Dossier de l’Histoire : Laurent-Désiré KABILA, l’énigmatique assassinat

Ce mardi 16 janvier 2017 coïncide comme par un hasard au jour et à la date qui marquent le 17ème anniversaire de la mort violente de Laurent-Désiré Kabila par assassinat en plein cœur du siège du pouvoir au Palais de Marbre de Kinshasa. Ici quelques bonnes pages de mon livre CONGO-ZAIRE, 24 Avril 1990 – 17 Mai 1997, L’INSAISISSABLE DÉMOCRATIE Péril d’une Transition à paraître bientôt.

Demain mercredi 17 janvier, le pays célébrera Patrice-Emery Lumumba de qui Kabila se réclamait d’héritage comme ceux qui sont actuellement au pouvoir. Sans fausse modestie et à moins qu’ils se trompent eux-mêmes pour finalement tromper le peuple qui a fini par le comprendre, de Lumumba on utilise que le nom et le symbole. L’idéal pour lequel le vrai « héros » national est mort en 1961 n’est pas le même que celui des gens au pouvoir actuellement et comme on ne triche pas avec l’histoire, elle ne se falsifie ni se réécrit pas non plus car la vérité triomphe toujours.

Les circonstances troubles de l’assassinat de Laurent Désiré Kabila mardi 16 janvier 2001 resteront mystérieuses tellement sa mort violente était à la fois prévisible et imprévisible. Des versions ont circulé et circulent sur cet acte ignoble. Certes on disait Kabila inquiet de quelque chose depuis un temps, mais cette inquiétude n’explique nullement le geste fatal qui l’a emporté.

Une tragique fin pour un vrai despote déguisé en faux libérateur, tel a été le sort du tombeur de Mobutu qui n’aura tenu que trois ans et huit mois à la tête d’un pays déboussolé, qu’il a laissé en proie à une guerre larvée. Depuis 20 ans, le pays est en proie à des bandes armées qui pillent et tuent pour des intérêts sordides…

Quarante ans plutôt, presque jour pour jour, Patrice Lumumba dont il se disait disciple n’avait-il pas été assassiné dans les mêmes circonstances floues au Katanga le 17 janvier 1961. Lumumba a été tué par l’impérialisme occidental aidé des mains locales comme Mobutu, Nendaka et Tshombe soucieux de s’affirmer politiquement. Mais pourquoi l’homme du 17 mai 1997 a-t-il été assassiné et à qui profite le crime ?

Ayant pris à son compte les méthodes qui avaient fait la sinistre réputation de son prédécesseur, l’homme « d’Hewa Bora ou Terre Libre » en Swahili dans le Sud Kivu était tombé en plein après-midi dans l’antre même du pouvoir au Palais de Marbre, sa résidence officielle sous les balles de Rachidi Minzele pour les uns ou Rashidi Kasereka pour les autres et quatre de ses compagnons : Georges Mirindi, John Bahati Butale, Fraterne Tshibunga et Nshombo Weya. Rachidi éxécuté sans autre forme de procès et les autres en fuite, ces quatre jeunes militaires et présumés assassins ont porté le chapeau de l’acte sans que la vérité ne soit connue un jour alors que le peuple a le droit de savoir.

Treize ressortissants libanais de Kinshasa soupçonnés de complot dans cette affaire grave auraient aussi été exécutés sans autres formes de procès. Ce qui n’avait pas manqué de créer un vrai émoi au sein de cette communauté spécialisée dans le commerce général. Souvent cités dans les affaires louches de trafic d’influence et l’impression des faux billets de banque à l’époque de Mobutu, les Libanais du Congo-Zaïre sont aussi passés maîtres dans la fraude liée à l’exportation des matières premières dont le diamant et l’or.

