A quelques semaines du triste anniversaire de l’arrivée au pouvoir à Kinshasa des rebelles de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de triste mémoire, le pays est aujourd’hui plongé dans une situation de crise politique devenue institutionnelle sans fin.
L’insécurité bat son plein à l’Est malgré les démentis du tenant du régime qui dit « la situation calme » dans sa généralité. Cette occasion permet de revenir sur une relation d’amitié particulière trahie de l’ancien président Mobutu et Jacques Chirac qui donne matière à réfléchir pour les responsables d’aujourd’hui.
Alors que les troupes rwandaises sous la fausse et fallacieuse appellation de l’AFDL avançaient impitoyablement sur Kinshasa dans les faubourgs de Kenge déjà, feu président Mobutu écrivait une dernière lettre en date du 11 mai 2007 à son ami Jacques Chirac ; président de la République française, qui autrefois et comme beaucoup d’autres avait bénéficié de ses largesses mais l’avait carrément lâché.
Faisant part de « sa peine » alourdie par son cancer de prostate en phase terminale, Mobutu rappelle à Chirac leur « longue amitié qui les lie depuis plus d’une décennie ». Il n’oublie pas de souligner « la gravité du moment » pour « son pouvoir où il a perdu l’efficience sur la population » et au niveau militaire où il lui est « impossible de freiner l’avancée des rebelles vers Kinshasa qu’ils peuvent atteindre à n’importe quel moment ».
De sa capitale assiégée et se disant qu’il ne peut « favoriser un bain de sang inutile », Mobutu savait qu’en « tout état de cause les rebelles l’atteindront bien ; tout étant affaire de temps » écrit-il. Ce qui ne l’empêche tout de même pas de pointer d’un doigt accusateur ses agresseurs qui sont l’Ouganda, le Rwanda et l’Angola qui « utilisent le chef de bande Laurent Désiré Kabila pour me poignarder dans le dos en profitant de ma maladie ». A cette liste il ajoute l’Afrique du Sud de Mandela même si des preuves tangibles n’ont jamais été démontrées, en prenant soins de monter les commanditaires de sa défenestration du pouvoir qui sont les Etats-Unis et la Grande Bretagne.
L’amertume de l’ancien dictateur se fait sentir lorsqu’il rappelle à Chirac « qu’autrefois, les Etats-Unis ont été mes alliés. Souvenez-vous de l’épisode angolais » tout en disant se « réserver le droit de publier dans les prochains jours mes mémoires. Alors, le monde entier saura enfin des vérités insoupçonnées jusqu’ici ! ». Des mémoires qui ne viendront jamais et que l’on attend plus de 20 ans après.
A celui qu’il considère encore comme son ami bien qu’il l’ait abandonné, il peint l’homme qu’il désigne comme le chef de bande Laurent Désiré Kabila : « une personnalité douteuse, génocidaire et inappropriée pour diriger le Zaïre comme chef de l’Etat. J’ai tout essayé pour empêcher cela. Mais ses maîtres occidentaux, les Etats-Unis en l’occurrence le soutiennent et l’encourage dans cette voie ».
Avant sa fuite d’abord vers sa retraite de la jungle à Gbadolite et à Lomé après avant d’atteindre le Maroc où il mourra le 6 septembre 1997, Mobutu autrefois « le dieu du Zaïre » constate et exprime son impuissance : « Devant l’obstination américaine et la dégradation continue de mon état de santé, je suis obligé de vous annoncer mon intention de transférer le pouvoir à Kabila lors de notre prochaine rencontre sur l’Utenika le 14 mai prochain. Que Dieu aide le Zaïre » conclut-il.
Des similitudes criantes
Depuis 21 ans déjà, les rebelles vainqueurs d’hier de l’AFDL avec l’aide de l’Ouganda et du Rwanda n’ont pas fini de piller le pays et au prix du sang des Congolais, ils s’accrochent au pouvoir alors qu’ils ont perdu « la même efficience du peuple » comme Mobutu.
Des conseillers malhonnêtes parmi lesquels d’anciens mobutistes continuent d’entêter le régime en le mentant de tous bords. Or la roue de l’histoire qui tourne ne sait revenir en arrière, car le changement est pour l’instant et demeure irréversible.
Luaba Wa Ba Mabungi et Roger DIKU / AFRIWAVE.COM