L’Église catholique de Kinshasa prépare activement la marche du 21 janvier contre les abus du pouvoir de Joseph Kabila. À quelques jours de cette marche, elle a reçu le soutien d’un collectif de protestants.
« Nous n’avons pas le choix, nous devons marcher pour prendre en main notre destin », assure le professeur Isidore Ndaywel, historien et membre du Comité laïc de coordination du diocèse Kinshasa (CLC).
Le 31 décembre 2017, la marche organisée par ce collectif a été durement réprimée par les forces de l’ordre congolaises faisant 6 morts selon le décompte des organisateurs et de la nonciature apostolique en RD-Congo.
L’association catholique a appelé tous les Congolais à une nouvelle marche le 21 janvier pour réclamer l’application de l’accord de la Saint-Sylvestre qui prévoyait une alternance politique. Mais cette fois-ci, les catholiques ne seront pas seuls. Ils seront soutenus par un collectif de protestants, la Coordination des laïcs protestants (Colpro). « Nous avons été approchés par des membres de la Coordination des laïcs protestants qui marcheront avec nous le 21 janvier, informe Ndaywel. D’ailleurs, parmi les membres du CLC, il y a des protestants ».
L’appel des protestants
Le 16 janvier, la Coordination des laïcs protestants a lancé un appel à soutenir la marche des laïcs catholiques le 21 janvier. « Si tu es neutre en situations d’injustice, tu as choisi le parti de l’oppresseur, écrit-elle dans son communiqué. L’injustice a pris le dessus sur la justice ; la compromission sur l’intégrité ; l’arrogance sur la sobriété ; la médiocrité sur l’excellence. La nation n’a plus de repères. » Les laïcs protestants estiment également que « lever la voix pour barrer la route à l’incongruité et à la bassesse est un devoir citoyen » et que « garder le silence ou rester indifférent est un acte de complicité ».
Le même jour, le 16 janvier, à l’occasion du culte protestant organisé pour célébrer le 17e anniversaire de l’assassinat de l’ex-président Laurent Désiré Kabila, l’Église protestante, d’habitude assez réservée, a étonné en critiquant ouvertement le pouvoir en présence d’officiels et de membres de la famille présidentielle.
Invitant à l’alternance politique, le prédicateur du jour, le pasteur François-David Ekofo a lancé : « J’aime spécialement une course : la course de relais où une personne transmet le bâton à une 2e personne, à une 3e et à une 4e… Dans l’histoire du pays, c’est pareil aussi. Nous prenons un témoin que nous passons aux autres ». Il s’est, en outre, fait très critique sur la gestion des richesses du pays : « Dieu nous a donné un pays des plus riches. Dieu lui-même ne comprend pas pourquoi nous les Congolais nous sommes pauvres. Dieu nous a donné tout dans ce pays ». Montant d’un ton, le pasteur Ekofo a ajouté : « J’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment. L’État n’existe pas réellement. Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’État est réel, un État responsable, où tout le monde est égal devant la loi ».
« L’adhésion des protestants les forcera à tenir un autre discours »
Confortés par la réaction de l’Église protestante, les membres du CLC ont égrené leurs doléances à la veille de leur marche. « Nous souhaitons la libération des prisonniers politiques qui n’ont pas eu droit à des procès équitables et la libéralisation des médias publics qui sont caporalisés par le pouvoir. Nous exigeons également qu’une nouvelle commission électorale avec une composition pluraliste soit mise en place », a affirmé Isidore Ndaywel.
De son côté, le père Vincent Tshomba, responsable du collège des doyens du diocèse de Kinshasa a affirmé le soutien du diocèse à la démarche du CLC et assuré que des prêtres catholiques participeront à la marche. « Nous ne pouvons pas nous enfermer dans la peur et la résignation malgré les risques de répression », a-t-il expliqué. « Nous continuons de mener d’autres actions comme les sonneries de cloches et le vacarme dans les rues, les jeudis soir, de 21 heures à 21 h 15, mais il faut des actions plus significatives comme des marches ».
Le prêtre s’est, par ailleurs, réjoui de l’initiative prise par les protestants de participer à la marche du 21 janvier. « C’est une bonne chose. Certaines personnes accusent l’Église d’être contre le pouvoir en place, l’adhésion des protestants les forcera à tenir un autre discours ».
Article à lire ici : En RD-Congo, un collectif de protestants participera à la marche de l’Église catholique le 21 janvier https://africa.la-croix.com/rd-congo-collectif-de-protestants-participera-a-marche-de-leglise-catholique-21-janvier/
Lucie Sarr