PAR PROSPER BAGONDO
Jusque-là chassé par la porte, le vote électronique revient par la fenêtre à la faveur des derniers incidents survenus autour de la logistique du scrutin. Et si la grande manipulation était en marche.
Pour crédibiliser la présidentielle, les autorités de Kinshasa semblent incroyablement bien servies par les circonstances. Celles-ci leur ont permis, avec le concours des institutions en place, de non seulement reporter d’une semaine le scrutin mais aussi de permettre de nouveau le vote électronique, le redéploiement des machines à voter parallèlement aux dispositions pour faire face à d’éventuels troubles post-électoraux.
Des reports ciblés bien troublants
A priori, cette fois-ci sera la bonne. Compte tenu de la pression intense qui s’exerce sur ses épaules, Joseph Kabila et son régime n’ont de toute façon plus le choix. Après avoir été reportées à trois reprises (le 24 novembre 2016, le 23 décembre 2017, le 23 décembre 2018), les élections en RDC devraient bel et bien avoir lieu ce dimanche 30 décembre, sauf que…
Sauf qu’en vertu de la décision n° 055 de la Ceni du 26 décembre, le pouvoir a décidé, sous prétexte du redéploiement des machines à voter, de reporter l’organisation du scrutin au mois de mars prochain sur les portions du territoire qui lui sont défavorables. Ce sera le cas notamment à Beni et Butembo (Nord-Kivu) où le pouvoir tire argument d’Ebola et de l’insécurité ou encore à Yumbi (Maï-Ndombe).
Mais, selon les observateurs, il ne pourrait s’agir là que de l’arbre qui cache la forêt, le scrutin pouvant également ne pas être organisé ou bien, sur un mode mineur, sur une très large portion du territoire. Ce serait en particulier le cas dans certains quartiers de Kinshasa (Masina, Ndjili, la Tshangu), mais aussi à Lubumbashi dans le Haut-Katanga et à Moba dans le Tanganyika dans l’est du pays, ainsi que dans l’ouest (l’Équateur et le Bandundu notamment).
Point commun entre tous ces endroits : il s’agit de bastions électoraux de Martin Fayulu, le candidat de la coalition Lamuka, soutenu par les deux poids lourds Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. À l’inverse, le régime de Kinshasa entendrait renforcer la présence, réelle ou fictive, de la machine à voter, comme à Manono dans le Tanganyika, fief de Zoé Kabila, le jeune frère du président, où dans le Lualaba ou le Haut-Lomami où Martin Fayulu a été empêché de se rendre. Autant d’éléments qui montrent que les élections s’annoncent chaotiques.
Une inquiétante opacité autour du vote et de la transmission électronique des données
« Pire qu’en 2006 et qu’en 2011 », s’inquiète le sherpa d’un chef d’État de la sous-région. En cause notamment le vote électronique auquel Kinshasa n’a pas renoncé, malgré les déclarations ambiguës du président de la Ceni, Corneille Naanga, à ce sujet.
La transmission des données (comprendre des résultats du vote) se fera en effet de manière électronique, en violation de la loi électorale congolaise qui dispose que seuls les bulletins papier font foi pour les présentes élections. La consigne a d’ailleurs été transmise cette semaine à tous les agents de la Ceni formés à la hâte sur le terrain. « Il n’y a de toute façon pas le choix », confirme l’un d’entre eux. En effet, « pour pouvoir fermer les machines à voter à l’issue du vote, il faut cliquer sur l’application qui s’affiche : transférer les données. Sinon, la machine ne se ferme pas », explique-t-il.
Pour pouvoir assurer cette transmission électronique des données, toutes les machines à voter seront équipées d’une carte SIM permettant l’accès à la 3G. Une aubaine pour le pouvoir. Il sera en effet impossible de contrôler ces données électroniques. En outre, les bulletins papier qui pourraient servir a posteriori en cas de contestation, seront, comme c’est souvent le cas, susceptibles d’être opportunément perdus, substitués à d’autres, etc.
Seule une petite partie du corps électoral pourra effectivement voter
Au vote électronique, le régime de Kinshasa ajoute un autre stratagème pour crédibiliser la victoire de son candidat : le redéploiement des machines à voter sur le territoire décidé après l’incendie jugé suspect d’un entrepôt de la Ceni le 13 décembre dernier à Kinshasa (qui contenait selon les autorités 8 000 machines, mais aucune selon d’autres sources…). Initialement, 105 000 étaient prévues pour assurer le scrutin. Mais seule une fraction, un tiers (37 000 environ), est effectivement arrivée en RDC. Et sur ce tiers, seule une petite proportion est effectivement opérationnelle, les autres étant inopérantes par manque de batterie, de bulletins papier, etc.
Militaires déployés sur l’ensemble du pays
Mais si crédibiliser l’improbable victoire d’Emmanuel Ramazani Shadary est nécessaire, cela s’avère insuffisant. Il faut également prévenir toute contestation. En effet, en dépit des précautions prises, le régime de Kinshasa sait pertinemment que celle-ci sera au rendez-vous. « Personne ne s’attend en effet à ce que les élections en RDC soient crédibles et transparentes », commente un spécialiste français. Un sentiment amplement partagé à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
Le pouvoir s’attend donc à des troubles post-électoraux. D’où le déploiement de militaires partout dans le pays, qui se double d’une permutation. Les forces armées de l’est sont en effet transférées à l’ouest pour éviter qu’elles ne fassent preuve de mollesse en raison des liens noués avec les populations, et inversement. Pour prévenir tout état d’âme, beaucoup d’entre eux sont de jeunes recrues, récemment formées, et provenant de milices rebelles telles que les bata katanga, les maï-maï et une partie du mouvement M23.
Tiercé gagnant
Enfin, pour limiter l’ampleur de la contestation, Kinshasa compte également jouer de la division, savamment entretenue par elle, de l’opposition. « Personne ici n’imagine que Shadary ne soit pas déclaré vainqueur. Joseph Kabila n’a pas fait autant d’efforts depuis plus de trois ans pour céder aussi facilement le pouvoir », commente un diplomate européen.
Si Shadary était déclaré vainqueur, Félix Tshisekedi serait, lui, désigné deuxième. Martin Fayulu, le candidat qui a rallié le plus de soutien populaire durant la campagne, serait quant à lui placé au troisième rang sur le podium. « C’est une manière de limiter la contestation. Kinshasa s’attend à ce que celle-ci soit moins forte si Fayulu n’est que troisième », croit savoir ce diplomate qui fut longtemps en poste à Kinshasa.
Reste que pour l’écrasante majorité des Congolais, scrutin crédible et transparent ne peut rimer qu’avec la victoire de Martin Fayulu, devant Félix Tshisekedi, Shadary pouvant au mieux-être troisième. Malheureusement, officiellement, il y a de forts risques qu’il en soit autrement. De quoi ouvrir une période de forte incertitude pour la RDC.
Article à lire sur : RDC : Pourquoi incidents et reports ne préparent que la victoire de Shadary [TRIBUNE] http://afrique.lepoint.fr/actualites/rdc-pourquoi-incidents-et-reports-ne-preparent-que-la-victoire-de-shadary-26-12-2018-2281933_2365.php?fbclid=IwAR3xUL9fv97RB6u9loeK-fsHLC0t–XgEO8G9Wzwknyf7GOH8vrBMIk69pE#xtor=CS2-1
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