Par Germain Nzinga Makitu
La surmédiatisation de la transhumance des cheptels bovins dans la province de l’ex-Bandundu se butte jusque-là sur des insuffisances méthodologiques. Pour un dossier aussi sensible qui touche à la sécurité intérieure de l’État, il importe d’écouter les protagonistes présents sur le terrain en vue de mieux appréhender les tenants et les aboutissants de ce dossier épineux.
Pour ce faire, nous avons consacré toute une semaine à parler avec des habitants des villages et cités de Bandundu pour chercher à comprendre ce sur quoi les autorités administratives congolaises imposent un silence radio. La descente sur terrain d’Adolphe Muzito pour faire parler ces éleveurs restés aphones nous sera aussi d’un grand prix tout comme les entretiens qu’il aura avec la base locale. Depuis lors, les langues ont commencé à se délier mais des questions de fonds sont restées sans réponse, notamment :
– Quelle est l’identité réelle de ces éleveurs en transhumance dans la province de Bandundu ?
– Quel rapport humain et social entretiennent-ils avec les populations autochtones ?
– Et au final quel projet poursuivent-ils ? Celui de se sédentariser au Kwango ou bien seraient-ils là juste pour un point de passage vers une autre destination finale ?
A l’issue de cette enquête, nous en sommes arrivés à construire une grille d’observation et d’analyse de contenu via des points ci-après.
1. La propagande politique avant l’assaut final.
La plupart de guerres modernes accordent une très grande importance à la propagande politique. Des communiqués radiotélévisés et des articles de presse ont pour objectif de préparer les esprits à l’inattendu. Cette propagande peut devenir si efficace à tel point que les troupes ennemies arrivent à capituler avant l’affrontement militaire de deux armées et que les populations manipulées à outrance arrivent à accueillir avec acclamation leurs redoutables ennemis entrant sur leurs territoires pour les dominer et les asservir.
Cette action psychologique a pour but de faire agir la personne à qui est adressée l’information dans le sens voulu avec pour objectif la rendre passive devant un danger pourtant imminent. D’après Emmanuel Taieb, c’est une « méthode de présentation et de diffusion d’une opinion de telle manière que son récepteur croit être en accord avec elle et en même temps se trouve dans l’incapacité de faire un autre choix à son sujet ». Pour le dire plus simplement, le but final est de modifier les consciences et les comportements à la faveur de celui qui le diffuse.
Des informations fausses ou manipulées, fondées sur quelques degrés de vérité, sont diffusées afin de modifier les consciences et de parvenir à l’objectif psychologique souhaité. Cette propagande n’est rien d’autre que de la manipulation qui précède une intervention guerrière. Une opération par laquelle l’ennemi fait croire à son adversaire que celui-ci agit ou pense de lui-même alors qu’il est agi.
Pour ce qui concerne la République Démocratique du Congo, cette propagande politique a été confiée aux bons soins d’Enoch Ruberangabo Sebineza, un sujet d’origine rwandaise, ex-vice-ministre de PTT, du reste démis de ses fonctions suite au sextape dans son bureau de travail. Dès l’entame de sa propagande, il met les choses au point : « les vaches que vous voyez chez vous chers compatriotes de l’ex Bandundu proviennent des territoires d’Uvira et Fizi au Sud-Kivu et appartiennent aux éleveurs Bafuliru, une ethnie bantoue et banyamulenge, une ethnie Tutsi congolais ». Ce souci de communiquer tient à manipuler l’opinion et à masquer une vérité sur l’identité réelle de ces éleveurs à qui le propagandiste tient à donner un profil congolais.
Tout en décrivant par après le long itinéraire suivi par ces éleveurs avant de s’installer sur le plateau de Kwango et sur les avantages qu’en tireraient les populations locales, sieur Enoch Ruberangabo Sebineza a omis de dire que leur établissement dans le Kwango ne se fait pas selon les normes régies dans les provinces de l’Ouest où ces activités pastorales exigent des accords et avec le pouvoir coutumier et par les autorités des entités administratives locales conformément à la conjugaison du Droit foncier congolais avec le Droit coutumier.
