PAR ROGER DIKU
Il aura eu 86 ans ce 14 décembre 2018, pourtant il est décédé depuis deux ans déjà le 1er février 2017 à Bruxelles, officiellement d’une « embolie pulmonaire ». Ses funérailles n’ont toujours pas eu lieu faute de consensus entre sa famille et le régime de Kinshasa sur ce que devraient l’organisation et la tenue des obsèques.
Hier vendredi 14 décembre 2018 à l’occasion de cet anniversaire, sa veuve Marthe Kasalu, ses enfants et petits-enfants ainsi que la grande la famille; dans leur douleur se sont une fois de plus rendus auprès de son corps toujours conservé dans ce funérarium de la commune d’Ixelles en région bruxelloise.
Alors que la loi ne permet pas la conservation d’un corps au-delà d’un X-temps, c’est une dérogation spéciale des autorités belges qui autorise que sa dépouille soit encore conservée dans ce funérarium sans être inhumée, espérant toujours un déblocage de la situation du côté du régime de Kinshasa.
« Prenez-vous en Charge », a été son dernier « testament politique » au peuple congolais après plus des 40 de combat politique contre les régimes de Mobutu et des Kabila. Il en appelait ainsi à la « résistance »du peuple face à la « renaissance » d’une nouvelle dictature incarnée par Joseph Kabila qu’il considérait dans la lignée droite de Mobutu.
Que l’on aime ou pas l’homme qu’il fut, il a néanmoins marqué son époque ainsi que des générations des jeunes et vieux politiques se réclamant aujourd’hui membres du régime comme de l’opposition.
Même s’il n’aura jamais pris le pouvoir pour lequel ils’était investi parfois au détriment de sa santé devenue précaire vu son âge avancée, c’est celle qui l’a accompagné jusqu’à son dernier jour, sa veuve Maman Marthe qui en témoignait en février 1994 au journal UMOJA à l’occasion de l’un des anniversaires de leur mariage. Confiante en l’avenir de son pays et en « l’étoile » de son mari leader et symbole de l’opposition politique du Congo, elle disait : « J’ai compris et pénétré, dans le courant de la lutte, le sens du combat d’Etienne ; j’aime ce combat que je fais mien. Mais je m’en remets à Dieu jusqu’à la liberté totale de notre Peuple ; je n’en veux à personne et je n’ai de haine envers quiconque. Le combat d’Etienne est une lutte pour la démocratie, pour l’avènement d’une ère de bonheur pour tous et pour chacun. Notre foi en Dieu devra nous permettre de triompher de toutes les adversités ».
Ces propos font partie des bonnes feuilles de mon livre à paraître bientôt :Congo-Zaïre 24 avril 1990 – 17 mai 1997 L’INSAISISSABLE DÉMOCRATIE Périls d’une Transition ; le pays traversant des moments incertains à la veille des élections dont les germes de la contestation ont étés plantés dès le départ au risque de le faire imploser.
Quelques pages choisies sur Etienne Tshisekedi :
LE CREDO DE TSHISEKEDI
Bien de gens de l’intérieur comme de l’extérieur du Congo-Zaïre se demande aujourd’hui encore ce qui attache le Peuple congolais à Etienne Tshisekedi wa Mulumba. La popularité de cet homme et l’engagement des masses derrière lui tiennent de la force du symbole que représente à leurs yeux, la lutte menée parle leader de l’UDPS et ses compagnons contre Mobutu et son clan.
Le chef de file de l’opposition radicale est l’un des rares politiciens demeurés constants dans sa position face à Mobutu au point de paraître radical. Il s’opposera à Mobutu et à toutes les tentatives de gouverner en dehors d’un cadre juridique qui régisse le pays et détermine la bonne gouvernance.
