Devoir de mémoire : il y a 102 ans, mourait Ota Benga, le Congolais enfermé dans les zoos américains

Par Carole KOUASSI  

Il est de ceux dont le nom ne cesse de hanter l’histoire de l’esclavage contre les peuples noirs. Ota Benga, pygmée capturé dans l’ancien Royaume du Congo a été exposé pendant de longs mois dans des zoos américains, avant sa mort en 1916, loin de son Congo natal. Retour sur son histoire.

Comme son peuple, la tribu des Mbuti, Ota Benga se contentait de la chasse et de la cueillette. Mais une attaque de la Force publique (ancienne police congolaise) contre son campement au début des années 1900 va profondément modifier le cours de son existence. D’abord, il perdit sa femme et son enfant assassinés par cette Force publique, mais cela le soumit à un long périple dont il ne se remettra jamais.

Absent au moment de l’attaque, il fut capturé dès son retour au village par les hommes armés. Ces derniers l’abandonnèrent dans un village habité par des Bashilele, d’où il fut repris aux marchands d’esclaves par le missionnaire Samuel Phillips Verner, grâce notamment à quelques morceaux de tissu et du sel. Également homme d’affaires, cet Américain avait pour mission de récupérer des autochtones du continent pour les ramener aux Etats-Unis dans le cadre de l’Exposition universelle de 1904.

À cette époque, en effet, les sociétés européenne et américaine blanches raffolaient des « zoos humains ». Des spectacles déshumanisants dans lesquels des Africains noirs étaient mis en scène dans des cages de zoos. 1,5 milliard de personnes auraient visité ces « spectacles » d’un autre âge, selon le musée du Quai Branly de Paris qui s’en est excusé en 2012 à travers l’exposition L’invention du sauvage.

Une fois aux Etats-Unis, c’est d’abord à l’exposition de Saint-Louis, à la Nouvelle-Orléans que le jeune homme fut laissé, chargé de divertir les visiteurs. Au bout de l’année 1905, il retourne brièvement au Congo avec celui qui l’avait préalablement acheté. Mais des mésaventures – notamment la mort de sa nouvelle épouse par morsure de serpent et le bannissement de sa belle-famille – l’auraient encouragé à retourner aux Etats-Unis.

Description de cette image, également commentée ci-après Par Inconnu https://www.theguardian.com/world/2015/jun/03/the-man-who-was-caged-in-a-zoo, Domaine public, Lien

Mort anonyme, reconnaissance universelle

Cette fois, il sera emmené au Musée américain d’histoire naturelle de l‘époque. Mais après plusieurs tentatives de fuite et des coups d‘éclat, il est expédié au zoo du Bronx, probablement l’une des pires expériences de sa vie. Là, il sera mis en cage avec pour seule compagnie un orang-outan et un perroquet. La fonction reste la même, divertir les visiteurs. En l’espace d’une seule journée, près de 40 000 personnes se rendent au zoo afin d’apercevoir Ota Benga.

Toutefois, cette exposition suscita de vives critiques du clergé baptiste noir qui menaça de poursuivre en justice les dirigeants du zoo. Sous la pression, ces derniers décidèrent de rendre sa liberté au jeune Congolais. Entre septembre 1906 et 1916, Ota Benga parvient à s’intégrer dans la vie américaine. Des orphelinats où il a été placé après sa libération, il étudie et obtient même plusieurs petits emplois dont un dans une usine à tabac.

Suffisant pour lui faire oublier ses années de souffrance ? Visiblement non. Puisqu’en mars 1916, dépressif et animé par le mal du pays, il finit par se suicider d’une balle dans la poitrine avec un revolver qu’il avait dérobé.

Aujourd’hui, si l’histoire d’Ota Benga reste vive dans la mémoire des peuples afro grâce à des monuments ou œuvres biographiques, la tombe où il a été enterré reste un vaste mystère. Comme nombre d’esclaves ayant suivi la même trajectoire que lui.

Article à lire sur : Devoir de mémoire : il y a 102 ans, mourait Ota Benga, le Congolais enfermé dans les zoos américains http://fr.africanews.com/2018/03/20/devoir-de-memoire-il-y-a-102-ans-mourait-ota-benga-le-congolais-enferme-dans/

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Rédaction

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  • De telles pratiques inhumaines et déshonorantes ne peuvent rester impunies. Il est de notre devoir de demander réparation aux préjudices moraux, physiques et sociaux infligés à la race noire. De la même manière que sont poursuivis les nazis de la seconde guerre, nous devons ouvrir un procès symbolique qu' il soit pour punir les récalcitrants.

    • L'esclavage comme le racisme sont des pratiques qu'il nous faut condamner avec la dernière énergie car aucune race ne peut prétendre est supérieure à l'autre. Hélas que la colonisation a voulu le faire croire ainsi et presque trois décennies après la décolonisation, aucune demande de réparation n'a été faite. Pour la Congo-Kinshasa, il n y' a pas que Ota Benga amené en Amérique, mais aussi ces trois autres congolais ramenés en Belgique lors de l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958. Ces inconnus déracinés de leur milieu alors qu'ils n'avaient rien demandé à personne ont été exposé dans des cages comme des bêtes de somme auxquelles on jetaient des bananes dans le Palais 5 sur le Plateau du Heysel en face de l’Atomium dans la commune de Laeken. Ils sont morts en Belgique et sont aujourd'hui enterrés anonymement dans le jardin du Musée Africain de Tervuren dans la commune du même nom. La moindre des choses aurait le rapatriement de leurs restes dans leurs villages d'origine pour y être inhumés afin que leurs âmes reposent réellement en paix mais encore hélas !!!

  • "...pygmée capturé dans l'ancien royaume du Congo..."? Sûrement vous voulez dire 'ancien Royaume Kongo'. Et l'ancien Royaume Kongo n'est pas et n'a jamais été du côté où le sieur Ota Benga avait vécu et capturé. Eduquez-Vous !

    • Certes que le nom Ota Benga ne se rapporte pas à ceux couramment utilisés dans la langue Kongo en particulier et l'empire Kongo en général et se rapproche plus de l'ancienne province de l'Equateur, cela n’empêche que ce compatriote fut pris dans le Congo actuel. Ce qui ne traduit en rien le man que "d'éducation" de celui qui a rédigé ce magnifique article de mémoire et chapeau bas à notre consœur Carol Kouassi d'Euronews Afrique.

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