Toutes les personnes que nous avons interrogées à ce sujet nous ont confirmé que l’installation de ces éleveurs tutsis se fait par la force ou par la ruse. Concrètement, ils arrivent et s’installent en dehors des us et coutumes locales. Ils installent leurs troupeaux soit en exploitant la naïveté du chef coutumier à qui ils remettent une vache soit en agissant sous la couverture des autorités politiques ou militaires de Kinshasa.
Quand durant la visite de Muzito, un de ces éleveurs a prétendu avoir remis une vache à un chef coutumier, une autre vérité a été rendue publique sur le fait que tous ces éleveurs se savent couverts par les hautes autorités de Kinshasa. Le témoignage de l’honorable Kashita, grand chef de Kianza, est assez éloquent sur les ordres dictés via téléphone par le général Tango Fort toutes les fois qu’il a osé s’opposer à ce projet funeste d’occupation de ses terres. « Laissez-les passer… Ces vaches sont de la présidence de la République », tonne l’officier supérieur au téléphone comme si tout ce qui est de la présidence était hors norme et au-dessus de la Loi et des coutumes du pays.
De son côté, la stratégie de communication de ce propagandiste rwandais consiste à convaincre les congolais que ces éleveurs sont leurs frères et qu’ils ne devraient pas se fier ni à leur taille ni à leur morphologie. Son argumentation veut ainsi persuader l’opinion congolaise que ces éleveurs étant des congolais, ils ont le droit d’être chez eux au Bandundu. « Je suis, pour ma part persuadé, dit-il, que ces compatriotes se sont dit nous allons chez nous au Congo car ce pays est un et indivisible. C’est ça l’idée qui les a guidés ».
Dans son excès de zèle, il a prononcé un lapsus linguae fort instructif. En disant : « nous allons au Congo », il reconnait qu’ils viennent hors de frontières du Congo et ils y sont entrés. Mais qu’à cela ne tienne pour lui ! Il veut juste coller la citoyenneté congolaise à ces populations allogènes afin que, le moment venu, comme on le verra plus tard, toute action de haine ou toute tentative de chasser ces éleveurs puissent être instrumentalisées en actes de xénophobie collectives contre un groupe minoritaire.
Une autre vérité que nous avons recueillie auprès des indigènes interrogés, c’est que ces éleveurs ne sachant parler ni français ni lingala ni kikongo évitent des contacts avec les populations locales et refusent même de leur vendre des vaches nonobstant les nombreuses demandes d’acheteurs. L’unique fois qu’ils ont été trouvés généreux, c’est lors de leur passage dans la ville de Kikwit. Un militaire commis à la garde du commandant de la ville nous a avoué les avoir vus venir offrir trois vaches au commandant de la ville qui parle swahili comme eux.
Pourtant, pour bien flouer l’opinion, le même propagandiste invoquera les avantages qu’engrangeront les populations autochtones : « Profitez de la présence de ces vaches achetez-les, élevez-les et au bout des quelques années vous deviendrez aussi éleveurs car votre climat est très hospitalier pour ce genre d’activité… Ne vous inquiétez donc pas. Que les administrations du Kwango et des autres provinces où ces vaches vont s’installer accueillent favorablement ces compatriotes et qu’ils s’apprêtent à créer une taxe sur vente de vache pour que l’État profite de cette nouvelle manne tombée dans ses juridictions ».
Mais tout analyste averti perçoit derrière ce discours flatteur, la dissimulation et le langage détourné propres à la culture du pays des mille collines que les étudiants rwandais de l’université de Butare décrivaient eux-mêmes à leur professeur Pierre Erny en ces termes : « Un Rwandais utilise tous les moyens possibles pour obtenir une chose convoitée avec ardemment. Tout d’abord il courtisera avec zèle. S’il n’arrive pas à ses fins, il mentira tout simplement pour arracher l’objet des mains de son détenteur»[1] . Les congolais de Bandundu sont en train d’être induits en erreur de perception et d’analyse avant de voir arrachées leurs propres terres comme cela se vérifie déjà dans beaucoup de territoires de l’Est du Congo.
