Après le choc, la colère et l’indignation. C’est ce qu’on peut retenir de la « Déclaration du Cardinal Laurent Monsengwo en marge de la Marche du 31 décembre 2017 » qu’il a lu publiquement cet après-midi du mardi 2 janvier 2018. « Comment ferons-nous confiance à des dirigeants incapables de protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple ? Comment ferons-nous confiance à des dirigeants qui bafouent la liberté religieuse du peuple, liberté religieuse qui est le fondement de toutes les libertés (cf. Benoît XVI, Liberté religieuse, chemin vers la paix) » s’interroge le Primat du Congo ?
L’Archevêque Métropolitain de Kinshasa condamne énergiquement la barbarie perpétrée par « les prétendus vaillants hommes en uniforme » lors de la marche pacifique des chrétiens du dernier jour de l’année 2017 : « Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie. Nous en voulons pour preuves : le fait d’empêcher les fidèles chrétiens d’entrer dans les églises pour participer à la messe suivant l’ordre reçu d’une certaine hiérarchie militaire, le jet de gaz lacrymogène pendant la célébration eucharistique dans les différentes paroisses de Kinshasa, le vol d’argent, d’appareils téléphoniques, la poursuite, la fouille systématique des personnes et de leurs biens dans l’église et dans les rues, l’entrée des militaires dans les cures de quelques paroisses sous prétexte de rechercher les semeurs des troubles, les tueries, les tirs à balles réelles et à bout portant sur des chrétiens tenant en mains bibles, chapelets et crucifix, les arrestations des prêtres et fidèles ».
Pour lui, « Le sait-on, la liberté religieuse est un élément essentiel de l’Etat de droit, On ne peut la nier sans porter atteinte à tous les droits et aux libertés fondamentales. L’instrumentalisation de la liberté religieuse pour masquer des intérêts occultes comme par exemple l’accaparement des ressources, des richesses, le maintien au pouvoir par des méthodes anti-constitutionnelles, peut provoquer et provoque des dommages énormes aux sociétés, en l’occurrence la nôtre ».
CRÉDIT IMAGES : Youtube Archevêché de Kinshasa
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Une double colère
La double colère du prélat s’explique par le fait qu’alors Archevêque de Kisangani et Président de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), le 16 février 1992 les chrétiens furent pour la première fois tués dans la ville de Kinshasa par l’armée de Mobutu aidée des mercenaires angolais. Ce fut sur appel du Comité Laïc de Coordination sous la conduite de feu François Kandolo et Pierre Lumbi, les chrétiens de Kinshasa étaient descendus dans la rue pour réclamer la réouverture des travaux de la CNS suspendus de force pour ne pas dire fermés autoritairement par l’ancien premier ministre Nguz.
Vingt-sept ans plus tard, devenu Cardinal et Archevêque de Kinshasa ; c’est encore sur appel du Comité Laïc de Coordination (CLC) que les chrétiens sont encore tués dans la même ville de Kinshasa par l’armée et la police du régime Kabila pour avoir revendiqué l’application et le respect de l’Accord politique trouvé entre le pouvoir et l’opposition sous la médiation catholique.
Si en 1992 l’on déplorait près d’une cinquantaine des morts dont certains corps n’ont jamais été rendus aux familles, en 2017 on en dénombre plus d’une dizaine dont certains seraient confisqués dans un camp militaire à l’abri de tout. Les autorités pour leur part ne reconnaissant pas plus de 5 victimes.
DECLARATION DU CARDINAL LAURENT MONSENGWO EN MARGE DE LA MARCHE DU 31 DECEMBRE 2017
Chers frères et sœurs,
Ce n’est plus un secret pour personne que le climat du pays en général et de la capitale en particulier est caractérisé par un regain de peur et d’énervement, d’incertitude sinon de panique.
Nous sommes témoins d’incidents malheureux survenus le dimanche 31 décembre 2017 lors de la marche pacifique et non violente organisée par le comité laïc de coordination, dans le but de réclamer l’application réelle de l’Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain de Kinshasa (Accord de la Saint-Sylvestre), accord violé volontairement. Ceci crée un malaise socio-politique que traverse notre cher et beau pays, la RD Congo (cf. Message de l’Assemblée plénière extraordinaire des Evêques de la CENCO, 24 novembre 2017).
Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie. Nous en voulons pour preuves : le fait d’empêcher les fidèles chrétiens d’entrer dans les églises pour participer à la messe suivant l’ordre reçu d’une certaine hiérarchie militaire, le jet de gaz lacrymogène pendant la célébration eucharistique dans les différentes paroisses de Kinshasa, le vol d’argent, d’appareils téléphoniques, la poursuite, la fouille systématique des personnes et de leurs biens dans l’église et dans les rues, l’entrée des militaires dans les cures de quelques paroisses sous prétexte de rechercher les semeurs des troubles, les tueries, les tirs à balles réelles et à bout portant sur des chrétiens tenant en mains bibles, chapelets et crucifix, les arrestations des prêtres et fidèles, etc.
Nous demandons aux uns et aux autres de faire preuve de sagesse et de retenue. Que des mystifications présentées comme informations véridiques et fiables. Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RD Congo.
Comment ferons-nous confiance à des dirigeants incapables des protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple ? Comment ferons-nous confiance à des dirigeants qui bafouent la liberté religieuse du peuple, liberté religieuse qui est le fondement de toutes les libertés (cf. Benoît XVI, Liberté religieuse, chemin vers la paix) ?
Le sait-on, la liberté religieuse est un élément essentiel de l’Etat de droit, on ne peut la nier sans porter atteinte à tous les droits et aux libertés fondamentales. L’instrumentalisation de la liberté religieuse pour masquer des intérêts occultes comme par exemple l’accaparement des ressources, des richesses, le maintien au pouvoir par des méthodes anti-constitutionnelles, peut provoquer et provoque des dommages énormes aux sociétés, en l’occurrence la nôtre.
Nous voulons un Congo des valeurs et non d’anti-valeurs.
Puisse le Seigneur accorder à notre pays une paix durable dans la justice et la vérité, et à nos morts pour la liberté, le salut éternel.
Cardinal L. MONSENGWO
« Nous voulons un Congo des valeurs et non d’anti-valeurs » a conclu le Cardinal dans son message.
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Roger DIKU