Pendant plus de quinze ans de lutte politique contre Mobutu dont dix dans la clandestinité, son raisonnement était resté le même : Mobutu est la cause de tous les maux dont souffre le Zaïre, son départ de Mobutu des affaires de l’État était la seule issue pour une réelle démocratisation au Congo Zaïre.Considéré à juste titre comme le plus coriace et le plus irréductible des opposants à Mobutu, ce sexagénaire est né un certain 14 décembre 1932 à Luluabourg (actuel Kananga)dans la province du Kasaï Occidental. Il est le premier Docteur congolais en Droit sans thèse, sorti de l’Université Lovanium (actuellement Université de Kinshasa) en 1961 à Léopoldville (Kinshasa).
Collaborateur de Mobutu. A l’instar de tous les politiciens en vue durant la longue transition comme aujourd’hui, Tshisekedi a collaboré avec Mobutu, d’abord en qualité de Commissaire général adjoint à la Justice dans le gouvernement dit des Commissaires Généraux du 14 septembre 1960 lorsque Mobutu avait neutralisé le gouvernement illégal de Joseph Iléo que le président Joseph Kasa Vubu venait de nommer premier ministre en remplacement de celui légal du Premier ministre Lumumba.
Ensuite,dans les gouvernements successifs issus du coup d’État du 24 novembre 1965 en qualité de : ministre de l’Intérieur et des Affaires Coutumières, ministre de la Justice, ensuite du Plan, puis de la Recherche Scientifique avant des’occuper de l’Aménagement du Territoire pour finir au Ministère de la Coordination et de la Planification. Leur longue collaboration parfois qualifiée de « complicité » s’achèvera dans la diplomatie à l’Ambassade du Zaïre au Maroc en août 1969.
Son élection au poste de Premier ministre par la CNS était parmi les actes les plus importants de la tenue des assises de ce forum national. Elle concrétisait les espoirs d’une transition vers des jours meilleurs tant attendus par l’ensemble du peuple congolais. Comme suite logique à cette élection, Tshisekedi paraissait comme le seul homme capable de poursuivre sur la voie de la démocratisation et de poser des actes susceptibles de ramener la coopération internationale dont le pays avait tant besoin pour redécoller.
Nommé une première fois à ce même poste le 22 juillet 1991, il jugera bonde décliner l’offre, autant à cause de la procédure de nomination que contrainte par la pression de la rue (la base de son parti l’UDPS). Il sera nommé une deuxième fois le 28 septembre de la même année après la mutinerie de l’armée (23 et 24 septembre 1991)suivant les Accords dits du Palais de Marbre 1.
Mais, pour avoir biffé sur l’acte de nomination, la mention « le Président de la République garant de la Constitution et de l’unité nationale« ,il sera révoqué quelques jours plus tard. Cette révocation constituait en fait une violation flagrante desdits accords. Mobutu ne pouvait pas révoquer Tshisekedi unilatéralement, celui-ci ayant été désigné par consensus à l’issu du conclave des partis politiques tenu au Centre Catholique Nganda de Kinshasa dans la commune de Kintambo.
Conformément aux accords passés entre les protagonistes politiques, Mobutu aurait dû reprendre le chemin du Palais de Marbre et négocier soit le maintien de Tshisekedi, soit sa révocation, avec l’Union sacrée. En renouvelant sa confiance à Tshisekedi le 21 octobre 1991, le comité de crise de la plate-forme de l’opposition radicale désavouait la décision présidentielle et refusait de se plier au diktat de Mobutu. La décision du comité de crise sera entérinée le 22 octobre par l’assemblée générale tenue à la résidence de Joseph Iléo N’Songo Amba, président du PDSC, avec la participation de tous les « bonzes » de l’Union sacrée.
Lors de la première nomination refusée, Tshisekedi avait été appelé dans le souci d’une décrispation politique en vue de poursuivre le processus démocratique et le redressement de l’économie du pays dans la paix, l’unité et la concorde, avait annoncé Mobutu. Mais pour la plate-forme de l’opposition radicale qui venait de terminer son premier conclave à l’issue de trois jours(16, 17 et 18 juillet 1991) de débats en la Salle du Zoo, il n’était pas question de participer à un quelconque gouvernement non issu de la Conférence nationale.
