Par Ghizlane Kounda et RTBF : https://www.rtbf.be/info/monde/detail_elections-en-rdc-le-vrai-probleme-aujourd-hui-c-est-l-absence-de-volonte-politique?id=9735512
La Céni (la Commission électorale indépendante) a annoncé qu’elle aura besoin de « 504 jours au moins » après la fin du recensement, pour organiser les élections présidentielles et législatives en République démocratique du Congo. Cela signifie qu’il n’y aura pas d’élections avant la fin 2019. D’ici là, Joseph Kabila peut rester au pouvoir, a affirmé la CENI, alors que son second et dernier mandat a pris fin en décembre 2016. Cette déclaration enterre l’accord entre l’opposition et le pouvoir du 31 décembre 2016 qui prévoyait d’organiser des élections à la fin de 2017.
Analyse avec Dieudonné Wamu Oyatumbwe, politologue [politologue, auteur du livre ‘De Mobutu à Kabila. Avatars d’une passion inopinée’ Ed. L’Harmattan]
Est-ce une « déclaration de guerre au peuple congolais », comme l’affirme Félix Tshisekedi, le Président du Rassemblement de l’opposition ?
En effet, l’annonce de la CENI est inquiétante car les congolais attendent ces élections depuis des mois. Mais au fond, il n’y a rien de nouveau. Corneille Nangaa, le Président de la CENI a toujours dit que la Commission électorale ne dépendait pas d’un calendrier politique, notamment celui que l’accord de la St-Sylvestre lui imposait. Il a toujours dit que des contraintes diverses ne lui permettaient pas d’annoncer prochainement un calendrier électoral. Des contraintes d’ordre techniques, financières et légales qui sont susceptibles de retarder la tenue des élections. Corneille Nangaa estime ce délai à 504 jours, après la fin du recensement. Avant cette déclaration, il estimait ce délai à 1600 jours… Dans ces conditions, on ne peut s’attendre à des élections avant la fin 2019, voire 2020.
En même temps, il ne s’agit pas d’un calendrier électoral.
Effectivement, le calendrier électoral politique n’a pas encore été publié. Mais on se rend bien compte que le pouvoir parvient à ses fins. L’un de ses objectifs est de retarder la tenue des élections le plus loin possible dans le temps, afin de permettre aux tenants du pouvoir de rester là où ils sont. Le Président Joseph Kabila en premier lieu, mais il y a aussi les députés nationaux, les députés provinciaux, les sénateurs… et la Commission électorale elle-même. Aujourd’hui, ceux qui sont censés organiser les élections sont les principaux bénéficiaires de l’absence d’élections. Tous ces acteurs n’ont pas intérêt à accélérer le processus électoral, car ils y perdraient plus qu’ils n’y gagneraient.
Que va changer le calendrier électoral dans les délais ? Ne devra-t-il pas tenir compte des contraintes de la CENI ?
En effet, il ne faut pas s’attendre à beaucoup de différences entre le calendrier politique et celui de la CENI. L’échéance électorale se situera autour de la fin 2019, voire 2020. Mais ne soyons pas dupes, les contraintes techniques, financières et légales ne sont que des prétextes, un subterfuge. Le vrai problème aujourd’hui en RDC, c’est l’absence de volonté politique pour organiser des élections.
Dans ces conditions, faut-il craindre des manifestations dans la violence ?
Malheureusement, les expériences passées font craindre une période d’agitations. A chaque fois qu’il y a eu des contestations populaires dans les rues, le pouvoir a réagi violemment. Dans les prochains mois, le pays risque de connaître un cycle de manifestations-répressions sans qu’on n’en connaisse la fin.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans l’émission Afrik’Hebdo diffusée sur La Première le samedi 14 octobre 2017.