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MANIEMA : Attaque de la mine BANRO de Namoya, vers une complicité du régime ? [ENQUÊTE]

Le jeudi dernier 24 mai 2018, la concession minière d’or hyper sécurisée appartenant au Groupe canadien Banro dans la Cité de Namoya en province du Maniema avait été victime d’une attaque d’une rare violence. L’assaut mené à partir de 4 heures du matin par des individus armés s’était terminé par la prise du contrôle total de la Cité quelques heures en début de journée. Une source de la société minière renseignant que les assaillants avaient fini par se retirer après s’être fourni de ce qu’ils étaient probablement venus chercher.

Le forfait attribué dans un premier temps aux présumés milices Maï-Maï du coin non autrement identifiés qui seraient descendus des collines environnantes de Kilembwe laisse un bilan effroyable sur terrain, près des 30 morts dont plusieurs par balles perdues et des dégâts matériels importants dit-on.

Une complicité du régime ?

Les choses se seraient terminées par-là comme d’accoutumé dans cette partie Est du pays tourmentée depuis plus de 20 ans n’eut été la sortie via les réseaux sociaux d’une vielle conversation téléphonique ahurissante entre plusieurs personnalités datant de 2015.

Toutes sommes impliquées politiquement, sécuritairement d’une manière ou d’une autre dans la gestion de la province du Maniema : il s’agissait du Général  de police Bakemo, Commissaire provincial à Kindu, du Major Belijo, de l’ancien gouverneur du Maniema et d’un autre « fameux » Général réfractaire qui se révélerait être Sikatende venu du Sud-Kivu.

Au travers de cette conversation insolite, l’on découvrait cette complicité tacite mais l’on sentait aussi bien la « méfiance » entre les « partenaires » de sécurité issus des multiples brassages entre rebelles et forces loyales.

Si au cours de la conversation Sikatende tentait de prendre l’ascendance de parole sur l’autre Général Bakemo, l’ancien gouverneur du Maniema lui haussait parfois le ton en lui intimant « de retourner chez lui et rester au calme avec ses hommes ». Pire, c’est la recommandation du Général de police Bakemo à se hommes : « Il faut-être prudents qu’ils ne vous attaquent lorsque vous les aurez relâchez ».

Des multiples interrogations s’étaient posées à l’époque : Qu’avait dit le « Raïs » après le rapport du gouverneur du Maniema même si Sikatende est depuis lors interpellé et incarcéré à la Demiap Kinshasa avec les évidences de sa complicité, si pas sa participation aux événements de 2015. Qui veut-on protéger, pourquoi et pour le compte de qui dans cette tragédie ? Autant des questions qui attendent d’être résolu par les tenants du régime pour éclairer l’opinion nationale et internationale dans un bref délai.

[NOTRE RETRANSCRIPTION DE LA CONVERSATION DE 2015]

Un gradé : Mes respects général, il ne reste que le général et trois armes dans sa voiture et il ne veut pas descendre, il ne veut pas non plus ouvrir…

Le général Bakemo : Lui avec qui ?

Le gradé : Lui avec son garde du corps. Nous en avons désarmés trois qui sont ici au cachot chez nous ainsi que leurs armes. Mais lui voudrait repartir (le fameux autre général dans le véhicule intercepté) et nous on en veut pas ainsi. Nous avons tout fait (en termes des négociations sûrement NDLR), il ne veut rien entendre.

Le général Bakemo : Il veut aller où ?

Le gradé : Il veut repartir je ne sais dans quel village mon Général, .je ne sais pas si c’est à Kilembwe…

Le général Bakemo : Laissez-le repartir, il est Général

Le gradé : Qu’on le laisse repartir ?

Le General Bakemo : Oui, priez-le de repartir de-là. Demandez à son petit de le prier de quitter par-là et partir. Le rapport est déjà fait et comme je parle-là, je reviens de chez le gouverneur maintenant.

Le gradé : Le problème ce qu’en le laissant partir, c’est peut-être chercher des renforts pour nous ré-attaquer encore…[ On sent une peur perceptible chez les hommes sur terrain des représailles de la part des autres frères d’armes une fois ils seront repartis libres].

Le Général Bakemo : D’où aura-t-il de renfort ?

Le gradé : On ne sait pas mon Général

Le Général Bakemo : Il aura du renfort de quel côté ?

Le Gradé : Peut-être du côté de Kilembwe [ il s’en suit une interruption] et le gradé reprend

Le gradé : Allô, attends je vous passe le Major

Le Général Bakemo : Allo

Le major Belijo : Mes respects mon Général

Le Général Bakemo : oui

Le Major Belijo : OK, il est arrivé ici avec des troupes derrière lui que nous avons désarmées, mais faisant la résistance, il ne veut même pas descendre de son véhicule pour que vous parliez avec lui

Le Général Bakemo : Laissez-le repartir, qu’il fasse ce qu’il veule

Le Major Belijo : Et ses armes et ses soldats alors ?

