En ce 1er février 2017, une seule nouvelle préoccupe les Congolais tant de la diaspora que du pays. Jour pour jour en ce jeudi 1er février 2018, il y a un an. Elle les divise autant qu’elle les rassemble. C’est l’annonce de la disparition d’Etienne Tshisekedi Wa Mulumba. Figure emblématique de la politique congolaise. Opposant historique aux 3 derniers régimes non démocratiques du Congo.
Personne n’a l’air d’y croire. Les téléphones sonnent de quatre coins du monde. Ceux du Congo demandent confirmation à ceux de la Diaspora. Est-ce en Belgique qu’il aurait rendu l’âme se demandent les congolais, perturbés. Dans moins d’une heure, la planète entière est au courant. Le temps passe et la lugubre nouvelle se précise.
Le baobab s’est écroulé ! Des pleurs se font entendre. Jeunes et vieux, militants, combattantes, combattants et simples sympathisants prennent d’assaut la permanence de l’UDPS à Kinshasa. Tous consternés, ils pleurent celui qu’ils nomment « Père de la démocratie congolaise ». Il n’est plus. A Bruxelles, c’est le même triste spectacle. La ville finit par mettre l’espace du Palais des Expositions sur le plateau du Heysel à la disposition de la famille. Seul endroit pouvant contenir cette marée humaine qui y déferle pour s’incliner devant la dépouille mortelle de celui qui incarnait l’espoir d’une réelle démocratie.
Et ils sont nombreux, des congolais venus de toute l’Europe, du Canada et des Etats-Unis. L’entrée dans le lieu est filtrée, contrôlée et bien régulée. Les incrédules se rendent à l’évidence. L’atmosphère est pesante. Tout le monde veut partager ces moments avec la famille Tshisekedi. La file est longue pour passer devant le cercueil exposé à l’intérieur du bâtiment. Anecdotes, vérités et mensonges autour de sa mort se racontent dans la foule. Plus on se rapproche du cercueil, plus on se rend réellement compte qu’il n’est plus.
Celui qui a fait vaciller Mobutu premier dictateur du pays cher à Simon Kimbangu. Celui qui, par son courage de dire la vérité au rebelle M’zée Kabila, s’est fait reléguer par ce dernier dans son village natal. C’était le prix à payer pour avoir exigé entre autres, la facture à devoir aux mercenaires qui ont aidé l’ancien trafiquant d’or et de diamant à conquérir le pouvoir. C’est toujours lui qui a dit tout haut que le pays était dirigé par un jeune rwandais incompétent et sans aucune culture politique.
Il n’avait pas sa langue en poche quand il fallait dénoncer la dictature, les anti-valeurs et l’occupation du pays. Son heure a sonné loin de son quartier général de Limete. Les nouvelles technologies de l’information facilitent la communication entre congolais éparpillés aux quatre coins du monde. Les membres de son parti, l’UDPS peinent à trouver des mots pour confirmer la triste nouvelle. Devant l’inévitable, ils sont réduits à l’impuissance. Des communiqués se préparent tant bien que mal.
Le choc est frontal, inattendu, la douleur indescriptible. La famille biologique effondrée, recherche les dernières énergies pour faire face à la suite des évènements. Pendant qu’elle tente de réunir ses membres, le régime de Kinshasa se prépare quant à lui, à les diviser en sablant le champagne. La fête se veut grandiose, triomphale, mais malsaine et immorale. Tant le chemin, pour les opposants à l’opposant historique, semble libre et dégagé. C’est lui (Tshisekedi) qui faisait peur au régime.
Maintenant qu’il est parti sans partir, les thuriféraires du pouvoir se frottent les mains. Ils multiplient interviews et communiqués dans la presse. Tantôt pour apaiser tantôt pour accuser les militants du parti et la famille biologique du défunt. Pendant ce temps le corps sans vie du leader Maximo traîne dans un funérarium bruxellois. Un an passé aujourd’hui à tergiverser sur le lieu de l’enterrement. La famille, le parti et le régime se rejettent la balle. Qui a tort ? Qui a raison dans ce duel sans raison ? Seul le plus lucide comprend et mesure les enjeux de la communication.