Le mois d’août 1993 lui donnera une nouvelle dimension : sa désignation comme Chef de file de toute l’opposition réunie : Union sacrée de l’opposition radicale (USOR), Front Uni de l’opposition (FUO), Collectif Progressiste (CP)de Lambert Mende Omalanga, l’AFICI de Joseph Nsinga Udjuu, l’Union Sacrée Libérale de Jean Nguz, les Forces combattantes, les Indépendants et le Cartel des 18.
Ce choix consacrait également la constance dans la lutte contre la dictature,le respect des valeurs démocratiques ainsi que le crédit dont il jouissait auprès de la population nationale. L’opposition, toutes tendances confondues reconnaissait ainsi en Etienne Tshisekedi le seul leader capable de guider la lutte de tous pour venir à bout de Mobutu. Avec cette « désignation nomination » par ses pairs, on pensait la lutte pour le leadership politique finie entre les factions en présence.
D’ailleurs, Mobutu lui-même n’avait-il pas déjà reconnu le charisme deTshisekedi lorsqu’il l’avait appelé à la Primature dans le souci de décrisper la situation politique et redresser, dans la paix, l’économie du pays. Etienne Tshisekedi incarne tout cela.
Dans le cadre d’un reportage, il m’avait été donné de rencontrer Tshisekedi, un personnage considéré énigmatique, unique en son genre devenu un « mythe vivant » pour ses concitoyens. Le mardi 17 septembre 1991 soit sept jours avant les pillages de l’armée de Mobutu (23 et24 septembre), pour le compte du journal UMOJA je suis admis à l’entretien exclusif qu’il accordait après un long silence à la presse étrangère. Ils’agissait en l’occurrence, du correspondant de l’Agence Internationale de Télévision (AITV), filiale de Radio France d’Outre-mer -RFO-, le confrère Tharcisse-Henri Kasongo Mwema Y’Ambayamba.
Avec son franc parlé légendaire, le leader de l’UDPS donnait son point de vue sur le début des travaux de la CNS, sur ses relations avec Mobutu et sur le prochain gouvernement d’union nationale dont toute la ville parlait déjà. J’aurai l’opportunité de vérifier que non seulement l’homme restait pugnace, mais qu’il n’avait pas que des affabilités à l’endroit de Mobutu :« Un démocrate non contrôlé peut glisser vers la dictature, mais un dictateur ne deviendra jamais démocrate. Mobutu ne changera jamais, il continuera à semer la confusion dans l’esprit du peuple ; son départ reste une nécessité pour sauver la démocratie…Sa seule réussite dans ce pays demeure la corruption et la terreur pour empêcher la vérité de s’exprimer avec spontanéité» déclarait-il à la presse quelques jours auparavant.
Tshisekedi n’avait jamais caché ses sentiments vis-à-vis de Mobutu qu’il considérait comme le véritable fossoyeur du pays. Mais il avait aussi une opinion claire de ce qu’est et doit être un démocrate. C’est en des termes crus qu’il dépeint son vieil adversaire qualifié de « monstre à visage humain, sans ami, ni dans sa propre famille ni auprès de ses propres enfants ».
Même ton de discours radical de la part de son épouse Marthe Kasalu. Celle que dans l’opposition et la population entières, tout le monde à Kinshasa comme dans le reste du pays appelle « affectueusement » maman Marthe, épouse du leader de l’UDPS depuis plus de 50 ans. Cette femme de caractère toujours souriante en a enduré dans les années de plomb sous Mobutu lorsque son mari était souvent arrêté et relégué dans les prisons de l’intérieur du pays. Notre première rencontre s’effectuera dans des circonstances particulières. Le lundi 20 octobre 1991 devant les portes scellées de la Primature, elle me déclarait : « un menteur n’est pas digne de se dire chef de l’État ».
Cette boutade s’adressait à Mobutu qui la veille -soit le dimanche 19 octobre 1991- haranguant ses « ouailles » du MPR à N’Sele, affirmait que la famille Tshisekedi (Marthe et les enfants) avait fui en Belgique via le Congo Brazzaville pendant que son mari, le leader de l’opposition (Tshisekedi), appelait les enfants des autres à descendre dans la rue pour le soutenir dans sa lutte pour la reconquête du pouvoir.
