C’est une réelle crise politique sur fond de marasme économique qui couve au sommet de l’Etat. Le MPLA parti au pouvoir aujourd’hui divisé se prépare à affronter une éventuelle motion de censure au parlement contre le gouvernement João Lourenço.
Les récentes déclarations de l’ex-président angolais José Eduardo dos Santos sur les 15 milliards de dollars de réserves monétaires disparus de l’actif de la comptabilité de l’État ont créé une véritable panique dans les cercles politique et diplomatique à Luanda.
Le bloc parlementaire de l’opposition conduit par l’Unita de Isaias Samakuva se préparerait à déposer une motion au parlement dans le but de confronter l’actuel chef de L’État, João Lourenço et l’ancien président José Eduardo dos Santos. Et ce, pour faire la lumière sur ce que certains milieux politiques et diplomatiques qualifient déjà d’« Angolagate », les partis politiques Casa-Ce et Prs soutenant la démarche de l’Unita.
A moins d’un revirement de dernière minute, le mois de décembre risque d’être le mois de tous les périls pour Lourenço qui réfute catégoriquement toute éventualité d’une crise politique en gestation. Pourtant, José Eduardo dos Santos en a très bien dressé les décors.
Depuis le retour du président de la République, ce dimanche, de son voyage au Portugal ; on sent une agitation au sein du parti présidentiel. A la Grand Place Primeiro de Maio, siège du MPLA, les bouches refusent de parler ouvertement. Le parti au pouvoir voudrait bien se resserrer les coudes autour de son président João Lourenço avec tout le bon zèle mobilisateur de sa vice-présidente Luiza Damião et ainsi combattre « les guêpes » ; une expression désormais utilisé par João Lourenço et son camp pour parler de José Eduardo dos Santos.
Les guêpes ! Indiscutablement, le président est bel et bien tombé dans un guêpier. Des conversations dans les salons feutrés de Kinaxixi, Miramar et Talatona, on n’attend du même MPLA un discours qui soutiendrait une motion de censure de l’opposition au parlement dans le seul but de faire basculer l’actuel locataire de la Cidade Alta, le palais présidentiel.
Il faut néanmoins comprendre que dans le système politique angolais, les députés ne sont élus au suffrage universel direct. Ils sont désignés au parlement par le président élu qui établit selon sa volonté la liste de ses lieutenants pour siéger à l’hémicycle.
Le grand danger pour João Lourenço demeurant que tous les députés MPLA actuels ont été choisis par José Eduardo dos Santos tout comme João Lourenço lui-même. Cette majorité MPLA de façade au parlement est en réalité une majorité José Eduardo dos Santos qui est parti mais reste encore très présent et agissant au parlement.
L’actuel président de l’assemblée nationale Fernando da Piedade dos Santos, proche et fidèle de Jose Eduardo est resté comme une espèce rare en voie de disparition. Si jusqu’ici Lourenço n’arrive pas à le descendre siège du perchoir c’est parce que, avant de quitter le pouvoir José Eduardo a eu la sagesse de faire signer au parlement un décret qui protège l’actuel président de l’Assemblée nationale. Ce décret oblige le chef de L’État et président du MPLA à maintenir le président de l’assemblée nationale jusqu’à la fin du mandat présidentiel.
Ce décret consacrant l’inamovibilité de Fernando da Piedade dos Santos apparaît aujourd’hui comme une véritable borne de contrôle que José Eduardo dos Santos a placé pour contenir une autosuffisance présupposé de l’actuel chef de l’Etat.
Aujourd’hui, l’avenir politique de João Lourenço est entre les mains de Nando. C’est ainsi qu’on appelle l’actuel président de Assemblée Nationale. Si José Eduardo dos Santos qui considère déjà que son poulain l’a trahi bien qu’il ne le soutienne pas ouvertement, les fils et proches de l’ex-président n’hésitent pas à qualifier l’actuel chef de L’État angolais « d’ingrat ».
En politique, le pardon n’a pas de place
La sortie médiatisée de Zé Dû (surnom de Dos Santos) prouve qu’il est décidé à coincer le dauphin indocile dans les cordes jusqu’à l’étouffement. « Lourenço est bel et bien pris dans son propre piège », soutient un proche de l’ancien Président.
Avec à l’intérieur du pays, une impopularité accrue face à des mesures socio-économiques mal conçues et mal appliquées ; à l’extérieur une diplomatie qui a du mal à convaincre les bailleurs de fonds et autres investisseurs à soutenir son action, João Lourenço risque d’entamer un véritable chemin de Calvaire l’an prochain.
Pedro da Conceição