Par Roger DIKU à Bruxelles
La visite à Bruxelles de la délégation de la CENCO entamée le 12 septembre s’est terminée ce matin du 26 septembre 2017 par une conférence de presse conjointe au siège de l’Eurac. C’était sur invitation du Réseau Européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) et de la Commission Justice et Paix Belgique que les congolais s’étaient rendus dans la capitale belge sous la conduite par le chef de l’épiscopat congolais et Archevêque de Kisangani Mgr Marcel Utembi Tapa. Étaient également du voyage Mgr Fidèle Nsielele et le père Clément Makiobo ; respectivement Évêque de Kisantu dans le Kongo Central et président de CEJP et Secrétaire Exécutif de la CEJP et de Justice et Paix Congo Asbl.
Après deux semaines des contacts et des travaux, en guise de plaidoyer en Europe et comme il fallait s’y attendre, c’est un positionnement fort de la part des partenaires bilatérales et officielles de la RDC que la CENCO a sollicité. Ce message s’adressant particulièrement à la Belgique, la France où la délégation se rendra dès vendredi 29 septembre courant et à l’Union européenne (UE).«Inquiets et préoccupés», les Évêques congolais le sont face à une perspective de la non-tenue dans le délais de la triplette des élections présidentielle, législatives et provinciales tel que conclu sous leur égide en fin d’année 2016. Mais aussi et surtout de la « détérioration générale de la situation» dans le pays.
Pour la CENCO, ces partenaires devraient jouer un vrai rôle de veille et de soutien qui a pu être développer jusqu’à présent. Cette attention particulière devant se maintenir, car représentant un facteur non négligeable dans la construction démocratique congolaise. Raison même de l’appel de la CENCO à l’UE appelle l’UE à être cohérente dans sa position sur le pays et notamment dans son processus électoral en RDC : « Nous appelons l’UE à avoir une politique cohérente sur la crise congolaise. Nous craignons qu’au regard de l’évolution actuelle que certains pays européens changent leurs positions ».
Il faut conditionner tout soutien futur
A ce sujet et en guise des pressions, la CENCO en appelle-t-elle au conditionnement de tout soutien des partenaires à l’égard du pays aux prescrits de l’Accord du 31 décembre 2016 conclut sous son égide et auquel tous se réfèrent, majorité comme opposition. Ce conditionnement devant aussi être appliqué à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), l’organe chargé de la préparation et de la tenue des élections.
A ce sujet, la CENCO exige-t-elle son audit car « considérée par beaucoup des congolais comme une caisse de résonance de la Majorité présidentielle » a dit le père Clément Makiobo Malelo de la Commission Épiscopale Nationale Justice et Paix du Congo. Il n’a pas non plus manqué de s’insurger contre la montée sur le continent d’un certain « discours souverainiste des dirigeants africains » et dont la RDC se veut championne mais qui en réalité « n’est pas véridique ».
Pour sa part, le président de la CENCO, Mgr Marcel Utembi s’est interrogé sur le « Pourquoi d’une période de trois mois à chaque centre d’enrôlement ? Pourquoi ne pas organiser cette opération en même temps partout. Et comment se passera l’enrôlement de la diaspora congolaise ? ».
En rapport avec les élections, Mgr Utembi soulignait déjà en février 2017 lors d’une précédente visite à Bruxelles ses inquiétudes qui persistent sur les moyens financiers mis à disposition par le gouvernement, ainsi que la stratégie établie par la CENI. Pour lui « les difficultés logistiques et financières ne doivent pas servir d’excuse dans l’organisation des élections : les obstacles objectifs peuvent être potentiellement acceptés par la population, mais il faut absolument que chacun soit d’une bonne foi totale pour que la situation reste sereine. L’Église, quant à elle, s’est engagée à former quelques 6000 observateurs citoyens d’ici les prochaines élections, la moitié de ce chiffre étant déjà atteint à ce jour ».
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Attaques contre l’église et 3ème dialogue
En rapport avec les bruits persistants sur un éventuel 3ème dialogue et autre appel de pieds à son institution, le président de la CENCO s’est dit non intéressé au pilotage d’un éventuel 3ème dialogue : « Nous sommes logiques et cohérents envers nous-mêmes. L’Accord du 31 décembre souffre de sa mise en œuvre à 90%. Nous ne pouvons pas piloter un 3ème dialogue alors que le précédent n’est pas appliqué », a expliqué Mgr Utembi.