En majorité « d’obédience chiite », les Libanais de Kinshasa ont aussi souvent défrayé la chronique pour leurs connivences avec les anciens hommes forts de l’armée (généraux, colonels, majors) du régime Mobutu dans les trafics en tout genre dont celui très lucratif d’armes. Lorsque Léon Kengo parlait de ceux qui « criminalisent l’économie » du pays en 1997, c’est à cette communauté très soudée qu’il pointait son doigt accusateur sans oublier les propres enfants de Mobutu. Laurent-Désiré Kabila n’avait pas non plus que d’amabilités vis-à-vis de ces gens qui avaient refusé de lui donner l’argent pendant qu’il en avait besoin lors de la conquête du pays entre 1996-1997.

Ancien maquisard au parcours politique mal défini et chef des rebelles qui ont délogé du pouvoir Mobutu en mai 1997, Kabila est demeuré un véritable « énigme » pour beaucoup jusqu’à sa mort. Portant l’espoir de tout un Peuple épuisé par 32 ans de mobutisme, bien accueilli par la Communauté internationale, il s’était rapidement attiré les foudres de ses anciens alliés ougandais et rwandais et de l’ONU en instaurant un climat de terreur et en se taillant « un régime sur mesure ».

Ressemblant de plus en plus à son prédécesseur Mobutu dans son comportement, Kabila n’était pourtant jamais parvenu à tenir son pays. En rompant en août 1998 avec ses alliés rwandais artisans de son arrivée au pouvoir, ceux-ci envahirent et conquièrent l’Est du pays avec les complicités burundaise et ougandaise. Pendant plus de trois ans avant sa mort, le conflit s’était enlisé. Son incapacité à diriger le pays pourrait avoir eu raison de la patience de ses alliés l’Angola et le Zimbabwe, les puissants soutiens qui l’avait sauvé lors de la rébellion d’août 1988.

Le parrain angolais Eduardo Dos Santos ne dénonçait-il pas l’intransigeance de son protégé depuis quelques temps déjà. L’effort de guerre de son armée au Congo pesait lourd et il voulait négocier un accord de paix. Dans le camp opposé, les Ougandais et les Rwandais avaient toujours imputé la responsabilité de la guerre à Laurent-Désiré Kabila qui soutenait les mouvements rebelles de ces deux pays voisins. Les accords de cessez-le-feu signés en 1999 à Lusaka en Zambie n’avaient jamais été respectés de son vivant.

De plus en plus isolé à l’intérieur comme à l’extérieur de son pays, Kabila était hanté par la mort affirmaient des indiscrétions vérifiées car, il ne faisait plus confiance qu’à ses proches et aux gens de son clan. L’épreuve à laquelle il était confronté ne surprend pas totalement, elle s’expliquait par l’extrême fragilisation progressive de son pouvoir qui à la place d’une dictature n’avait pas pu substituer une alternative démocratique que l’on attendait de lui. Mais comment le président de la République a-t-il été tué aussi facilement si ce n’est par la complicité des proches, des personnes en qui il avait une nette confiance et des militaires de sa garde personnelle qu’il considérait comme ses propres enfants.

Il y a une autre réalité, le militaire qui l’a assassiné, quel que soit son ressentiment, n’a pu le faire seul. Soit, il s’est appuyé sur une partie de l’armée congolaise qui en avait assez de la guerre et qui n’était plus payé, et qui ne supportait plus le régime absurde du tombeur de Mobutu. Soit, il s’agit d’un complot ourdi à l’extérieur dont ses amis zimbabwéens ou encore des services secrets ougandais, rwandais, pourquoi pas Occidentaux !

Revendiqué depuis la France par un mystérieux Groupe des jeunes militaires congolais qui affirmaient vouloir mettre fin au règne d’un monstre sanguinaire, l’assassinat de Kabila paraissait un coup préparé de longue date. Le fait que tous les jeunes militaires impliqués dans cette affaire soient originaires du Nord et Sud Kivu n’est pas non plus un hasard.

