Samedi soir à Lincoln. J’écoute la musique de chez nous. Je choisis le grand Zaïko de Félix Manuaku Waku dans Sonia. Djo Poster dit le Grand Muyaka est là. Shekedan aussi, sans oublier Défao de sa voix de velours. Manuaku et Stino Baroza organisent le côté instruments. C’était la belle époque du Zaïre. Nous sommes sans doute dans les années 80. Peut-être en 1982.
Alors je me dis en moi même : peut-être que ce même jour-là, pendant que tout jeune je suivais ce concert chez ma grand-mère Ngamazin rue Bambala au quartier Caravane du soir à Bandundu, naissait un grand héro dans la famille Mukendi à Kinshasa. Un héros avec grand H, Rossy Tshimanga Mukendi.
Je deviens inconsolable. Deux images croisées me viennent à l’esprit : la première est une œuvre de Michel-Ange, la Pietà que j’ai vue en 2012 dans la Basilique Saint-Pierre de Rome. Elle est posée à droite de la nef. Cette œuvre représente Marie portant le Christ mort. Le Seigneur est couvert juste d’un lambeau. La Pietà qui veut dire la pitié inspire effectivement la pitié.
L’autre image est pour moi aussi et sans doute pour les Congolais une pietà qui fait couler mes larmes : Rossy Mukendi mort ou mourant dans une tenue proche de celle de Jésus est soulevé par des secouristes.
Je me dis : voici un héros dont la nation reconnaissante se souviendra. Un héros tombé sur le champ de bataille. Rossy, le nouveau Lumumba. Comme l’autre héro, il est assassiné dans sa 36ème année.
Comme l’autre héro il était préparé et comme l’autre héro, il a laissé un testament : celui de la lutte pour un futur glorieux du Congo. Jusque-là mes héros étaient des personnes de génération antérieure à la mienne : Lumumba, Kimbangu, Martin Luther King, Malcon X, Ghandi.
Et voilà que l’Histoire m’interpelle. Ces braves héros de nos jours et dans mon pays sont de loin mes cadets : Mamadou Ndala, Hussein Ngandu, Thérèse Kapangala et Rossy Tshimanga Mukendi. Rossy mon frère, Rossy mon héros, Rossy le brave soldat…
Na zua Nganga wapi asombela nga liwa na yo ? Que des larmes leki na nga, mwana ya maman na nga, mwana ya Papa na nga, leki na nga, Elombe ya Congo (Où trouverais-je un féticheur pour qu’il me rachète ta mort ? Que des larmes mon jeune frère, fils de ma mère, fils de mon père, mon jeune frère, le vaillant du Congo, NDLR).
Alors comme tu sais que le peuple gagne toujours associe- toi à ce peuple pour que la victoire soit certaine maintenant que tu es devenu esprit. A la suite de Lokua Kanza je dirai « si tu pars n’oublie pas la terre où ton cœur a vu le jour » … Cher Rossy. Reste avec nous, plane sur Kinshasa ta ville.
Gabriel Mampem Kwambamba
Lincoln Nebraska
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