Par Maitre Tshiswaka Masoka Hubert
Les chercheurs du Projet d’Application des Droits Civils et Politiques (PAD-CIPO) de l’IRDH sont vivement préoccupés par l’impact négatif des campagnes politiques sur la paix, la sécurité et la cohésion nationale de la République Démocratique du Congo (RDC). Ils désapprouvent l’entreprise des groupes internationaux de lobbying qui s’acharnent à se servir des faux résultats du scrutin présidentiel abusivement attribués à la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), pour pousser à la négation de l’élection dans ce pays. Comme conséquence, le peuple congolais est écartelé et en appelle au massacre.
1. BOMA YE! BOMA YE! MULUBA EEE (Tuez-le! Tuez-le ! Le Muluba)
A l’issue de l’adresse populaire de la Coalition LAMUKA de ce samedi 02 février 2019, des militants politiques, se sont mis à scander BOMA YE ! BOMA YE ! MULUBA EEE ! Ce qui veut dire massacrer le Muluba, présumé proche ou membre du groupe ethnique du Président TSHISEKEDI.
L’orateur du jour a considéré le Président TSHISEKEDI TSHILOMBO Felix comme voleur de sa victoire et a aiguillé ses partisans par l’analogie du « soutien de l’opinion publique internationale » à l’auto-proclamation du Président de l’Assemblée Nationale du Venezuela qui appelle le peuple au renversement du Président MADURO.
Les chercheurs de l’IRDH condamnent les appels au massacre des BALUBAS et considèrent cette mobilisation comme la conséquence logique d’une campagne conçue, soutenue et distillée dans la presse internationale par des bureaux de lobbying.
2. LA TRIBUNE DE MO IBRAHIM ET ALAN DOSS
Mo IBRAHIM et Alan DOSS ont cosigné, le premier février 2019, dans Le Monde, journal paraissant à Paris, l’article d’opinion intitulé : « Le résultat de la présidentielle en RDC est une défaite pour la démocratie ». Les deux auteurs disent :
« Les résultats compilés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), divulgués à la presse, confirment ceux de l’Eglise catholique, qui avait déployé 40 000 observateurs sur la totalité du territoire : ils montrent que Martin Fayulu, le candidat de la coalition de l’opposition, a remporté l’élection présidentielle […] Et pourtant, après une semaine de tergiversations et d’intenses négociations, la CENI a annoncé la victoire de Félix Tshisekedi. C’est une défaite pour la démocratie. »
Les chercheurs de l’IRDH qui ont travaillé sur le présent article avec des membres du Comité Laïc de Coordination (CLC) de Lubumbashi estiment que ces allégations ne sont ni vraies ni vérifiables.
Premièrement, la CENCO n’a jamais ni compilé ni publié des résultats de la présidentielle qui n’existent ni sur son site Internet, ni à travers ses lettres pastorales. Aucune paroisse de l’Eglise Catholique ne détient un tel document attribué abusivement à ses évêques. Par contre, il est vrai que sur base des rapports partiaux d’au moins 17.000 observateurs accrédités, la CENCO s’était constituée une opinion et une projection des résultats limités aux données ainsi collectées.
Deuxièmement, Mo IBRAHIM et Alan DOSS savent que la CENI n’a jamais été ni crédible ni indépendante. L’IRDH et d’autres membres de la société civile ont dénoncé un processus électoral chaotique, truffé d’irrégularités avant, pendant et après le scrutin du 30 décembre 2018.
Il est absurde de faire croire au monde que la CENI qui a produit des faux résultats octroyant la majorité absolue de l’Assemblée Nationale et des assemblées provinciales aux partis membres du Front commun pour le Congo (FCC) du Président KABILA, avait organisé des élections crédibles dont il faut réclamer la « vérité des urnes » du scrutin présidentiel. Comment, même des médias internationaux pensent faire croire aux africains que d’un faux processus, complètement opaque, volontairement tronqué par un pouvoir finissant, on obtiendrait des vrais résultats ?