Tous proches des anciens Commandants Kisasse et Masasu qui les avaient recrutés, ces jeunes soldats se sentaient orphelins depuis les assassinats respectifs de leurs chefs en janvier 1997 à Goma pour Kisasse et décembre 2000 à Pweto pour Masasu par les hommes de Kabila sous les ordres de ce dernier. Tous les témoignages concourent pour affirmer que Rachidi Kasereka, l’assassin présumé de Kabila, fut un de ces gardes du corps recruté dans le Kivu, tout au début de la guerre en 1996.

La Commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur l’assassinat du chef de l’État, à laquelle ont participé les alliés angolais et zimbabwéens a interpellé et incarcéré depuis le 24 février 2001 l’ancien aide de camp du président, le colonel Eddy Kapend. Ce dernier ne serait pas seulement accusé aujourd’hui d’avoir logé une balle dans la tête de Rachidi Kasereka, mais certaines sources assurent qu’il aurait lui-même ouvert le feu sur le président et tué le garde du corps alors que ce dernier se précipitait sur les lieux du crime, question de brouiller les pistes et de l’empêcher de parler.

Aussi curieux que cela peut paraître, Eddy Kapend, ce lunda originaire de la localité de Kapanga à la frontière angolaise et qui n’a rien de militaire de formation fut choisi par Kabila en personne pour « s’occuper de l’armée en recevant et traitant tous les rapports en provenance des forces armées du pays et de l’étranger ». Tâche à laquelle il s’y emploiera avec aisance, ce qui lui valut un uniforme militaire et le grade de colonel pour lui donner toute l’autorité nécessaire à ses fonctions avant qu’il ne devienne l’aide de camp du président de la République.

Ancien militant zélé de l’UFERI, parti politique de Jean Nguz et de son ancien gouverneur Gabriel Kyungu coresponsables civils et politiques, avec Mobutu, de la sanglante épuration ethnique des Kasaïens, en 1992 ; ce professeur de lettres que rien ne destinait à une quelconque popularité est aujourd’hui au cœur même de la tragédie qui a coûté la vie à Laurent Désiré Kabila.

 Un Kabila peut cacher un autre.

La lutte des clans autour de l’ancien chef de l’État autoproclamé aura tenue jusqu’à sa mort que sa succession faisait peur à tous les membres du sérail. Par crainte d’effondrement dans les heures qui suivirent l’attentat, le régime aux abois a cherché à gagner du temps en cachant la mort de son chef 48 heures durant avant de le reconnaître alors que le monde entier connaissait l’évidence que Kabila n’avait pas survécu à l’attentat.

Se déchirant tout en s’épiant mutuellement avec la peur au ventre d’être soupçonner de l’assassinat du président, les fidèles de la première heure comme le cousin Gaétan Kakudji qui s’exclamait : alors, qu’est-ce qu’on fait ? Je prends le pouvoir ou quoi en sa qualité du Ministre de l’Intérieur et ancien numéro 2 du régime, l’ami de toujours Yerodia Abdoulaye, le neveu Jeannot Mweze Kongolo (qui ramènera Kakudji à sa place parait-il) et le financier Pierre Victor Mpoyo assistés de l’insaisissable Dominique Sakombi Inongo ont propulsé sous injonctions zimbabwéennes Joseph Kabila, fils de son père (?), d’abord à la tête de l’armée puis celle du pays comme quatrième président du Congo-Zaïre.

Le mobile du crime et son auteur demeurant inconnus, d’autres langues se délient aujourd’hui, notamment celle d’Eddy Musonda. Directeur adjoint du protocole chargé des audiences de Kabila à l’époque, il a demandé asile politique en Belgique en décembre 2000. Dernière personne ayant vu le président Kabila encore vivant au matin du 16 janvier 2001, Musonda exprimait au cours d’une conférence de presse tenue à Bruxelles en décembre 2001 « son intime conviction » et accusait les zimbabwéens et certains proches familiaux de Kabila de l’avoir tué pour prendre le pouvoir. Notamment le jeune Joseph Kabila sur qui pèsent les soupçons de collusion avec les zimbabwéens.