Pendant que certains membres de la majorité présidentielle, s’illustrent par des démonstrations accusatrices, le temps pour la veuve Tshisekedi affectueusement appelée maman Marthe semble s’arrêter. Celle qui une année durant porte le deuil de son regretté et charismatique mari. Elle ne peut enterrer l’homme de sa vie, de sa jeunesse. Les autorités de Kinshasa se refusent à faciliter le rapatriement du corps.
Ils sont nombreux au sein de cette plate-forme présidentielle dont les sorties médiatiques ne laissent pas indifférents. Même le moins averti des observateurs de la politique congolaise n’aurait de la peine à démêler le faux du vrai. Cependant deux parmi eux semblent battre le record et se disputent la première place dans la nouvelle discipline d’excellence à rebours au Congo Kinshasa. Quand l’un affirme, la main sur le cœur que le corps d’Etienne Tshisekedi a déjà été enterré, il prend soin de préciser même le nom du cimetière. L’autre déclare, pince-sans-rire, que la famille biologique aurait conditionné le rapatriement du corps de Tshisekedi par la nomination de Félix Tshisekedi son fils au poste de premier ministre.
L’amalgame est perceptible et le doute palpable. Interrogé par des journalistes, Félix Tshisekedi lève le voile. Ni ma famille biologique, ni ma famille politique n’ont posé aucune condition pour le rapatriement du corps du leader de l’UDPS. Je ne suis demandeur d’aucun poste politique précise celui qui a tout l’air d’incarner son père dans le combat politique. L’accord de la Saint-Sylvestre signé par l’opposition et la majorité présidentielle est clair. Il fixe les conditions de nomination d’un premier ministre.
Pour confondre les médiocres, à la veille du premier anniversaire du décès d’Etienne Tshisekedi, sa veuve et ses enfants décident de se réunir autour du cercueil de l’illustre disparu au Funérarium d’Ixelles. Les images font le tour de la toile et de différentes chaines de télévision du monde. L’information circule. Les flatteurs du régime en prennent un coup. Ils semblent se taire depuis, tant la réplique est indiscutable.
Difficile désormais de croire à ces chantres de contre-vérités. Les connaissant, ils n’auront pas froid aux yeux pour rebondir dans l’art qui leur est cher. La médiocrité ! Pendant ce temps, le corps de feu Président Tshisekedi reste bloqué à Bruxelles et ne peut être enterré dans son pays. L’on peut se demander, par la volonté de qui? La réponse peut sembler simple, mais pas aussi simple que ça quand on se dit qu’en Afrique, devant la mort ou le défunt, c’est l’occasion d’enterrer la hache de guerre entre frères ennemis.
La communauté africaine, ici l’ensemble de dirigeants africains, s’avère impuissante de faire fléchir le Pharaon de Kinshasa ne serait-ce que le temps d’organiser les funérailles. Ceci aurait eu le mérite d’éluder les gesticulations des hommes du pouvoir. Jamais un mort n’aura fait tant parler de lui comme le sphinx de Limete. Même mort, il fait toujours peur.
L’occasion est toute belle de dénicher d’autres médiocres. Notamment ceux qui l’ont trahi pour embrasser Pharaon dans son camp. Ils se pressent aujourd’hui d’organiser des messes en son honneur. Question de marquer une certaine visibilité dans l’opinion, toute honte bue. Que reste-t-il du Baobab et de son combat ? Poser la question, c’est y répondre. Des jeunes gens décidés à perpétuer l’œuvre du vieux entendent poursuivre la lutte jusqu’à l’instauration effective de la démocratie dans un État des droits.
ZADAIN