Alors qu’elle est accusée de toutes parts d’être de connivence avec le pouvoir à ce que les élections prévues dans le cadre de l’Accord politique de la CENCO en fin d’année 2017 n’aient pas lieu, la CENI a surpris tout le monde en annonçant le 18 juillet 2017 une élection anticipée des gouverneurs dans 11 provinces ainsi que quelques vice-gouverneurs pour le 26 août prochain. Les provinces concernées étant celles du Bas-Uele, de l’Équateur, du Haut-Katanga, du Haut-Lomami, du Kasaï Central, du Kwilu, de la Mongala, du Sud-Kivu, du Sud-Ubangi, de la Tshopo et enfin de la Tshuapa.
Si l’étonnement et la grogne montent dans les rangs des concernés qui occupent actuellement le siège de la tête desdites provinces, personne ne comprend le pourquoi de cette manœuvre subite de la part de l’organe chargé de préparer et de tenue des élections dans le pays. En réalité, il ressort que c’est à l’issu d’un entretien d’avec le vice-premier en charge de l’Intérieur que le président de la CENI, Corneille Nangaa avait finalement pris la décision de rendre public le calendrier des élections des gouverneurs même dans les provinces où ce poste n’est pas vacant, y compris pour des gouverneurs n’ayant pas démissionné (Kasaï central) ou ayant été réhabilités par la Cour constitutionnelle (Haut-Katanga et Tshuapa dans l’ancienne Equateur).
Cette demande gouvernementale ne passe nullement dans l’opinion publique qui attendait de la CENI la publication du calendrier pour la grande échéance de la fin d’année 2017 selon l’Accord de la CENCO pour la présidentielle, les législatives et les provinciales. Une incompréhension d’autant plus forte que l’élection des gouverneurs n’était pas prévue. Pour Lambert Mende, porte-parole du gouvernement : « Le gouvernement est l’institution qui a la tutelle des provinces. Le ministre de l’Intérieur est attitré pour informer la CENI lorsqu’il y a vide juridique [concernant le statut de certains gouverneurs par exemple] et la CENI est chargée d’y remédier en pourvoyant à une ou des élections. C’est le ministre de l’Intérieur qui est chargé de transmettre la liste des provinces à la CENI, c’est donc lui qui peut justifier le choix porté sur ces 11 provinces ».
De son côté la CENI assure via Jean-Pierre Kalamba, son porte-parole « C’est l’article 160 de la loi électorale qui le précise : dès l’instant où la CENI est notifiée par un document officiel du ministère de l’Intérieur des vacances dans les différentes provinces, elle n’a pas compétence d’interpréter ni de vérifier le document, mais plutôt d’organiser le scrutin dans un délai de 30 jours ».
Des cas pourtant différents
Dans le Haut-Katanga, un groupement de jeunes dit ne pas comprendre très bien qu’un membre du gouvernement arrive à défier la Haute-Cour qui a réhabilité Jean-Claude Kazembe Musonda. Ces jeunes déclarant attendre que le ministère de l’Intérieur censé entériner l’élection de tout gouverneur, aille à l’encontre de ses propres arrêts.
Dans le Kasaï Central où le présumé phénomène Kamuina Nsapu a vu jour et où des atrocités d’un autre âge sont commises chaque jour ; des chefs coutumiers sont de nouveau entrés en danse. Ces représentants soi-disant des chefs coutumiers sollicitent même l’implication personnelle du Chef de l’État Joseph Kabila pour le retour au Gouvernorat de leur champion Alex Kande bloqué à Kinshasa. En passant, ces chefs coutumiers réunis autour d’un feu sacré mettent en garde la CENI contre ses manœuvres tout en expliquant que son calendrier publié pour les élections des gouverneurs ne concerne nullement leur province.
Et comme c’est la politique qui est au-dessus de tout, y compris la loi du pays, la Majorité présidentielle n’a pas attendu un seul instant. En divorce avec Jean-Claude Kazembe Musonda qui n’a toujours pas démissionné officiellement, son SG Aubin Minaku a désigné hier 25 juillet 2017 son ticket composé de Célestin Pande Kapopo ; gouverneur intérimaire et Delphin Kasongo Kibale en attendant leur confirmation par les députés provinciaux de leur majorité. Quatre autres candidats indépendants sont sur la liste même s’ils n’ont aucune chance de l’emporter.
