Par RFI
La Cour pénale internationale a fêté son anniversaire avec une cérémonie, mardi 17 juillet, au siège de La Haye aux Pays-Bas. En 20 ans d’existence, la CPI a compté 26 affaires à son actif, la plupart en phase de procès. Elle a émis 32 mandats d’arrêt pour 15 exécutés et 6 prisonniers en détention.
Ce mardi, Muhammadu Buhari a pris la parole à La Haye pour défendre la CPI. Ce n’est pas innocent, Sonia, que ce soit un président africain qui ait été choisi pour s’exprimer. « L’ensemble des accusés, ceux qui sont poursuivis devant la CPI, sont des Africains. Et ça, cela porte atteinte à son universalité », estime ainsi Nicolas Tiangaye, ex-avocat auprès la justice internationale et ancien Premier ministre centrafricain.
Même s’il reconnait « que ce sont les Etats africains qui ont saisi la CPI », il juge tout de même « que ce caractère sélectif, cette sélection africaine constitue un point faible de la Cour pénale internationale ». Et les chiffres sont là pour le prouver. Sur les 32 mandats d’arrêt émis par la CPI, tous concernent des personnalités du continent. Toutes les affaires en cours ou terminées portent sur des crimes commis en Afrique.
Certes, des enquêtes sont ouvertes dans d’autres régions du monde, mais elles avancent très lentement. Si on regarde par exemple celle sur la Colombie, elle est ouverte depuis 2004.
L’Afrique, la plus active à la CPI
Alors, comme l’évoquait Nicolas Tiangaye, il y a des raisons à ça. L’Afrique est le continent le mieux représenté, celui qui a le plus adhéré au statut de Rome. 34 Etats du continent l’ont signé, contre 28 pour les Caraïbes et l’Amérique latine.
C’est aussi en Afrique que les gouvernements ont le plus fait appel à la Cour pour juger les crimes les plus graves. On pense à la Centrafrique, le Mali ou même la Côte d’Ivoire. Mais quand la cour s’est attaquée à des chefs d’Etat en poste, comme Omar El Béchir au Soudan ou Uhuru Kenyatta au Kenya, l’Union africaine est montée au créneau. Elle est allée jusqu’à appeler ses Etats membres à sortir du traité de Rome, en 2017.
- (Ré)écoutez notre débat : [Vos réactions] Les Africains doivent-ils avoir leur propre Cour pénale ?
Ces dernières années, on a vu le Burundi dénoncer le traité en raison de l’enquête qui vise ce pays, qui a peur de voir ses dirigeants traduits à La Haye. Les opposants, les activistes sur le continent ne sont pas moins critiques envers la Cour. Ils lui reprochent sa lenteur, le choix de ses cibles aussi, quand des opposants comme Laurent Gbagbo ou Jean-Pierre Bemba sont accusés, mais aucun officier d’une armée régulière.
La Haye traverse une crise multiforme
La CPI n’est pas aussi soutenue qu’elle le devrait, comme le soulignent tant Muhammadu Buhari, que les deux principales organisations des droits de l’homme, Amnesty et Human Right Watch. Seuls 123 pays sur 197 ont ratifié le traité de Rome et la moitié des mandats de la Cour ne sont pas appliquée. Le président soudanais Omar El Béchir voyage sans entraves. Certains pays de poids ont longtemps fait campagne contre l’institution, comme les Etats-Unis ou Israël.
Si les enquêtes n’avancent pas, c’est aussi parce que cette Cour manque de moyens et qu’il existe une certaine hypocrisie à son encontre. Depuis « déjà quelques années, la France fait partie d’un petit nombre d’Etats », avec notamment le Canada, l’Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni, « qui tous veulent faire des économies et ont soumis la Cour à ce qu’on appelle une croissance zéro », dénonce le directeur de plaidoyer de Human Rights Watch, Bruno Stagno Ugarte.
Une attitude « en ouverte contradiction, par exemple, avec des décisions prises notamment par la France et le Royaume-Uni – membres permanents du Conseil de sécurité – quand ils ont décidé de saisir la Cour sur le dossier libyen ».
Mais cette crise est aussi interne. L’ex-procureur Luis Moreno Ocampo a été accusé de mauvaise gestion, tandis que Fatou Bensouda a manifesté sa colère après l’acquittement de Jean-Pierre Bemba. La procureure de la CPI n’a pas hésité à ouvertement critiquer ce jugement, avant d’être rappelée à l’ordre.
Les juges de la chambre d’appel cassent aussi très régulièrement les jugements de leurs collègues de première instance. Des différences d’approches, de jurisprudence, pour une cour qui emploie quelque 800 personnes issues d’une centaine de pays.