La route bis de l’AFDL
A la question posée aux hommes en arme dans le Bandundu : « Quelle destination prennent-ils ces éleveurs atypiques ? La plupart nous ont assuré revoir un phénomène qu’ils avaient déjà observé en 1996. Nous ont-ils clairement confié : « Ils suivent la route de l’AFDL ». Après insistance de vouloir en savoir un plus sur cette route énigmatique de l’AFDL, un des militaires nous a précisé : « Ils vont arriver à Kinshasa ».
Nous pourrions alors apprécier tout autrement la communication d’Enoch qui décrit le long itinéraire de ces éleveurs. « Ces vaches ont quitté d’abord les pâturages de la Plaine de la Ruzizi (Uvira) et de Nganja (Fizi) à cause des vols des vaches et assassinats répétés des bergers. Elles se sont réfugiées dans la province de Tanganyika aux alentours de Kalemie mais avec le conflit pygmées-luba, les choses ont tourné au vinaigre, les vaches et les bergers ont perdu la vie. La guerre entre Yakutumba et le Gouvernement est venu compliquer la situation de ces éleveurs en errance. Les combattants se sont rués sur les vaches pour en faire leurs rations alimentaires. Il fallait trouver un refuge car ces gens n’ont rien d’autre que ces vaches. Je dirais même que leur raison d’être tient à ces vaches. C’est comme ça qu’ils ont tenté l’aventure de l’Ouest du pays ».
L’aventure de l’Ouest ? Le mot de code de l’opération est lâché. Pourtant, le communicateur le prononce comme par négligence alors que c’est le point focal de la mission de la transhumance de ces éleveurs avec leurs vaches. « Par des chemins très difficiles parsemés des forêts et des savanes du Katanga au Bandundu en passant par le Kasaï, voilà les vaches arrivées dans une autre partie du pays, le plateau des Bateke encore très paisible et à pâturages de rêve pour ces compatriotes ». Un autre mensonge pour masquer le vrai point de chute de cette aventure qui ne consiste pas au travail d’élevage des vaches mais se servira de ces élevages pour pousser plus avant les dés d’une aventure politique plus importante.
Au final, comment ces éleveurs-pasteurs ont-ils fait pour parcourir 2000km à pied jusqu’à se fixer à découvert dans les alentours de Bukanga Lonzo dans le district de Kenge ? Est-ce techniquement possible d’entreprendre une longue transhumance nourrissant leurs bêtes chemin faisant, traversant forêts, savanes, steppe de toutes les régions si loin du Kivu situé à 2000 kms de la province de Bandundu pour se fixer curieusement jusqu’à Bukanga Lonzo qui se veut un site éminemment symbolique de par sa profondeur stratégique sur la porte de Kinshasa ?
S’il est vrai qu’ils doivent avoir eu à traverser le Kasaï pour arriver dans le Bandundu, comment ont-ils pu traverser si discrètement toute une province sans se faire signaler par l’opinion ? Les langues se délient un peu partout pour reconnaitre que ces commandos- éleveurs ont été largués et déversés avec leurs vaches par cargo militaire sans que les populations souveraines ne s’en aperçoivent. Ceux qui lisent l’histoire n’auront aucune peine à y revoir la trajectoire de l’AFDL qui leur avait permis d’entrer sur Kinshasa un certain 17 mai 1996. L’histoire est-elle en voie de se répéter ?
3. La vache (cheval) de Troie
Pour comprendre ce qui se passe dans le Bandundu et tracer l’itinéraire que prennent les éleveurs qui ont occupé les plateaux de Bateke, il faut relire l’histoire mondiale de la guerre entre nations, plus particulièrement l’épisode du cheval de Troie. À l’initiative d’Ulysse, des guerriers grecs réussissent à pénétrer dans Troie, une ville assiégée en vain depuis dix ans, en se cachant dans un grand cheval de bois, harnaché d’or [1] offert aux Troyens. Lorsque les habitants de Troie sont pris par la torpeur de l’alcool, la nuit, les Grecs sortent du cheval et ouvrent alors les portes, permettant au reste de l’armée d’entrer et de piller la ville. Tous les hommes sont tués, les femmes et les filles sont emmenées comme esclaves. Les enfants mâles sont tués eux aussi pour éviter une éventuelle vengeance.