Une plainte devant être déposée contre le nouveau chef d’Etat pour crime de droit international en vertu de la compétence universelle des tribunaux belges (voir chapitre sur l’ancien ministre congolais Yerodia Ndombasi dans ce livre). Pour étayer ses graves accusations, Eddy Musonda souligne « le manque total d’une déclaration ou d’expression d’un quelconque chagrin » de Kabila Junior à la mort de son père.

Mais aussi et surtout deux éléments ayant intervenus peu après le crime : deux coups de téléphone du chef d’état-major des forces alliés de Kabila, le général zimbabwéen Chirunde à son président Robert Mugabe et à Joseph Kabila qui se trouvait à Lubumbashi après avoir échappé à la mort lors des combats de Pweto contre les troupes rwandaises soutenant le RCD-Goma. Mugabe conseillera de faire venir le corps du président Kabila au Zimbabwe alors qu’il était déjà mort, question de gagner du temps et d’effacer les traces du crime alors qu’à Kabila Junior, il était dit ceci : « You can comeback now. Everything is under control = Vous pouvez revenir ici maintenant. Tout est sous contrôle ».

Autres faits troublants soulignés par Eddy Musonda : lorsque alerté par la rafale et en descendant de son bureau vers le rez-de-chaussée où se trouvait celui du président, le garde Rachidi était mort achevé par le colonel Kapend devant la porte qu’il était censé garder ce jour-là.  Pourtant «la porte du bureau présidentiel était fermée de l’intérieur » dit Musonda.

Il ne comprend donc pas « comment Rachidi ai été tué le président alors qu’il fuyait le bureau après avoir tiré sur lui ». Musonda pense que c’est quelqu’un d’autre qui aurait tiré sur le président et Rachidi ne courait que pour savoir le pourquoi des coups de feu lorsqu’il a été descendu par Eddy Kapend. C’est d’ailleurs Kapend qui informera Musonda que Rachidi a tiré sur le président et que lui Kapend l’a achevé.

La commission d’enquête ayant conclu que « le président a été tué avec une arme de fabrication belge, munie d’un silencieux », qu’on n’ait jamais retrouvé. Or, les soldats congolais n’avaient pas des armes équipées de silencieux. De plus, « l’arme du garde Rachidi était d’origine nord-coréenne et selon les personnes qui ont ramassé son corps, le chargeur de son fusil était plein… ». Autre fait troublant rapporté par Musonda, Émile Mota, Directeur adjoint du Cabinet du président de la République chargé des questions économiques, qu’on disait officiellement avoir été témoin du meurtre, aurait avoué à des proches « été obligé de dire qu’il était présent au moment des faits tragiques ».

Car, en réalité, «il attendait depuis la matinée d’être reçu comme tout le monde ce jour-là lorsque le président a été assassiné ». En fin de compte, tous les Congolais présents à la présidence le jour de l’assassinat ont été arrêtés pour négligence alors que les Zimbabwéens de garde n’ont jamais été inquiétés. De plus, tous les détenus sont gardés par les militaires zimbabwéens.

L’apparition d’un nouveau Kabila en la personne d’Etienne Kabila Taratibu qui se dit être le « vrai fils biologique » et légitime du chef de l’Etat assassiné Laurent-Désiré Kabila ajoute à l’éloignement de la vérité. Etienne accuse Joseph d’être le commanditaire de l’assassinat de son père. En outre il affirme que Joseph n’est pas un Kabila car n’ayant aucune goutte de sang congolais dans ses vaines. Par contre, il est tutsi rwandais dont le nom de famille était Joseph Kanambe avant son adoption en compagnie de sa sœur Jeannette par Laurent-Désiré Kabila.

Comme on peut le constater, ce drame de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila constitue un véritable puzzle et « nœud gordien » dont la question essentielle à savoir : qui a assassiné le président de la République et pourquoi ne sera peut-être jamais résolue, à moins que les complices et les bénéficiaires vivants du crime se décident un jour de parler.

Roger DIKU / AFRIWAVE.COM

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