New-York, siège de l’ONU. Joseph Kabila, chef de l’Etat congolais s’est exprimé hier samedi 23 septembre 2017 du haut de la tribune des Nations Unies en mage de la 72ème Assemblée Générale de l’organisation internationale. Entre 2014 et 2017, sur le plan physique ; l’homme a changé avec quelques années en plus et une apparence tout autre. Du crâne rasé à la moustache bien taillée de l’époque, il arbore aujourd’hui une abondante barbe grise de vieux sage avec une touffe des cheveux sur sa tête.
Apparemment, cette évolution physique a des conséquences sur celle autre du et dans le discours qui n’est plus le même. A quelques jours près du 23 septembre 2017 et du haut de la même tribune de l’ONU, Joseph Kabila pour vanter son bilan déclarait le 25 septembre 2014 que « D’expérience, nous, Congolais, savons qu’il n’y a pas de défis qui ne puissent être relevés. Vous savez tous où en était mon pays, il y a à peine treize ans. Je suis heureux de vous dire que ce jour que la République démocratique du Congo est de nouveau un pays debout, un pays où la paix retrouvée se consolide chaque jour davantage, un pays dont l’économie est l’une des plus dynamiques du continent ».
Comme pour rassurer la communauté internationale et le pays tout entier, sa plus grande déclaration fut celle sur les élections censées se tenir conformément au calendrier prévu fin 2016 : « Sur le plan politique, la consolidation de la démocratie et le renforcement de la cohésion nationale demeurent nos objectifs prioritaires. A ce propos, je réaffirme la tenue prochaine des élections conformément au calendrier arrêté par l’institution nationale compétente. Toutes les dispositions sont prises pour que notre pays en sorte plus apaisé, plus uni et plus fort ».
Une modification ratée de la constitution
Une tentative ratée de modification de la constitution au parlement fin décembre 2014 et les violences y relatives en janvier 2015 avec ses morts parmi les manifestants ont fini par radicaliser tout le monde, majorité comme son opposition. L’homme politique Joseph Kabila ne semble plus pressé de quitter le pouvoir malgré la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel depuis le 19 décembre 2016. Et ce, sans aucune possibilité de se représenter.
Son maintien à son poste hors mandat depuis neuf mois par une interprétation de la constitution par la Cour constitutionnelle sur demande expresse des députés de sa majorité est à la base d’une grave crise politique devenue institutionnelle. Dans un pays secoué, les mots d’assurance de 2014 ont laissé place à une violence larvée qui a gagné même les coins du pays où elle était absente comme l’espace Kasaï avec toutes ses conséquences néfastes.
New-York 2017 et le discours d’appropriation du pays
Une concertation nationale, deux dialogues politiques et trois gouvernements d’union nationale après, le pays semble plus s’enfoncer dans une crise sans fin. Dans son discours devant une salle clairsemée et à moitié vide alors que la plupart des délégations avaient quitté New-York, aucune surprise n’était pourtant attendue. Kabila est demeuré maître de soi-même car s’imaginant toujours peut-être la solution à la grave crise politique qui agite le pays.
Sur conseil de ses stratèges qui ont réussi un sacré coup de tout bloquer depuis la concertation nationale jusqu’aux deux derniers dialogues politiques, Kabila dans son discours à l’ONU en 2017 « s’est amusé avec la théorie de l’usage et l’appropriation pour séduire, mais qui ? À l’écouter, plus congolais que lui, il n’y en avait pas. Plus attaché aux valeurs de l’ONU, non plus. Sensibilité. » s’interrogeait ma consœur Ange Kasongo Adihe.
Pour la jeune journaliste, Kabila a profité de cette tribune internationale pour « utiliser avec exagération les adjectifs possessifs : mon pays…, mon pays est depuis une année victime d’attaques terroristes, mon pays…Mon pays… près de 10 fois. Et » notre Organisation est née avec l’ambition de refonder les rapports entre Etats sur la base du principe de l’égalité souveraine et de la volonté de garantir la paix et la prospérité pour tous… Ou encore « … je déplore la barbarie dont les deux Experts de notre organisation ont été victimes en mars 2017… » ».
Et des élections dans tout ça …
À l’ONU, Kabila qui n’a rien promis du tout et à personne s’est contenté d’affirmer simplement et verbalement que « le cap vers les élections crédibles, transparentes et apaisées est définitivement fixé et que la marche dans cette direction est irréversible. Le tout sans ingérence extérieure ni diktat quelconque ». Pendant ce temps, la toile congolaise ne s’est enflammée que pour épingler la salle vide los du discours de Kabila souligne encore Ange Kasongo.
Sans pour autant fournir des précisions de date pour quand effectivement auront lieu ces élections. Kabila n’est-il pas toujours dans sa logique visant à grignoter encore et toujours un peu de temps depuis fin 2016 ? Car tentant habilement de se présenter comme une solution à la crise qu’il a provoqué alors qu’il en est le problème ; aux uns comme aux autres, Kabila veut faire comprendre qu’il faut compter avec lui. Pourtant, la communauté internationale tout comme l’opposition intérieure qui n’ont pas d’autre choix devront le prendre au mot en l’obligeant à honorer ses engagements.
Nul n’est sans ignorer que « le glissement a été intentionnellement recherché, la CENI utilisée comme un cheval de Troie, et le dialogue comme cadre de légitimation du glissement » comme l’écrivait un autre confrère Didi Mitovelli. Mais en fin de compte, Kabila a-t-il convaincu son monde ou s’est-il encore une fois imposé comme une autorité de fait, avec laquelle il faudra encore compter et qui pourra encore surprendre, fût-ce par son départ d’une manière ou d’une autre ? Ce sont bien les jours à venir qui nous le diront alors que décembre 2017 approche à pas de géant.
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