Sur demande du Comité Laïc de Coordination, une messe des morts a été célébré ce vendredi 09 février 2018 en hommage et en mémoire des victimes de la deuxième marche pacifique des laïcs chrétiens du 21 janvier dernier. Et c’est l’Archevêque métropolitain de Kinshasa en personne, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya qui a présidé cette messe en la Cathédrale Notre dame du Congo de Lingwala en présence d’une foule des chrétiens et des familles, des diplomates accrédités à Kinshasa et des membres de l’opposition politique au régime en place.
« Le Comité Laïc de Coordination (CLC) prie les membres de la Communauté nationale et internationale à bien vouloir prendre part à la Messe des morts en mémoire des Victimes de la Marche pacifique du 21 janvier 2018 » notait le communiqué du CLC rendu public le 4 février. Les responsables du CLC en clandestinité depuis fin 2017, Thierry Nlandu, Isidore Ndaywel et Justin Okana ; en appelaient en outre pour d’être « Nombreux pour honorer nos morts ; ensemble pour dire NON à la persécution des Chrétiens qui se déroule dans notre pays, sous nos yeux, en plein 21ème Siècle ».
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Dans son homélie du jour basée sur le livre d’Apocalypse 7, 9-17 et l’Evangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu 5,1-12, l’abbé François Luyeye a insisté sur ce devoir sacré de continuer le bon combat pour l’émergence d’un Congo nouveau : « Ce Congo nouveau où l’homme qu’il faut sera à la place qu’il faut, Un Congo nouveau dirigé par des hommes et des femmes épris du respect de la dignité humaine et réellement au service du bien commun, Un Congo nouveau où le peuple conscient de son pouvoir et de sa responsabilité historique ne tolérera plus le mensonge, la violence et la médiocrité ».
Pour l’orateur « Au-delà des vicissitudes et méandres de notre vie individuelle et communautaire, Dieu agit. D’un chemin à l’autre, il conduit notre histoire comme il a conduit celle de nos ancêtres dans la foi jusqu’à la terre promise. Comme le cri de Jésus sur la croix n’est pas resté sans réponse, nous savons que notre cri ne restera sans réponse non plus. Nos frères et sœurs qui sont tombés une fois de plus sous les balles de la trahison de ceux qui sont censés nous protéger, nous ont précédés dans la vie éternelle…Ils viennent de la grande épreuve. Ap 7,9-10 ».
Le curé de la paroisse Notre Dame de la Sagesse n’a pas manqué de rappeler le fait que le temps n’est plus à la peur « Loin de nous la peur de ceux qui donnent aux troupes l’ordre de tirer, loin de nous la peur de ceux qui exécutent aveuglement des ordres immoraux et fauchent leurs propres frères et sœurs, loin de nous la peur de ceux qui cherche à faire disparaître les corps de leurs victimes après les avoir assassinés. Nous sommes au contraire remplis de pitié pour eux, cars ils ne savent pas ce qu’ils font. Et comme Jésus, nous disons au Père Céleste : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
L’Abbé Luyeye a rappelé à ceux qui ont donné l’ordre de tirer et ceux qui ont tiré sur les manifestants sans armes lors de la marche doivent savoir que la balle n’est pas dans le corps de leurs victimes mais dans leur propre camp et dans leur propre conscience. Et qu’ils s’entendent dire de la part du Seigneur : « ce n’est pas la mort du tueur que je veux mais sa conversion ».
La marche des chrétiens ne s’arrêtera pas.
Au Comité Laïc de Coordination en évoquant les béatitudes, le prédicateur a souligné que « le pauvre c’est celui sur qui les épreuves matérielles et spirituelles exercées ont enduré la foi car ne comptant que sur le secours de Dieu, comme les congolais aujourd’hui. Les pauvres ce sont ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice. Et parce qu’aucune justice n’est rendue, il n’y a plus de pain, ils meurent … ».
« Voilà pourquoi les actions du Comité Laïc de Coordination sont à applaudir. Et nous en attendons d’autres. En agissant ainsi, vous montrez que vous êtes l’Eglise. Dans le chrétien, il ne doit pas y avoir une dichotomie entre la foi et l’engagement dans le monde. N’en déplaise à ceux qui croient que la foi doit être enfermée dans la sacristie. Votre mission est d’apporter la lumière du Christ pour chasser les ténèbres de Satan dans les coins et recoins de notre pays » a-t-il poursuivi.
Le prêtre a fini par rêver « d’un jour où des congolais marcheront pacifiquement sans effusion de sang ni répression, d’un jour où ceux qui ont tué prendront conscience de leurs actes, demandant pardon et se convertiront. Chers frères et sœurs, la marche des chrétiens ne s’arrêtera pas. Nous avons le devoir sacré de continuer le bon combat pour l’émergence d’un Congo nouveau », conclut-il.
Reprenant la parole a la fin de la célébration eucharistique, le Cardinal Monsengwo Pasinya a remercié les fidèles venus nombreux y participer; avant que ne soit lu le message de l’ensemble du clergé kinois aux dirigeants du pays et ceux de la capitale face à l’insécurité, aux menaces et autres humiliations dont ils sont victimes.
L’oraison funèbre du Comité Laïc de Coordination
Comme pour les victimes de la marche du 31 décembre 2017, le CLC a tenu à faire entendre sa voix pour celles tombées le 21 janvier 2018. Et ce fut au travers de la personne du Professeur Thierry Nlandu Mayamba, un des responsables aujourd’hui en clandestinité mais qui a tenu à être présent en la Cathédrale Notre Dame du Congo ce vendredi 09 février 2018.
Dans une oraison funèbre empreinte d’émotion, les noms des victimes connues ont été clamés pour que leur souvenir demeure à jamais : Thérèse Kapangala, Hussein Ngandu Kisene, Jackson Kabadiatshi Malango, Benjamin Mwingilau, Serge Kikunda, Matthieu Mfuamba et un mort par balle non identifé à Lemba au Camp Mzée Kabila.
Pour le CLC, tous « ces jeunes êtres que les armes en folie ont arraché à la vie, n’avaient jamais cru un seul instant, qu’ils devaient donner leurs vies pour que les dirigeants de ce pays comprennent qu’ils n’avaient simplement soif que de liberté et de bonheur ».
L’emblématique cas étant celui de Thérèse Kapangala, aspirante religieuse et fille d’un officier de la police ne fonction et morte d’une balle de la même police sur le parvis de son Eglise de Kintambo et qui nous interroge tus dira Thierry Nlandu : « …la Police a tué sa propre fille, elle qui a toujours tiré sur les enfants des autres… tous les officiers comme toi, dans tous nos camps militaires et de police, ne savent plus à qui adresser les condoléances… », imagine l’auteur de l’oraison funèbre.
Pour rappel, les marches du Comité laïc de Coordination sont organisées pour réclamer l’application stricte de l’Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain de décembre 2016 et dit de la Saint-Sylvestre entre le régime et l’opposition.
Aucun officiel du pouvoir n’a été visible dans la Cathédrale de Lingwala alors qu’une invitation en bonne et due forme aurait été envoyée.
Luaba Wa Ba Mabungi