Cette ruse de guerre qui va entraîner la chute de la ville, permettant ainsi le dénouement de la guerre, est en voie de se répéter dans le Bandundu. Ici ce n’est plus avec un cheval d’or mais bien avec des vaches vivantes guidées en pâturages par de militaires déguisés en bergers, par des composantes des Forces Spéciales Rwandaises bien entrainés par des GIs américains et qui ont fait leurs preuves dans les différentes conquêtes du FPR, dans les opérations de maintien de paix au Sud-Soudan et tout récemment dans la rébellion de M23 où la photo de l’un des éleveurs a été très clairement identifiée dans une étude de James Karuhanga. [2]
Des recherches approfondies démontrent que cet Alexandre SANDJI, ce soi-disant éleveur qui a parlé au micro du journaliste accompagnant l’honorable Muzito s’avère être un ancien étudiant rwandais à l’Université de Goma, militaire des forces spéciales rwandais, filmé en territoire de Rutshuru en 2012, lors du déclenchement de la guerre des M23. Le fait qu’il soit devenu en janvier 2018, Pasteur nomade Munyamulenge à Bandundu au Congo, comme en témoignent les photos ci-dessous attachées, doit ouvrir nos yeux et éveiller la vigilance des congolais.
Le voile se lève un peu plus sur l’identité et la mission véritables de ces éleveurs et des raisons pour lesquelles ils ne veulent pas trop s’approcher des populations locales puis se réfèrent au chef d’état-major général pour n’importe quel problème comme s’ils obéissaient directement à des ordres bien précis venant d’en haut pour une mission bien précise.
Mais quelle peut bien être cette mission ? Pour y répondre, il faut recourir à l’histoire de deux autres cités congolaises : la cité de Vryura et le territoire de Minembwe qui ont eu l’amère expérience d’avoir ouvert leurs portes à ces éleveurs.[3]
La dénomination banyamulenge a été façonnée à partir d’un petit village congolais Mulenge, une localité du groupement de Kigoma dans la chefferie de Balufero, territoire d’Uvira, province du Sud-Kivu.
A titre de rappel historique, c’est en 1921, avant le découpage territorial que l’autorité coutumière de Balufero avait installé, que des immigrants tutsis d’origine rwandaise commencèrent à y pénétrer en petits groupes d’éleveurs. Ils seront rejoints plus tard, dans les années 50 et 60, par des émigrés tutsis en provenance du Rwanda où le pouvoir venait de passer aux mains des leaders hutus.
Aux environs des années 1970, un autre épisode va se produire dans le Katanga où le président Mobutu crée un espace vital pour regrouper et contenir des réfugiés rwandais sur le plateau de Kasimba, ente Kalemie et Moba.
Spécialistes dans la falsification de l’histoire, les Rwandais ont transformé leur site d’accueil en village auquel ils ont donné un nom rwandais. Si bien qu’au fil des temps, Vryura s’est illustré dans le vocabulaire katangais puis congolais jusqu’au point où le 7 août 1991, Azarias Ruberwa[4] et six de ses compagnons s’adresseront au président de la Conférence nationale Souveraine se présentant au nom de la tribu banyamulenge. Lui se disait katangais de Vryura et exigeait la reconnaissance de la nationalité congolaise de banyamulenge.
Comme le précisait Colette Braeckman, « L’espoir des exilés rwandais venus d’Ouganda n’est pas nécessairement de s’installer au Rwanda. C’est qu’ils exigent, c’est un passeport international en remplacement de leur document d’apatrides. En réalité, (…) les tutsis souhaitent déployer librement leurs talents dans l’ensemble de la sous-région (…) Ils rêvent d’avoir une sorte de nationalité transnationale qui leur permettrait, en cas de persécution, de se déplacer d’un pays à l’autre. »[5]
En ce mois de février 2018, ce concept de tricherie et de magouille collective (banyamulenge) reprend surface. Comme il est devenu le passe-droit pour les rwandophones, il sera repris par les communicateurs rwandais préparant l’invasion de l’Ouest par le Bandundu. Ils se serviront de cette tricherie citoyenne et instrumentaliseront l’élevage des vaches pour le plan politique plus décisif de réamorcer une nouvelle marche vers Kinshasa après l’échec d’août 1998 où des bataillons entiers avaient alors débarqué à Moanda. La vache des éleveurs tutsis devient la métaphore du cheval de Troie pour pénétrer une province par la ruse militaire.