Troisièmement, Monsieur FAYULU MADIDI Martin était l’un des candidats de l’opposition. Lui-même, sa coalition LAMUKA ainsi que tous les autres candidats s’étaient engagés à suivre, avec élégance, et ils ont suivi toutes les étapes du processus électoral, bien que décrié, notamment : (i) dépôt de candidature, (ii) campagne électorale, (iii) proclamation des résultats provisoires, (iv) soumission des contestations électorales à la Cour Constitutionnelle et (v) proclamation des résultats définitifs. C’est ici le lieu de rappeler que les Arrêts de la Cour constitutionnelle à laquelle Monsieur FAYULU s’était soumis, sont définitifs et ne sont pas susceptibles d’appel. La logique de la démarche exige qu’il en tire les conséquences qui s’imposent.
Au-delà des faits non vérifiables allégués par Mo IBRAHIM et Alan DOSS, les chercheurs de l’IRDH désapprouvent (i) le ton menaçant, (ii) le schéma préconçu vers une « transition politique crédible » et (iii) le fait même que le journal Le Monde ait publié une menace de guerre que les deux diplomates attribuent au peuple congolais. Ils disent :
« […] le peuple congolais risque de se tourner vers d’autres méthodes pour renverser l’insupportable statu quo qui fait que la grande majorité de la population piétine dans la pauvreté tandis qu’une poignée d’individus au sommet de l’Etat amasse des fortunes. Il y a déjà des bruits de bottes à l’est, qui a un lourd passé d’insurrection. Il y a là déjà des dizaines de groupes armés actifs qui pourraient être mobilisés […]
Entre-temps, il faut maintenir l’ensemble des sanctions en vigueur et suspendre toute extension de la coopération avec le gouvernement de la RDC jusqu’à l’émergence d’une transition crédible et respectueuse de la volonté démocratique ».
3. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS à Mo IBRAHIM et Alan DOSS
Messieurs Mo IBRAHIM et Alan DOSS, les chercheurs de l’IRDH désapprouvent l’usage des institutions de promotion des droits humains, la démocratie et l’Etat de droit à travers le monde, aux fins de :
i. Menacer des animateurs d’institutions politiques établis à l’épuisement de toutes les étapes du processus électoral suivi par tous les acteurs politiques, conformément à la Constitution de leur pays et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
ii. Attribuer abusivement aux partenaires de la société civile congolaise, des arguments non vérifiables ;
iii. Substituer l’opinion du peuple congolais par vos vues personnelles et projections de vos deux fondations sur l’Afrique, et ;
iv. Tracer une voie à suivre par le peuple congolais, dans la gestion de leur Etat souverain.
Les chercheurs de l’IRDH sont d’avis que le peuple congolais aspire à vivre normalement, dans la paix et la sécurité. Ils vous invitent à vous distancer de toute forme d’appel au recrutement des milices et ne pas attiser le feu, dans un pays ou la cohésion nationale est très fragile. La primauté de la recherche des solutions politiques à la gestion de la RDC devrait être laissée aux congolais eux-mêmes.
De ce qui précède, il y a lieu d’inviter les Fondation Mo IBRAHIM et Koffi ANNAN à soutenir le peuple congolais qui veut renforcer ses institutions politiques et se libérer des individus accusés notamment d’être : (i) commanditaires de la répression violente, (ii) auteurs des massacres des militants pro-démocratie, (iii) instructeurs des coupures intempestives de l’accès à l’Internet, (iv) auteurs des arrestations et détentions arbitraires des dirigeants de l’opposition, (v) meneurs du refus de l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre demandant la décrispation politique, (vi) auteurs des pillages des ressources du pays, (vii) fournisseurs d’armes aux multiples milices qui gangrènent le pays. [1]
[1] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/01/mo-ibrahim-le-resultat-de-la-presidentielle-en-rdc-est-une-defaite-pour-la-democratie_5417701_3212.html
Maitre Tshiswaka Masoka Hubert
Avocat au Barreau de Lubumbashi / Directeur General de l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH)
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