Son choix n’est ni anodin, encore énigmatique. Un journal belge en l’occurrence Le Soir pour une interview fleuve. Joseph Kabila avare en propos et sur conseils de son proche ami Albert Yuma, PDG de la Gécamines ; a trouvé son occasion de « taper » sur la Belgique, l’Europe et la communauté internationale en générale.
De ses réponses aussi claires que l’eau de source, on découvre combien le régime actuel n’est pas prêt de faciliter « l’alternance pacifique du pouvoir » malgré le « simulacre » d’élections en vue. Pourtant, la modestie et l’occasion auraient été propices pour lui de faire « les bilans » de l’heure AFDL (4ans) dont il a hérité du pouvoir et son propre règne de 2001 à 2018 soit 15 ans (deux mandats) + 2 ans de bonus gratuit pour n’avoir pas organisé à temps les élections depuis 2016).
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Décryptage d’un entretien
A trois semaine de la présidentielle à laquelle il n’est pas candidat, Kabila passe à une offensive généralisée contre ses opposants « infantilisés » par l’étranger pour du « chocolat » à Genval et à Genève, les bonnes piques réservées à la Belgique et à l’Union Européenne.
Contre la Belgique qu’il considère « interventionniste dans les affaires du Congo », il parle « d’humiliation du peuple congolais à travers ses dirigeants » et que cela ne passera plus : « Le problème avec les Belges, c’est ce que j’appelle l’état d’esprit. Il y a des gens qui, en Belgique, croient que le Congo est encore une colonie, que les Belges doivent toujours avoir de l’ascendant sur les Congolais. Cela fonctionnait peut-être avec nos pères – qui ne sont plus là – mais avec nous, les enfants de ceux qui ont combattu le colonialisme dans ce pays, c’est inadmissible, cela ne marche pas. Le peuple congolais n’acceptera jamais. Certes, les Belges peuvent recruter dix, vingt Congolais pour qu’ils soient leurs pions, mais ils n’auront pas le soutien des autres. Vous me donnez l’occasion de le dire: ce qui ne va pas avec les Belges, c’est ce que j’appelle une certaine animosité vis-à-vis de notre peuple, cette tendance qu’ils ont d’humilier le peuple congolais à travers ses dirigeants. Et cela, nous ne l’accepterons plus jamais. Qu’est-ce qui nous divise avec la Belgique? Je considère que nous sommes des hommes libres, que le Congo est un pays indépendant et que nous n’avons pas de comptes à rendre à un ministre des Affaires étrangères qui se trouve en Belgique».
Une manière somme toute pour lui de réaffirmer ce qu’il croit être l’indépendance et la souveraineté de son pays. Kabila allant jusqu’à rappeler même un « incident » avec l’ancien ministre belge des affaires Etrangères aujourd’hui Député européen, le flamand Karel De Gucht : « Lorsque Karel De Gucht est venu ici, je lui ai dit que je considérais que, sur le plan politique, il était finalement un petit raciste. Et moi, je n’aime pas les racistes. D’accord, de tels propos n’étaient pas diplomatiques mais c’était la vérité… ».
De la Maison Schengen toujours fermée, Kabila espère une solution à court terme mais avec une exigence de dignité et de respect : « Ils (Congolais NDLR) peuvent aussi aller ailleurs dans le monde, il y a plus de 150 pays où ils pourraient aller. Il y a un prix à payer pour tout, y compris pour la dignité. De toute façon, je ne crois pas que cette situation va durer. Il faudra trouver une solution, qui soit en faveur du respect, envers nos deux peuples. Entre le peuple belge et le peuple congolais, il ne peut pas y avoir de problème ».