Vérification faite, à l’exception de leur belle-fille Blanchette Kibassa et sa fillette rentrées en Belgique où elles sont résidentes, la famille Tshisekedi ou ce qu’il en restait à Kinshasa avait passé un gai matin dominical dans leur maison de Limete et non à Bruxelles comme l’affirmait, pinces sans rire, Mobutu aux membres de son parti, en présence des caméras de la télévision nationale.
Les renseignements, vrais ou faux, ont fait le lit du pouvoir de Mobutu. Levé aux premières heures du matin, ce n’était ni à la radio, ni la télévision,ni même le journal qui faisaient le réveil de Mobutu ; c’était les BI (Bulletins d’Informations), ces rapports des renseignements glanés durant toute la nuit aux quatre coins du pays et de la capitale que Mobutu écoutait en premier, présenté par ceux qui tour à tour, avaient dirigé les services des renseignements : Seti Yale, Mokolo Wa Mpombo, Atundu Liongo, N’Gbanda Nzambo,…
Munis de ces renseignements, Mobutu -qui se disait « bien organisé »- pouvait passer des heures à échafauder des plans pour infiltrer ses ennemis politiques, opposer entre eux ses collaborateurs, médire ses adversaires,décider du sort du pays et sécuriser son pouvoir. C’est sur base de l’un de ses faux renseignements qu’il s’était dépêché de réunir ses « ouailles »pour vilipender, en ce dimanche 19 octobre 1991, Etienne Tshisekedi et sa famille. Mais bien mal l’en prit car l’épouse de Tshisekedi allait à son tour contre attaquait.
S’étant rendue de bon matin à la radiotélévision nationale, où une fin de non-recevoir lui avait été réservée alors qu’elle entendait exercer son droit de réponse à Mobutu, elle avait alors rejoint les nombreux sympathisants venus spontanément devant les bureaux de la Primature fermés et assiégés militairement, soutenir son mari limogé quelques jours auparavant de son poste de Premier ministre.
Et Marthe Kasalu de poursuivre à l’endroit du président pris en flagrant délit de mensonge : « le peuple peut aujourd’hui juger qui de ma famille et de Mobutu a dit la vérité. Je suis ici présente à côté de vous et non en fuite en Europe comme le prétend le dictateur ». C’est sur ces entrefaites et sous un soleil accablant, que j’eus à effectuer la course de fond de ma vie.
Comme si cette phrase était le signal attendu, les militaires se sont mis à tirer dans tous les sens. Les balles sifflaient au-dessus de ma tête. J’ai été me réfugier, en compagnie de mon confrère Emmanuel Murhula Amisi Nashi du journal « Temps Nouveaux » dans la sacristie de l’église du Sacré Cœur, après avoir escaladé les grillages d’enceinte de l’ISP-Gombe. Le nombre de babouches, chaussures, chemises,pagnes et autres biens abandonnés par les fuyards témoignait de la violence avec laquelle la DSP et la Garde civile commandée par le « Généralissime » Baramoto Kpama avaient conduit la dispersion des sympathisants du Premier ministre déchu.
Confiante en l’avenir de son pays et en « l’étoile » de son mari leader et symbole de l’opposition politique du Congo, elle devrait déclarer en février 1994 au journal UMOJA à l’occasion de l’un des anniversaires de leur mariage: « J’ai compris et pénétré, dans le courant de la lutte, le sens du combat d’Etienne ; j’aime ce combat que je fais mien. Mais je m’en remets à Dieu jusqu’à la liberté totale de notre Peuple ; je n’en veux à personne et je n’ai de haine envers quiconque. Le combat d’Etienne est une lutte pour la démocratie, pour l’avènement d’une ère de bonheur pour tous et pour chacun.Notre foi en Dieu devra nous permettre de triompher de toutes les adversités».
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