Une majorité présidentielle en pleine tourmente
Selon deux observateurs membres du PPRD, les trois cas emblématiques Alex Kande (Kasaï Central), Cyprien Lomboto (Tshuapa) et Jean-Claude Kazembe (Haut-Katanga) ne sont que les trois arbres qui cachent la forêt secouée de la Majorité Présidentielle. En difficulté politique et victime de notre propre mégestion des provinces depuis les élections de 2006 jusqu’à l’officialisation des nouvelles provinces, c’est dans une sorte de fuite en avant que nous sommes engangés. La MP se trouve en pore à faux face à la monté des contestations au sein même de nos propres rangs où les membres sentent au loin cet orage de changement sifflant dans nos oreilles et qui va nous balayer tous ; souligne un cadre PPRD de la province de Mongala à Lisala.
Croyant peut-être sauver les meubles ou ce qui en reste, notre majorité au sein duquel règne plutôt comme une espèce de la loi de la jungle réagit par des méthodes autoritaires ; ce qui à mon avis ne servira plus à rien en attendant la sanction du peuple au nom de qui et pour le bien de qui nous étions censés agir » conclut un autre cadre PPRD de Kananga. Les deux gouverneurs du Haut-Katanga et de la Tshuapa destitués par leurs assemblées provinciales respectives pour mégestion, incompétence et manque de collaboration avec leurs adjoints ainsi qu’avec leurs bureaux des Assemblées provinciales ; ont tous deux étés réhabilité par la Cour constitutionnelle après recours.
Malgré cette annonce de l’élection, rien n’est moins sûr que la fronde des exécutifs provinciaux ne sera pas prête de s’arrêter. Car dans les 11 provinces, les 11 exécutifs provinciaux seront désignés par des députés issus d’assemblées élues en 2006 déjà hors mandat depuis fin 2011. Ce qui donne lieu à un risque d’une élection inconstitutionnelle, la CENI étant accusée de faire preuve d’une aveugle soumission au gouvernement et à la MP ; d’autant que la communauté internationale, l’opposition et la société civile réclament la publication du calendrier des élections, surtout de la présidentielle et des législatives de fin d’année 2017 selon l’Accord politique de la Saint Sylvestre.
Si au Sud-Ubangi dans l’ancienne Equateur, son gouverneur José Makila Sumanda est au gouvernement Bruno Tshibala en qualité de vice-Premier ministre des Transports et des Communications, son remplacement s’avère légitime. Alors qu’au Sud-Kivu, Marcelin Cishambo en conflit permanant avec son administration n’est toujours pas officiellement démissionnaire même s’il aurait fait part de son intention de répondre à la demande de la Majorité Présidentielle (MP), sa formation politique.
Un des gouverneurs visés par la défiance de la MP dénonçant même un ordre assorti de menaces en tout genre. Quatre autres gouverneurs et vice-gouverneurs ayant demandé à la Cour d’annuler les motions de censure et de défiance à leur encontre, car n’ayant pas pu se défendre ; se trouvant rappelés à Kinshasa par le gouvernement.
Et Kabila dans tout ça ?
L’autorité morale de la MP demeure silencieuse dans toutes les langues. Pourtant, c’est à lui que revient le dernier mot pour trancher toutes ces querelles qui minent sa famille politique ; au risque d’engendrer une désorganisation totale des provinces. Car, selon l’article 198, dernier alinéa ; la Constitution lui permet de trancher les conflits graves entre les assemblées provinciales et les gouverneurs, mais en passant par les bureaux du Sénat, de l’Assemblée nationale et le conseil des ministres, ce qui n’a pas été fait. Pourtant on l’a vu user de cette prérogative pour la signature de l’Arrangement Particulier et l’installation du CNSA issus du dialogue politique de la CENCO alors que la même constitution ne le dit pas.
Deux poids deux mesures explique un opposant radical de Kinshasa qui souligne outre qu’aucun respect n’est constaté dans le chef de la MP pour les décisions judiciaires de la Haute Cour Constitutionnelle ; notamment sur la réhabilitation de certains gouverneurs pourtant issus de leurs rangs. Cette situation démontre clairement que le régime ne tient compte que des décisions en faveur du mandat présidentiel qui sont irrévocables et la CENI ne répond qu’aux demandes du pouvoir et son gouvernement ; avoue cet opposant presque défaitiste