Sa colère l’est aussi vis-à-vis de l’Union Européenne et ses sanctions contre les dignitaires du régime dont son dauphin Emmanuel Ramazani Shadary : « Si Shadary est élu, il sera le président de la RDC, en Belgique, il ne possède rien. Certains ont regretté que les individus visés n’aient pas eu l’occasion de se défendre. Moi, je demande pourquoi nous devrions aller nous justifier. Ces sanctions sont tout à fait illégales, injustes, arbitraires, orientées politiquement. Quelques pays d’Europe ne peuvent s’arroger le droit de nous sanctionner ainsi. Dans quel monde vivons-nous, où ceux qui ont la force ou croient l’avoir peuvent s’arroger un tel droit ? Moi, je fais pleinement confiance à tous ceux qui ont été sanctionnés, et surtout les officiers; je sais qu’ils défendent l’état de droit. On me dit que si tout se passe bien lors des élections, les sanctions pourraient être levées. Mais moi je m’en fous. Pour les élections, tout va très bien se passer, et cela ne dépendra pas des sanctions. Ce seront les meilleures élections que ce pays aura connues depuis 1959. Je crois que nous aurons été du bon côté de l’histoire. Le Congo ne sera jamais à genoux, il sera toujours debout ».
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Quel avenir pour lui ?
Dans son accoutrement vert-olive rappelant l’armée dont il ne s’en cache pas la proximité pour ne pas dire la connivence et pour ceux qui pouvaient en douter encore, l’homme bientôt à la retraite obligé n’a pas caché ses ambitions, encore moins ses intentions les plus proches : « Mon ADN ? Je ne dirais pas (Armée NDLR). J’ai beaucoup de camarades qui sont devenus aujourd’hui de très bons officiers et je les encourage à continuer à encadrer les jeunes en formation. Evidemment, en cas de besoin, je suis dans ce qu’on appelle la réserve…La retraite, non, j’ai bien dit la réserve. En cas de besoin, on peut toujours faire appel à nous, à moi, pour servir la nation ».
Il est clair que celui qui se considère comme un « gentleman farmer » et qui conseille aux congolais d’en « faire autant » n’est pas prêt à retourner à la terre dans ses fermes de Kingakati dans la périphérie de Kinshasa ou du Katanga comme il le clame.
Cultivant l’ambivalence et l’ambiguïté dont on le connait, sûr de lui Kabila dégaine sur son après le 23 décembre lorsqu’il ne sera plus chef de l’Etat : « En tout cas, je ne songe pas à aller en vacances aux Bahamas, ni même en Espagne, à Dubaï ou ailleurs. Ce que je pense faire? J’avoue que je ne me suis pas encore posé la question. Blague à part: je resterai certainement dans mon pays, où je vais m’occuper de beaucoup de choses ».
S’adressant à son « potentiel » successeur quel qu’il sera après le 23 décembre 2018 à qu’il voudrait « bien donner ses conseils » s’il les sollicitait, Kabila comme dans un message subliminal parlent enfin de ces congolais du dehors ; ces grands absents des moments clés du pays pour sa reconstruction : « Cela dépend. S’il a besoin de mes conseils, je serai toujours là, volontiers. Mon successeur, quel qu’il soit, aura non seulement besoin de l’ancien président, mais surtout besoin de dignité. Besoin de la participation des 80 millions de Congolais au pays et de tous ceux qui sont dans la diaspora, afin d’aller de l’avant dans la reconstruction du Congo… C’est un devoir patriotique, à ceux qui, depuis l’étranger, nous critiquent, je leur dis de revenir, d’investir au Congo, de créer des entreprises. Je lance un appel à la diaspora…».
A 48 ans alors qu’il avait pris le pouvoir à 28, s’il a lui-même changé physiquement ; l’homme Kabila « regrette » de n’avoir jamais changé « l’homme congolais » qui est demeuré frondeur : « Quand on est arrivé ici avec Laurent-Désiré Kabila, notre désir, c’était de transformer le Congo. De changer l’homme, sa façon de voir. Le Zaïre est devenu la RDC mais, au niveau de la mentalité, on a connu quelques difficultés. L’essentiel, c’est que la société ne nous a pas transformés, nous… ». Il estime que « les mensonges » contre lui font partie de « toute une stratégie de communication et mis en place pour l’abattre ».
Pourtant les années AFDL comme celles de Kabila ont été d’un certain échec, le pays se retrouvant dans le fond de tous les indices de bonne gouvernance comme du respect des droits humains. Malgré le boum minier, les richesses acquises n’auront servi qu’à enrichir une certaine catégorie d’oligarchie politique au détriment de la majorité du peuple laissée à bord du chemin; la corruption et les détournements des deniers publics n’ayant jamais été éradiques. La révolution de la modernité promise étant plus du domaine de chimère que de la réalité du quotidien.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi
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