Ce qui ne l’a pas également embarrassé de lancer une pique à l’endroit de la classe politique congolaise toute entière : « A voir la délinquance de l’homme politique congolais, un autre dialogue irait dans le sens de saper l’accord du 31 décembre. C’est possible de sortir de la crise sans un autre Dialogue. Tout est encore possible ».
Cette position de l’Église catholique rejoint celle de l’opposition radicale du Rassop qui s’est vu dupé lors de la Négociation directe du Centre Interdiocésain de Kinshasa par la majorité présidentielle. Pour le Rassemblement de l’opposition sous la conduite de Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi, il n’est ni demandeur ni preneur d’une telle proposition, Joseph Kabila s’étant déjà disqualifié en sapant l’Accord politique global de la Saint Sylvestre.
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La CENCO n’a pas manquer de dénoncer ce qu’elle qualifie « d’attaques contre l’église », notamment par les enlèvements récurrents dont les prêtres sont victimes ; surtout à l’Est du pays comme dans la région de Beni. « …Évidemment les ennemis de l’église, ceux qui ne veulent pas que les choses changent et ceux qui trouvent peut-être que leur intérêt est menacé dans certaines prises de position. Ce que l’église prêche c’est le sens de la justice, de la paix, du bien-être, le respect de la bonne gouvernance. C’est cela la prédication dans le cadre de la doctrine sociale de l’église » a expliqué Mgr Utembi.
Des prises de position de l’église, le président de la CENCO note que « les prêtres n’ont rien avec un quelconque engagement avec les actions politiques. S’il y a eu des appels de la part de certains agents pastoraux, c’est dans le cadre de l’engagement civique, le respect des valeurs comme la justice, la paix et la réconciliation ». Est-ce que cela peut être vu comme une action politique se demande-t-il ? « Nous continuons à inviter les uns et les autres à pouvoir revenir à la raison, à retourner ces prêtres pour qu’ils puissent vaquer à leurs occupations pastorales invitant le peuple congolais au sens de valeur » a-t-il conclu.
Pour rappel, les abbés Charles Kipasa et Jean-Pierre Akilimali de la paroisse de la Paroisse Marie Reine des Anges de Bunyuka au Sud-Est du territoire de Beni ont été enlevés par des inconnus. D’autres prêtres Romain Kahindo, Vincent Machozi et Christian Mbusa ont connu une fin tragique en 2016. Jean-Pierre Ndulani, Edmond Kisughu et Anselme Wasukundi kidnappés depuis 2014 dans la même région.
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La mission de l’EUrAC
Créé en 2003, le Réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc) rassemble des organisations membres issues de la société civile de différents pays européens. Ces organisations travaillent sur et dans la région des Grands Lacs. Elles soutiennent des organisations de la société civile au Burundi, en République Démocratique du Congo (RDC) et au Rwanda dans leurs efforts de promotion de la paix, de la défense des droits humains et du développement.
La mission d’EurAc est de mener un plaidoyer auprès de l’Union Européenne (UE) afin d’assurer un engagement solide, cohérent et durable de l’UE et de ses Etats membres, dans le cadre d’une stratégie régionale, afin d’aider la région des Grands Lacs à se construire un avenir meilleur.
Dans un rapport daté du 7 juin 2017 et dans sa section concernant la RDC, l’EUrAC soulignait déjà le péril sur la démocratie et les risques sécuritaires aggravés pour le pays et la région toute entière. On y dénonçait cette méthode dite du « dialogue politique et la stratégie de division de l’opposition au service du « glissement » du calendrier électoral » par le régime de Kinshasa.
A lire aussi sur le site de l’EUrAC : Processus démocratiques et impasses politiques dans la région des Grands Lacs : Pour un engagement renforcé de l’Union Européenne au Burundi, en RD Congo et au Rwanda (http://www.eurac-network.org/sites/default/files/eurac_briefing_processus_democratiques_et_impasses_politiques_dans_la_region_des_gl_role_de_lue_-_juin_2017.pdf ) du 7 juin 2017
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