4. Faire beaucoup de bruit à l’Est pour attaquer à l’Ouest
Pendant que la majorité des analystes congolais se contentent encore de comprendre le plan de balkanisation de la RD Congo par l’opération d’extraction d’une partie de l’Est congolais devenant par la magie de la diplomatie internationale, « La République des Volcans », nous sommes en train de commettre une grave méprise de ne pas observer la nouvelle dynamique de la politique sous-régionale rwandaise qui joue désormais sur deux tableaux. Celui annoncé par Hermann Cohen à propos du grand marché de l’Océan Indien où la région des Grands Lacs est dès lors arrimée de gré ou de force. Et celui d’entrainer tout le territoire congolais de son ancrage à l’Océan Atlantique vers le sillage de l’Océan indien.
Le dernier voyage de Kabila en Tanzanie avec ses conséquences telles l’adhésion de la RDC au port de Dar-es-Salam puis l’annexion progressive du Congo-Kinshasa au marché commun oriental et à l’Océan indien[6] n’est plus à démontrer. Le Rwanda ne se contente plus d’arracher un doigt du Congo. Il s’est décidé de lui arracher tous ses membres.
Ce plan de l’attaque de l’Ouest doit être interprété au prisme de cette nouvelle donne géopolitique. Depuis quelques années, il obéit à des gradations bien déterminées. Depuis la crise du Burundi, l’auteur de ces lignes avait écrit (Faire beaucoup de bruit à l’Est pour attaquer à l’Ouest. La crise burundaise à la lumière du 6e stratagème chinois)[7], prévenant ainsi l’opinion nationale et internationale de l’imminence du plan d’attaque de l’Ouest et que tous les bruits d’une guerre éventuelle entre Kagame et NKurunzinza à l’Est consistaient juste à amuser la galerie avec derrière le rideau l’objectif principal de masquer la véritable direction que devraient prendre les opérations militaires dans les prochaines années.
Les stratèges rwandais n’ont pas changé d’un iota ce que James Kabarebe écrivait dans un e-mail du 8 mai 2004 intercepté par les Services de Renseignement du Maréchal Mobutu. « Soyez déterminés, conseillait-il à ses pions basés à Kinshasa. Ayez l’esprit vainqueur. Nous allons diriger le Congo ».[8] Cette détermination est montée d’un cran ces derniers jours.
Avec le refus de respecter la fin de son deuxième et dernier mandat; le surarmement du pouvoir d’occupation de Kinshasa; le vide juridique de l’État congolais dépourvu d’aucune institution légitime et crédible et naviguant désormais à vue sans aucune boussole politique; l’arrivée massive des milices sur le territoire congolais tout comme l’installation sur le sol congolais des réfugiés éthiopiens, sud-soudains refoulés d’Israël et finalement l’actuelle marche des éleveurs tutsis jusque dans les périphéries de la capitale congolaise comme ce fut le cas en 1996 avant l’affrontement final et manqué dans la ville de Kenge sont tous de mauvais présages pour les mois qui viennent.
Ce sont là tous des faits probants qui font tomber le masque à propos des ambitions impériales du Rwanda sur la partie Ouest du Congo. Tout comme en 1996, la nationalité transfrontalière congolaise des banyamulenge lui servira de cheval (vache) de Troie pour pénétrer plus en profondeur dans le territoire ouest du Congo.
5. Le projet d’occuper l’Ouest ira au-delà de Bandundu…
A l’étape actuelle de la crise que traverse le Congo-Kinshasa, il nous est interdit de faire des analyses biaisées ou partielles. Il s’agit de pénétrer la pensée de l’envahisseur pour mesurer ses intentions profondes qui l’animent. Pour ce faire, il nous faut tirer les leçons du passé récent et reconstituer les différents éléments du puzzle.
