Kinshasa, le 21 juillet 2017. C’est le jour de la fête nationale belge. A Bruxelles où un imposant défilé militaire est chaque année organisé Place du Palais comme partout dans le monde au travers de ses représentations diplomatiques, le royaume célèbre son indépendance. À Kinshasa et chaque année, l’ambassadeur belge accueille autour d’un verre le gotha de la place : des politiques aux hommes d’affaires en passant par des journalistes, ce beau monde se côtoie dans une ambiance bon enfant.
Cette année 2017, la couverture de cette soirée aurait eu une saveur particulière pour une patrie des journalistes congolais privée de la soirée ; ceux de la presse dite officielle et donc au service du régime. « Il est strictement interdit à tous les journalistes de l’Agence Congolaise de Presse (ACP) de couvrir les activités de l’ambassade de Belgique le 21 juillet 2017. Quiconque ne respectera pas cette instruction sera révoqué, sans autre forme de procès », écrivait dans une note parvenue lundi 17 juillet 2017 à l’agence Belga Nestor Cimanga, l’un des rédacteurs en chef adjoint et responsable du desk des provinces de l’ACP. Et non sans demander à ce que par ailleurs, « une large diffusion soit faite à sa note de service ».
Démenti mardi 18 juillet 2017 de Lambert Mende pour qui tout cela monte d’un faux. Le ministre congolais de Communication et Médias explique : « Je suis sûr qu’il y aura des journalistes de l’Agence congolaise de Presse à cette réception. J’en suis même certain. On ne peut pas demander à des journalistes de ne pas couvrir un événement comme celui-là ». Dans sa bonhomie légendaire, le ministre sous sanction européenne pour entrave à la démocratie dans son pays ajoute au micro de la RTBF que « C’est faux. Je crois même savoir d’où vient ce genre de rumeur ».
Des relations toujours conflictuelles
Depuis le jour même de l’indépendance du 30 juin 1960, les relations entre le Congo hier encore Zaïre sous Mobutu sont souvent une succession de bouderies mutuelles entre les deux partenaires qui auraient dû être les meilleurs du monde. Rappel d’ambassadeur, suspension de la coopération bilatérale…Conflictuelles et frisant parfois les chamailleries enfantines, entre Bruxelles et Kinshasa c’est une longue histoire des relations pas toujours au beau fixe. Le jour même de l’indépendance, l’on se souviendrait de ce discours-réplique et improvisé du premier ministre Patrice Lumumba en réponse de celui du Roi Baudouin vantant les mérites du rôle civilisatrice de la Belgique pour le Congo.
Sous Mobutu dans les années 1980, ce fut ce fameux débat dit de clarification sur les plateaux de la RTBF entre les journalistes belges et les officiels zaïrois à propos de l’aide à la coopération belgo-zaïroise et la question de corruption-détournement de ladite aide dont Mobutu et son régime étaient accusés. C’était à l’issu du voyage de l’ancien premier ministre belge Wilfried Martens à Kinshasa et Gbadolite et du débat qui s’en était suivi au parlement belge à son retour. La phrase de Martens restée célèbre fut « j’aime ce pays et ses dirigeants » (entendez par-là Mobutu que le monde entier avait entamé la mise au ban à cause de ses méthodes de gouvernance).
Me Nimy Mayidika Ngimbi (Directeur de Cabinet de Mobutu), feu Me Kamanda Wa Kamanda (Ministre des Affaires Etrangères) et feu Anaclet Mpinga Kasenda (premier Commissaire d’Etat) ; en déplacement à Bruxelles pour l’occasion avaient fait leur show pour défendre becs et ongles Mobutu et son mobutisme sans pour autant convaincre. Et cette boutade bien trouvée de Mpinga Kasenda qui avait plus sourire que réfléchir, celle de savoir si dans le dictionnaire de la langue maternelle d’expression française, le mot corruption est-il en Kikongo, en Kwhahili, en Tshiluba ou en Lingala, répondez-moi, s’extasiait-il.
Archives débat sur la RTBF
Avec le régime actuel de Kinshasa, les choses n’ont pas non plus changé. Les sanctions americano-européennes contre certains proches de Kabila soutenu par la Belgique pour entrave au processus démocratique et non-respect de des Droits de l’Homme n’ont jamais été acceptées. Ce qui témoigne de la dégradation des relations entre la RDC et la Belgique, son ancienne métropole qualifiée de néocolonialiste du côté de Kinshasa. Dans la foulée, Kinshasa a même récuser brutalement la coopération militaire belgo-congolaise, pourtant renouée depuis 2003 au bénéfice du pays qui ne possède pas une armée organisée.
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En ce moment où les relations entre la RDC et la Belgique traversent une énième crise, il y a lieu de se demander à qui tout cela profite ? Que la Belgique insiste sur le respect de l’Accord de la Saint-Sylvestre signé entre le pouvoir et son opposition sous la médiation des Evêques catholiques, cela semble normal vu la grave crise politique devenue institutionnelle que traverse le pays. Joseph Kabila maintenu à la tête du pays depuis la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel le 19 décembre 2016 apparait être aujourd’hui la source du problème que sa solution aussi longtemps que la présidentielle prévue à la fin 2017 semble renvoyé sine die.
Rappelons tout de même que pour la dernière fois le 21 juillet en 2015, les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, Léon Kengo Wa Dondo et Aubin Minaku, étaient présents dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur belge à Kinshasa, de même que plusieurs ministres. Ce soir du 21 juillet 2017, l’on en saura un peu plus !