Le feuilleton « Dorcasgate », mieux la bavure sécuritaire des forces de l’ordre congolaise et le scandale d’une tentative de récupération politicienne qui s’en est suivie ont fait « pschitt ». Le semblant de la dispute ayant opposé l’ancienne journaliste devenue politique et ministre du gouvernement du pays à sa consœur qui l’avait accompagné dans sa pérégrination aux Cliniques Universitaires de Kinshasa s’est terminé comme en « eau de boudin ».
Mardi 9 janvier 2018, tout avait commencé sur un « air de charité » d’une ministre aux Droits Humains qui tenait aux droits d’une victime de la « barbarie des infiltrés anti-régimes » dans la manifestation non-autorisée des chrétiens de Kinshasa qui a dégénéré selon le gouvernement. Dans son sillage, sa consœur journaliste à qui l’on demandera de filmer et de prendre des photos de la visite ministérielle pour le compte de la « hiérarchie ».
La publication des photos privées de cette visite sur les réseaux sociaux et le virulent débat qui s’en est suivi entre internautes Congolais a encore une fois révélé et amplifié ce malaise profond qui existe et subsiste dans la société congolaise entre le citoyen lambda et la classe politique. Mais aussi entre cette même classe politique et le journaliste sans oublier les organisations de ce corps de métier pourtant cens être le quatrième pouvoir dans une démocratie.
Dans l’entretemps, Dorcas Makaya a été évacuée en Afrique du Sud la nuit du vendredi 12 janvier 2018 pour des soins spécialisés aux frais du gouvernement congolais.
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La fin de l’histoire
Apparemment c’est sur « intervention personnelle » du président du syndicat officiel des journaliste, l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC) a-t-on appris toujours sur les réseaux sociaux que l’affaire ministre Marie-Ange Mushobekwa Likulia contre sa consœur journaliste Rachel Kitsita est close : « J’ai pris le dossier en mains. Après échange avec Mme Mushobekwa et Rachel, le dossier est clos au mieux des intérêts des deux parties et, surtout, de la profession. Ainsi donc, je prie tous les confrères et consœurs de ne plus remuer le couteau dans la plaie » écrit le président du syndicat national dans un commentaire sur Facebook.
Un journaliste qui s’étonne de la manière dont l’affaire a été réglée et de la demande expresse du président du syndicat à la corporation s’interroge : « Donc si je comprends bien le Président, dans cette histoire, personne n’a tort et personne n’a raison. N’auront tort que ceux qui vont remuer le couteau dans la plaie (de qui ?) en posant de nouvelles questions ». Et la réponse cinglante du président : « Pourquoi pensez-vous, qu’il faille dégager celui qui a tort et l’autre qui a raison ? Je ne suis pas un juge et j’ai estimé utile d’éteindre le feu avant que ça dégénère au lieu de la culpabilisation. Je pense, quant à moi, que c’est sage ainsi, non ? ».
Tout un symbolique
Cet échange entre deux journalistes révèle tout aussi bien la manière avec laquelle fonctionne et est géré la corporation tant au niveau provincial de Kinshasa que national avec cette affaire. Presqu’infantilisé, le journaliste ne parvient jamais à assumer son rôle de « quatrième pouvoir » censé contribuer à éclairer l’opinion comme un pilier important dans l’exercice de la démocratie.
Bien avant d’avoir entendu les protagonistes, encore sur Facebook ; le président du syndicat officiel avait pris position en condamnant Rachel Kitsita et Marie-Ange Mushobekwa : « C’est ça aussi le métier. Si la source vous donne l’information – texte ou image – et vous demande de ne pas l’exploiter immédiatement et que vous acceptez, l’honnêteté exige de respecter l’accord convenu. Sinon, c’est une faute professionnelle. Sur le fond, Mushobekwa a totalement tort. Ses justifications ne tiennent pas debout. Elle était aussi maladroite ».
Et la remarque d’un autre journaliste : « Président, vous avez bien énoncé les principes. Pourquoi condamner la ministre sans entendre la version de notre consœur Kitsita Ndongo Rachel. Je crois que nous avons intérêt à comprendre quel deal avait été fait entre elles. Peut-être que nous aurons beaucoup plus d’éléments d’analyse ».
Dans cette histoire, mieux cette tragédie à la « Pyrrhus » où un conflit des images et des faces, la culpabilité, la mémoire et l’obsession s’entremêlent, ce fut comme une vision alors qu’on était dans une réalité.