Il s’agit au propre de mettre en corrélation les derniers massacres au Kassaï ayant en toile de fonds la problématique de contrôle des terres riches en diamants puis le Traité de Nice qui, signé le 27 octobre 2012, stipulait la cession exclusive et absolue à un tiers de l’Ile de Mateba et des terres du Kongo Central, la gestion de l’aéroport de Gbadolite et une zone exempte d’impôts de 5 km carrés puis une zone de 10.000 km carrés dans le Katanga au nord du Dilolo entre la rivière Kassai et la route nationale 39.
Pour ne parler que du Kongo Central, de nombreux témoignages provenant se recoupent pour attester la cession des milliers d’hectares aux ressortissants rwandophones, foulant au pied toutes les dispositions de la Loi foncière congolaise. Ils se sont octroyés de vastes hectares de terre dans les territoires de Kasangulu, de Madimba, de Mbanza Ngungu, à Luozi, à Boma, à Muanda etc. avec le même procédé d’avancer masqués.
En disséminant militaires déguisés en éleveurs avec munitions et armes, les stratèges rwandais s’assurent à pouvoir riposter à n’importe quel soulèvement populaire des congolais ou à n’importe quelle éventualité dans n’importe quel point du pays. En infiltrant le pays dans ses coins et recoins, ils se donnent les moyens tactiques de pouvoir créer le ko partout lorsqu’ils jugeront utile de couper l’Est sans difficulté. Les congolais ne disposeront alors d’aucun moyen de riposte pour la simple raison que l’ennemi aura déjà occupé tout l’espace territorial.
Dans le contexte actuel où les occupants avouent avoir « perdu Kinshasa »[9], l’occupation de l’Ouest constituera alors une base opérationnelle stratégique pour s’assurer le contrôle sur la porte de l’Océan Atlantique grâce à leur bataillon positionné à Banana. Cela va sans dire que leur présence dans les régions avoisinantes de la capitale deviendra en même temps un goulot d’étranglement de Kin la rebelle qui se verra coupée de toutes ses sources d’approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité et en électricité, allusion faite aux deux barrages d’Inga et de Zongo dont le fonctionnement avait été carrément arrêté en 1998 par les hordes rwandaises dans leur avancée vers Kinshasa.
De toute évidence, la stratégie d’encerclement militaire est en marche tant est si vrai qu’encercler une cible militaire (la ville de Kinshasa), mener des infiltrations aux alentours puis passer à l’attaque a toujours été la méthode de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) en vue de prendre sa cible en sandwich.
6. « On va se battre avec nos flèches… »
Un autre événement illustratif à prendre en compte, c’est aussi la réunion ultra-secrète tenue fin cette semaine dernière à Washington DC, laquelle réunion vise à gérer paradoxalement « l’après-Kabila » avec Kabila. Les participants à cette messe basse ont pris alors l’option de confier momentanément le pouvoir à des ressortissants d’origine congolaise, notamment Matata Ponyo à la présidence et un membre du clan Katumbi (le G7) à la primature (Olivier Kamitatu ou Katete Katebe) tout en maintenant Joseph Kabila au Sénat avec droit de contrôle des forces de défense et de sécurité.
Parmi les neuf clauses de ce deal politique, il importe d’en trois qui s’avèrent fort éclairantes sur le thème de cette étude. Si Matata venait à être nommé président, son pouvoir sera soumis aux conditions suivantes : 1) accepter de poursuivre la politique de Kabila vis-à-vis des pays voisins du Congo connus dans leurs intérêts dans notre pays ; 2) accepter de réinstaller au Congo, les réfugiés soudanais, éthiopiens refoulés d’Israël et surtout 3) permettre aux éleveurs des pays voisins d’avoir accès aux pâturages sur le territoire congolais.
