Le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi aura à prendre dans les semaines voire les mois à venir l’une de plus importantes et délicates décisions de son mandat : le choix et la nomination d’un Premier ministre. D’aucuns avancent que ce dernier lui sera imposé par le Front Commun pour le Congo (FCC). Cela n’est conforme ni à la lettre ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle congolaise.
Que dit la Constitution ? Selon, l’article 78, « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci ».
À l’issue des élections du 30 décembre 2018, aucun parti politique ni regroupement politique n’a obtenu la majorité absolue. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le FCC n’est pas un regroupement politique mais plutôt une plateforme électorale composée de plusieurs partis, regroupements politiques et individus.
Est-ce le président peut créer sa majorité parlementaire ou présidentielle ? C’est très possible. Cela dépendrait de son leadership, de son dynamisme et de sa souplesse politiques. Il peut le faire en incluant le FCC en tant qu’entité politique ou seulement certaines de ses composantes ainsi que d’autres partis ou regroupements politiques. Il faudrait noter que le fait de quitter le FCC ne fait pas perdre le mandat parlementaire, car il n’est ni un parti ni regroupement politiques (article 110 de la Constitution).
Prenons l’hypothèse où le FCC demeurerait discipliné et uni, se muerait en majorité parlementaire et imposerait un candidat Premier ministre. Le Président n’est pas tenu à respecter leur choix. La Constitution ne dit pas que c’est la majorité parlementaire qui désigne, mais le Président qui le fait au sein de cette majorité. Si le Président est faible, il cédera. Avec cela, il se livrera mains et pieds liés au FCC et hypothéquera en même temps tout son mandat.
Car, en effet, il ne pourrait plus dissoudre le parlement. En fait, pour dissoudre le parlement, il doit y avoir une crise persistante entre l’Assemblée nationale et le Premier ministre (et non le Président), or comme le Premier ministre serait du FCC (uni et discipliné), il serait impensable d’imaginer cette crise persistante. Voilà pourquoi, il est extrêmement important que le Président nomme un Premier ministre qui lui est loyal et digne de confiance même s’il est du FCC ou d’un autre groupement politique.
Selon l’esprit de la constitution, le Président ne devrait pas se voir imposé un Premier ministre, il doit le choisir librement dans la majorité parlementaire bien qu’il doive consulter celle-ci. Une certaine pratique constitutionnelle va dans ce sens. En fait, on avait vu la majorité présidentielle exiger que trois noms soient soumis au Président Kabila pour la nomination d’un Premier ministre après les Accords du 31 décembre 2016. Cette majorité arguait qu’il était inacceptable d’imposer au Président un Premier ministre.
Une autre hypothèse est possible. Le Président nommerait un Premier du FCC ou non que le FCC (unis et discipliné) bouderait. Le FCC pourrait lui refuser l’investiture au parlement. Le Président pourrait le renommer ou nommer une autre personnalité. Si l’investiture est encore refusée. Là, il y aurait une crise « persistante » et le Président aurait le droit de dissoudre l’Assemblée nationale. Qui serait ce député qui aimerait encore retourner en campagne électorale bientôt ?
Karl a Meta