Le Général Bakemo : tenez les armes

Le Major Belijo : je vous le passe Général

L’autre Général du véhicule ( qui révèle être Sikatenda) : quel Général ?

La conversation s’engage entre les deux Généraux Sikatenda et Bakemo, Commissaire provinciale de la police ici à Kindu. Le premier parle en swahili et l’autre répond en lingala :

Général Sikatenda : Allô, je vous entends, que dites-vous (en swahili)

Général Bakemo : [en lingala]Oui mon Général, je ne sais pas…N’accepteriez-vous de repartir afin qu’on recherche d’abord que la paix revienne ? Ce ne pas du tout bon comme ça mon Général…

Général Sikatenda : (toujours en swahili) : Maintenant, dites aux jeunes gens de la police de demeurer calme, moi je retourne chez à la maison et nous en discuterons entre nous. Vous devriez le savoir qu’avant mon arrivée ici, tout était calme. Je te repasse le Major afin qu’il te parle de ce que nous avons discuté … au-revoir…

Général Bakemo : Mon Général, attend je vous passe le gouverneur…

Général Sikatenda : Ah, passez-le…

Général Sikatenda : [toujours en swahili] : Parle j’écoute…

Gouverneur du Maniema : [En swahili] C’est vous qui avez à dire car je vous ai appelé plusieurs fois mais votre téléphone était toujours inaccessible (probablement fermé ou refus de répondre)

Général Sikatenda : à mon arrivée, désordre sur désordre

Gouverneur du Maniema : Mzé (terme de respect swahili pour désigner un ancien ou un haut placé…) J’avais commencé par vous dire que vous êtes un ancien,  un respectueux par rapport à toutes ces choses qui se sont passées par-là. Tous ceux qui appellent disent que c’est vous qui a appelé les gens à aller creuser dans la concession de Banro. Ca ne serait jamais arrivée tout ceci, c’est inciter les gens à la rébellion (le mot est lâché).

Général Sikatenda : Jamais (Apana en swahili).

Gouverneur du Maniema : Maintenant moi je vous demande ceci et je vous donne du respect car l’enfant respecte son père, retirez vos hommes et rentrez chez vous à la maison et restez calme, je vais en parler au « RAIS (Kabila) ». Arrêtez de mettre du désordre sinon on arrêtera tout le monde.

La conversation entre le gouverneur et le Général Sikatenda se termine avant qu’elle ne reprenne entre le Major de la police et le gouverneur :

Gouverneur du Maniema : [en lingala] : Major, qu’avez-vous de ces gens-là ? Les avez-vous arrêter ?

Le Major Belijo : C’est fut un désordre grave « Excellence », ils ont tirés des coups de feu mais nous les avons arrêtés ; mais lui le Général est toujours à l’intérieur de son véhicule et nous ne l’avons pas touché.

Gouverneur du Maniema : Vous avez bien fait, je viens de lui dire ceci à lui le Général, vous ne remettez  pas les armes pour l’instant. Vous les mettez (lui et ses hommes) dans son véhicule jusqu’aux frontières limites du Maniema, vous les libérez et les laissez aller avec leurs armes et vous autres revenez. Ils doivent quitter là tout de suite…

Général de police Bakemo : Major Belijo, vous avez eu les instructions de son Excellence ? Demandez à Emmanuel de vous donner un véhicule d’escorte jusqu’à nos frontières avec le Sud-Sud. Vous les relâchez en leur remettant leurs armes (saisies lors des affrontements NDLR) et vous revenez. Cet homme-là (le Général Sikatenda NDLR) cherche d’autres problèmes, pas moyen d’avoir des problèmes avec lui, alors il faut éviter cela. Enlever les chargeurs (d’armes saisies NDLR) et scotchez-les. Il faut-être prudents qu’ils ne vous attaquent lorsque vous les aurez relâchez.

La saisine du Parlement et l’interpellation des ministres

Les faits révélés aujourd’hui sont tellement gravissimes que la saisine même du parlement s’impose par l’interpellation des ministres de la Défense Nationale Atama, son collègue de l’Intérieur Henri Mova tout comme celui de la Justice et Garde des Sceaux Alexis Thambwe Mwamba.

« La sécurité du pays ne peut-être otage des enjeux politiciens au profit d’un parti politique, le PPRD soit-il comme c’est le cas pour l’instant » commente un membre de l’opposition. « Comment justifier les premières accusations contre des présumés rebelles pour finir par accepter que ces sont les fils de la maison (ce Général Sikatenda) qui sont à la base de cette attaque et les relâcher sans aucun jugement » poursuit un autre opposant en colère ? « Pendant ce temps, nos jeunes activistes pro-démocratie qui n’ont jamais pris les armes et qui n’ont tué personne croupissent malades dans les cachots de l’ANR à Kinshasa depuis plus de six mois pour le simple fait d’avoir mobiliser pour les manifestations pacifiques du Comité Laïc de Coordination (CLC) ; trop c’est trop et le régime doit prendre ses responsabilités » fulmine un  troisième opposant.

Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi et Roger DIKU

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