C’est une nouvelle démonstration qui met en mal la thèse de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) sur sa « machine à voter » qu’elle s’obstine d’imposer à tout prix lors du triple scrutin du 23 décembre 2018.
L’utilisation pour la première fois de cette nouvelle technologie de vote dans un pays aux dimensions continentales où la majeure partie de la population n’a jamais utilisé un ordinateur et aux moyens de communication inadéquats divise les politiques à l’exception de la majorité au pouvoir, voir la communauté internationale.
La dernière explication qui contredit le projet toujours évoqué pour l’usage de ce vote semi-électronique pourtant non prévu ni dans la Constitution, encore moins dans la loi électorale actuelle est venu d’Alain Daniel Shekomba, informaticien et l’un des candidats président de la République à l’élection du 23 décembre prochain pour « qu’il n’y a pas d’autre solution que le retrait de la machine à voter, qui en réalité est une machine programmé pour tricher ».
Si ceci est vrai, alors c’est criminel et il faut chercher comment qualifier ceci lors d’une procédure judiciaire.a engager en mobilisant… https://t.co/WIuvRPPP19
— Prof. T. Kin-kiey Mulumba (@kkmtry) 7 novembre 2018
Non convaincu des explications fournies lors de sa rencontre avec la CENI que sa machine à voter « n’est pas un instrument de la triche mais plutôt celui de la minimisation des coûts et de gain de temps » dans le processus de vote, Shekomba avait pourtant relevé plusieurs failles de ladite machine dont « l’illisibilité des photos des candidats » sur les fiches imprimées, ce qui pourra prêter à confusion au moment du vote de l’électeur.
Lire aussi : RDC-ELECTIONS 2018 : La Fondation Westminster pour la Démocratie (WFD) et ses 15 recommandations sur la Machine à voter https://www.afriwave.com/2018/09/18/rdc-elections-2018-la-fondation-westminster-pour-la-democratie-wfd-et-ses-15-recommandations-sur-la-machine-a-voter/
Mais aussi et surtout le « téléversement du résultat de vote réel sous format d’un « code QR » et son « scanner de lecture favorisant la comptabilisation des informations des résultats » qui faciliterait la triche selon Shekomba qui en fait une démonstration physique.
Le QR code et la tricherie de la machine à voter pic.twitter.com/hkbklm1QIi
— Nouveau CONGO RDC (@NouveauRDC) 8 novembre 2018
Cette question du code QR et son impression faisait partie des 15 recommandations critiques de la Fondation Westminster pour la Démocratie (WFD) sur la Machine à voter en son point 4 : « Supprimer la fonction d’impression de code QR ». C’est aujourd’hui à la CENI et son président Corneille Nangaa de fournir des explications à la dénonciation de la supercherie avec la machine à voter.
#RDC: Le capot physique a été ouvert et le scanner de lecture QR code favorisant la comptabilisation des informations de tricherie été trouvé.
Voir sur la figure CIS (détecteur d’images )
La MAV est définitivement morte pic.twitter.com/BHbPwft0D1— Alain D. Shekomba (@Aldysheky) 7 novembre 2018
Les 15 recommandations
- désactiver les communications externes (carte Sim et Wifi) jusqu’au moment où celles-ci sont nécessaires ;
- recouvrir tous les ports externes (soit modifier les volets de production, soit boucher les ports USB exposés) ;
- Limiter le nombre maximum de bulletins par machine à 660 pour empêcher un excès de vote ;
- Supprimer la fonction d’impression de code QR ;
- Veiller à ce que les bulletins de vote insérés de façon incorrecte ne produisent pas de vote manuel invalide ;
- Limiter les données sur l’UBB à l’échelon provincial ;
- Réviser le processus de confirmation du code pour éliminer la fonction permettant d’enregistrer de vote lorsque l’électeur touche la photo du candidat ;
- Elaborer et diffuser les directives procédurales claires concernant le rôle des machines à voter, en plus de protocole concernant leur maniement, configuration et administration ;
- Réexaminer le processus de distribution pour réduire la période de temps pendant laquelle la machine est sous la garde du personnel du bureau de vote ;
- Inviter les représentants des partis politiques et observateurs au centre de distribution ;
- Impliquer les témoins des partis politiques et les observateurs dans le contrôle préalable ;
- Préparer des plans opérationnels détaillés pour remplacer les matériels et les disques externes ;
- Organiser les simulations pour permettre aux personnels des bureaux de vote d’acquérir de l’expérience dans l’utilisation des machines ;
- Se préparer aux files d’attente et s’engager à laisser voter les électeurs encore dans la file d’attente à la clôture du scrutin ;
- Créer un fichier log distinct pour permettre un audit.
Lire aussi : RDC : Alain Daniel Shekomba, « Techniquement, La Tricherie Informatique Est Imparable » https://www.afriwave.com/2018/11/06/rdc-alain-daniel-shekomba-techniquement-la-tricherie-informatique-est-imparable/
Le nouvel Archevêque de Kinshasa s’en mêle
La question de la machine à voter et les conséquences qui peuvent en découler au lendemain du 23 décembre 2018 n’ont pas laissé indifférent le nouvel Archevêque métropolitain de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo Besungu dans une interview accordée à Radio France Internationale (RFI).
Pour lui, « Il ne faudrait pas que le processus électoral et les divisions politiques puissent diviser le peuple de Dieu qui est dans l’archidiocèse de Kinshasa. La question de la machine à voter risque ou bien de bloquer la tenue de ces élections, ou bien on tient les élections, mais le résultat ne sera pas accepté par les autres. Et notre intervention auprès de la SADC, tout comme nous le faisons auprès de la classe politique du Congo, c’est que cette question de la machine à voter soit traitée par la tripartite -la majorité, l’opposition, la CENI ; pour qu’on puisse trouver un consensus, mais que ça ne devienne pas un obstacle pour la tenue des élections ».
L’homme fort de l’Eglise catholique dans la capitale ne croit pas non plus aux explications de la CENI quant au temps de passage prévu d’une minute par électeur devant cette machine à voter : « Pour nous, c’est très difficile à croire. Tous ceux qui ont eu affaire avec cette machine estiment qu’une minute, c’est trop peu. D’autant plus qu’il s’agit de trois élections couplées. Mais nous constatons que les uns et les autres s’obstinent dans leur position. Cela n’évolue pas, malheureusement. Mais s’il y avait vraiment de la bonne volonté de la part de la classe politique au Congo, je crois qu’on aurait déjà trouvé une solution intermédiaire. Par l’exemple, pour l’élection présidentielle où il n’y a pas trop de candidats, on pourrait utiliser le papier. Et pour les autres élections, on pourrait utiliser la machine parce que là, il y a trop de candidats. Cela pourrait être une solution intermédiaire. Mais il faut encore qu’il y ait la volonté politique, avec l’intention de trouver un compromis ».
Des électeurs aux « empreintes digitales incomplètes ou sans », le prélat estime que cela demeure « inquiétant du fait qu’avec 6 millions, si vous prenez rien que ça, ça peut changer les résultats des élections. Tout ça doit être clarifié avant la tenue des élections pour créer un climat de confiance ».
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi