurs têtes. Jamais revendiqué par un quelconque mouvement, ces attaques à répétitions interrogent comme elles inquiètent.
Cet après-midi, ils étaient une douzaine d’individus qui ont semé la terreur au Grand Marché de Kinshasa communément appelé « Zando » et la panique généralisée au centre-ville de la bouillonnante capitale. S’emprennant au bureau de l’administratrice, Mme Chantal Mboyo grièvement blessée à l’arme blanche a succombé de suite de ses blessures, également le policier commis à sa sécurité ; le sous-commissaire adjoint Kamambunzu.
Selon le porte-parole de la police, le colonel Pierrot Mwanamputu ; six autres policiers ont été gravement blessés et acheminés dans les centres hospitaliers des environs ; y compris à l’hôpital général de référence Maman Yemo. Dans la débandade généralisée et l’échange des coups de feu entre policiers et assaillants, un individu en possession d’une machette a été maîtrisé et un fusil d’assaut AK-47 retrouvé au croisement des avenues Rwakadingi et Bas-Congo. Autres dégâts matériels enregistrés ont été l’incendie de 2 postes de police du Rail dans la commune de Kinshasa et celui Delmaux dans la commune de Barumbu a révélé le chargé de communication de la police.
Un détail tout de même à épingler et non de moindre : comme lors de l’attaque du Commissariat de Kalamu et son parquet, un fusil d’assaut AK-47 avait déjà été ramassé ainsi que des machettes. Or, c’est ce même type de fusil dit Kalachnikov qui équipe les forces de police congolaise ainsi que la grande partie des Fardc. La question qui se pose demeure celle de ces hordes de Kulunas, ces jeunes gens quasiment drogués qui s’attaquent aux gens pour leur dérober les maigres biens en leur possession. La semaine dernière, n’ont-ils pas causé la panique en plein centre-ville non loin du siège de l’ANR à côté du port fluvial de Kinshasa ?
Avec l’interpellation de l’un des assaillants, on espère qu’on saura déterminer avec exactitude après interrogatoire qui sont-ils. Car pour un témoin de la scène qui s’est confié à notre reporter, « la majorité de ces présumés bandits étaient des jeunes gens, bandeaux rouges ceints à la tête et portant des armes blanches dont machettes et couteaux. Ils ne s’empennaient qu’aux policiers à qui ils ont dérobés quelques armes. Ils ont incendié quelques stands avant de prendre la fuite et se fondre dans la foule en panique ».
Une violence qui interroge et inquiète
« A moins d’être des coups organisés pour une finalité politique, ils ont de l’audace ces individus qui défient et les autorités et la loi en plein jour ; s’attaquant ainsi et en plein jour à ce qui symbolise l’Etat ou ce qui en reste encore » s’interroge un opposant. La prison centrale de Makala en mai, celle de Matete et son parquet en juin, la commune de Kalamu et le Siège de l’ANR en juillet… « Des évasions, des morts, des intimidations, fosses communes, des révélations, inflation, c’est ça le décor de l’alternance ? #enough » se demande Olivier Endundo @endundo_olivier sur son compte Twitter. Et Olivier Kamitatu d’ajouter : « 14 juillet sanglant au Marche Central de Kinshasa ! Pas de secours, aucune force de l’ordre ! L’Etat-Kabila absent ! Comme toujours. En favorisant la violence au cœur de Kinshasa, le régime cherche à imposer l’État d’urgence afin de régler ses comptes en silence la nuit ! »
Un témoignage d’un militaire recueilli par https://afrique.lalibre.be/6047/rdc-lattaque-au-grand-marche-de-kinshasa-annonce-letat-durgence/ est explicite : « Comment expliquer que des gars habillés de la sorte puissent se balader dans Kinshasa alors que des barrages sont érigés sur de nombreuses artères de la ville ? Ce sont des hommes du pouvoir qui sont derrière cette action. Des Bana Mura, comme ceux qui ont été dénoncés au Kasaï. Les bandeaux rouges, signe de ralliement des rebelles, fleurissent désormais partout en RDC. Souvenez-vous, ils sont apparus chez des Maï-Maï. Les adeptes de Gédéon arborent aussi ce type de bandeau. Maintenant, ils sont partout comme si un grand mouvement rebelle se dessinait à travers tout le pays. Je peux vous dire que tout est orchestré par le pouvoir. Ce n’est pas Mwanda Nsemi, ce sont des gars fidèles au pouvoir, trop, c’est trop ».
Le silence des responsables politiques et sécuritaires au pouvoir inquiète. Cette nième attaque n’est-elle pas une prémisse à l’instauration d’un état d’exception (urgence) qui ne dit pas encore son nom au moment où le régime ne semble plus rien contrôler et de plus en plus isolé ? Pour l’instant, en attendant les sources officielles, la situation reste confuse même si la vie a repris dans le quartier du Grand Marché et ses alentours.