A la longue lettre de justification de la ministre sur sa page Facebook la veille, Rachel Kitsita répondait dans une courte vidéo sur Facebook. Alors qu’on en connaîtra peut-être pas la vérité même si elle demeure têtue, ce fut dans le symbolique : Constitution de la République en mains sur un fond avec drapelet aux couleurs nationales, Rachel Kitsita démentait « être l’auteure d’une présumée réaction de sa part signée de son nom en réponse à la publication de sa consœur devenue ministre Marie-Ange Mushobekwa Likulia ». Elle promettait enfin de réagir plus trad en invitant ses followers de voir « ses comptes Facebook et Twitter ». Une réaction qui ne viendra jamais hélas, mais peut-être un jour.
Que s’est-il donc passé en réalité ?
« Les choses qui se sont dites ou passées dans cette chambre d’hôpital des Cliniques Universitaires ne resteront pas trop longtemps un secret de confessionnal comme l’a été la diffusion des photos de cette jeune fille un jour après » explique un spécialiste en communication. « La tragédie de cette fille victime d’une bavure des forces de sécurité du gouvernement, la précipitation de la ministre des Droits Humains à se rendre à son chevet, la prise des photos et la rédaction par la victime d’une note d’explication de comment est arrivé l’accident feront partie de cet une énigme qu’il faudra résoudre un jour », poursuit-il.
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Des réactions diverses et multiples
Selon la longue note d’explication de Mme la ministre, plusieurs internautes et spécialistes en communication s’interrogent à distance : « Dans quelles circonstances elle a été blessée par balle, dans quelle commune, si elle a pu identifier le policier…Revient-il vraiment à un ministre d’entendre une victime traumatisée, ayant perdu l’usage de la parole… Cette absence de décence, ce manque de pudeur… Et comme si cela ne suffisait pas, le médecin sensé saisir la douleur de sa patiente, mieux que quiconque, en rajoute, et veut à son tour ; toujours par écrit, arracher des remerciements vis-à-vis du gouvernement… Hippocrate est poignardé dans le dos ! Tout comme le bon sens, la conscience humaine… OK, le VPM des Affaires étrangères pour le passeport de Dorcas ; le ministre de la Santé pour «la meilleure clinique maxillo-faciale de Johannesburg … Et qui pour punir le bourreau de Dorcas, et les auteurs intellectuels de cette barbarie ? Comme disait Shakespeare, « C’est ici que se trouve l’embarras !» Ce n’est pas bien ce que vous faites, dirigeants de ce pays ! » écrit D.M sur Facebook à Kinshasa.
Depuis Bruxelles et de son côté sur Twitter, @2VKExcellence écrivait : « Pompier-Pyromane : Faire rédiger un document qui remercie le PM à une dame qui est défigurée par la violence et la barbarie des forces de sécurité, sur son lit d’hôpital, est le genre d’acte qui nous fait comprendre que certains sont dépourvus de valeurs morales. #RDC ».
Un autre toujours sur Facebook demandait plutôt à ce « Que chacun fasse le travail pour lequel il a été formé. Ceux qui savent mentir continue à le faire et ceux qui savent reconstituer la vérité des faits ne se laissent pas corrompre. Sur la photo on peut voir deux feuilles de papier qui n’ont pas le même format et / ou la même apparence. L’un a l’air d’un vieux papier usé, coupé au bas à droite sur lequel on écrit à l’oblique et l’autre un format tiré d’une rame de papier, entier mais qui portait déjà des écritures, écrits avec le Plus grand soin, qui ne pouvait pas être rédigé par une personne en situation pareille. Nous savons qui ment ».
Un dernier internaute, F.E qui est également journaliste sorti de la même école que les deux protagonistes de « L’Affaire Dorcas » ironisait pour sa part depuis Paris en France sur Facebook : « …Je trouve scandaleux que le pays s’habitue aux « arrangements particuliers », y compris avec la vérité et, pire, en dépit de la souffrance des victimes. Je suis désagréablement surpris de constater que nous sommes nombreux à soutenir une telle pratique. Taire volontairement ce que Dorcas vit et subit, ce n’est se rendre ni plus ni moins complice de ses « bourreaux ». Comment ceux-ci ne se sentiraient-ils pas légitimés dans leur mission macabre de violenter, de tuer, de massacrer… ».
Comme on l’a vu, cette affaire fera encore parler d’elle pendant un moment.
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