La troisième clause nous ouvre les yeux sur l’importance stratégique des éleveurs tutsis de bénéficier des pâturages sur le territoire congolais. Les jours qui viennent s’annoncent donc très ardus pour les populations congolaises et il sera demandé à chaque congolais de se préparer à défendre la nation en péril.
Lors de la descente au Bandundu de l’ex-Premier Ministre, Adolphe Muzito, deux faits ont retenu mon attention dans les entretiens qu’il a eus avec la population locale.
D’abord son speech à l’adresse des autochtones en colère, il invitait carrément sa base à assumer un comportement conséquent : « Organisez-vous à travers les corps sociaux…Chauffez vos responsables provinciaux pour vous défendre. La force du gouvernement provincial vient de la base ». Des paroles à peine voilées qui demandent une auto-prise en charge de la population par elle-même et du coup reconnaissent subrepticement qu’il n’y a rien à attendre du pouvoir central de Kinshasa où lui Muzito siège au parlement national.
Mais c’est la réponse de l’honorable Kashita, le chef coutumier de Kwanza qui doit plus retenir au plus haut point notre attention. Ayant constaté la complicité de ces éleveurs avec la haute hiérarchie politique et militaire de Kinshasa et la méthode brutale avec laquelle ces éleveurs usent des armes et ont arraché des fermes à Popokabaka sans aucun document administratif, ce leader local ne s’est pas comporté « mollement » comme l’ont fait le collectif des professeurs de Bandundu ou celui des députés nationaux élus de Feshi qui se sont contentés de faire des dénonciations ou de réclamer une enquête parlementaire dont l’on sait l’inutilité et le manque de verdict final en Rd Congo. L’honorable Kashita, quant à lui, a choisi de lever la meilleure des options pour défendre les intérêts de son entité administrative.
Sa déclaration solennelle : « On va se battre avec nos flèches. Ils vont fuir… S’ils osent menacer un chef ici, on va entrer en guerre contre eux ». Cette déclaration du chef coutumier prononcée avec autorité a soulevé des applaudissements nourris dans l’assemblée qui attendait une réaction forte pour exprimer l’autorité émanant du peuple. L’autodéfense populaire, voilà l’arme qui reste entre les mains du peuple abandonné par ses dirigeants et par sa classe politique qui a décidé de travailler aux intérêts des occupants. Cette autodéfense populaire doit désormais constituer le cœur du débat dans les villages et quartiers et le moteur de l’agir des congolais pour défendre la Mère-Patrie dans les mois qui viennent.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] P. ERNY, Rwanda 1994. Clés pour comprendre le calvaire d’un peuple, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 178.
[2] J. KARUHANGA, Rwanda Special Forces return home dans http//www.newtimes.co.rw
[3] B. TUNDA DIA LUTETE, La crise des Grands Lacs. Analyse et pistes de règlement, Paris, L’Harmattan, pp.134-135.
[4] “Nous, tribu banyamulenge vivant sur le territoire zaïrois voici quatre siècles… » Cfr Lettre d’Azarias Ruberwa adressée au président de la CNS.
[5] C : BRAECKMAN, L’enjeu congolais, Paris, Fayard, 1999, p. 188.
[6] G. NZINGA MAKITU, Vers un nouvel ordre (géo) politique en RDC. Leçons à tirer du voyage de Kabila en Tanzanie dans http//www.desc-wondo.org
[7] G. NZINGA MAKITU, Faire beaucoup de bruit à l’Est pour attaquer à l’Ouest. La crise burundaise à la lumière du 6e stratagème chinois dans http//www.desc-wondo.org
[8] H. NGBANDA NZAMBO, Crimes organisés en Afrique Centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux, Paris, Duboiris, p. 418.
[9] H. LECLRECQ, Kabila : « Nous avons perdu Kinshasa » dans http//www.libreafrique.be
Article à lire sur : ENQUÊTE SUR LA TRANSHUMANCE DES ÉLEVEURS ALLOGÈNES DES BOVINS DANS LE BANDUNDU par Germain Nzinga Makitu http://nzingagermain.com/enquete-sur-la-transhumance-des-eleveurs-allogenes-des-bovins-dans-le-bandundu-par-germain-nzinga-makitu/
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