Face à la demande de report des élections sénatoriales introduites par le Procureur Général près la Cour de cassation pour conjurer « des manifestations meurtrières et (…) la violence » et mener une enquête sur les allégations de corruption qui entourent ces scrutins, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est restée de marbre. Et a maintenu son calendrier en invoquant des contraintes légales. Les sénatoriales se tiendront donc le 15 mars 2018. Soit 11 jours avant l’élection des gouverneurs de provinces qui interviendra le 26 du même mois.
L’épineux problème de la corruptibilité des députés provinciaux, électeurs au second degré des sénateurs et gouverneurs de provinces demeure en l’état. Un regard sur les listes des prétendants à un siège au Sénat laisse l’observateur pantois : le nombre de ceux qui se bousculent au portillon de la chambre haute du parlement de la RD Congo également surnommée la chambre des sages, est plus impressionnant.
Il y en a tellement pour 108 sièges à pourvoir et il faut un miracle
pour espérer se faire élire. La tentation de la corruption pour conjurer un
sort plus qu’évident n’en devient que plus forte chez les candidats autant que chez les députés
provinciaux que l’on imagine très courtisés.
Si les candidats présentés par les partis et regroupements politiques semblent
pouvoir bénéficier des mots d’ordre de leurs organisations respectives à leurs
élus provinciaux, il en va tout autrement pour les candidats indépendants dont
le salut passe nécessairement par des arrangements à titres divers.
Des indépendants qui se recrutent dans la jetset
Quelques 876 candidats indépendants aux élections sénatoriales se sont jetés dans la bataille, en comptant sur la ‘‘trahison’’ d’au moins 4 députés provinciaux, soit l’équivalent du nombre de voix requises pour obtenir un siège. Il s’agit, à n’en pas douter, de corrupteurs potentiels donc, dont la liste est toute aussi impressionnante : tous se recrutent dans la jetset rd congolaise et donnent l’impression de compter davantage sur leurs portefeuilles que sur quelque discipline ou idéologie de parti politique que ce soit.
Naturellement, avec ses 8 sièges de sénateurs, la ville province de Kinshasa
compte le plus grand nombre de candidats indépendants, soit 143 ! La liste
comprend des revenants comme Georges Bakaly Sembe, ancien secrétaire général
puis PDG de la SNEL au cours des dernières années de pouvoir du défunt Maréchal
Mobutu. Mais également Belade Yassim Yassim, un proche du gouver¬neur sortant
André Kimbuta, qui aurait pu figurer sur les listes du PPRD ou d’une des
organisations mosaïques dont « Haut Sommet » est le véritable tireur de
ficelles.
Un général FARDC à la retraite, Boteti Bokele
W’Oluka, tente lui aussi sa chance parmi les candidats indépendants kinois.
Ainsi que des jeunes acteurs politiques comme Déo Indulu, ancien patron de la
jeunesse du PPRD dans la capitale qui semble avoir dédaigné les listes de son
parti. Le pasteur Oscar Kiziamina Kibila passé à l’opposition depuis quelques
années n’a pas trouvé mieux pour revenir à l’hémicycle qu’une candidature qui
défie la fidélité des électeurs aux idéologies et mots d’ordre de vote de leurs
partis politiques. De même, du reste, que le Central- Kongolais élu député
national à la surprise générale à Goma en 2006 sur la liste de l’ARC d’Olivier
Kamitatu, Konde Vila Kikanda, qui a donc fait faux bond à ses amis de Lamuka.
Georges Bakaly Sembe, Belade Yassim Yassim, Oscar Kiziamina
Candidat malheureux à la députation nationale dans
la circonscription de la Lukunga, le ML Thomas Luhaka affilié au FCC se pointe
lui aussi, candidat indépendant.
A l’instar de Kinshasa la capitale, toutes les provinces alignent plusieurs
candidats indépendants potentiels corrupteurs plutôt triés sur le volet. Comme
dans la Tshopo, qui compte 64 indépendants dont le Général à la retraite Ponde
Isambwa Joseph. Mais aussi Jean-Pierre Daruwezi, un ancien sécurocrate qui
s’était déjà essayé à l’élection provinciale sans succès en 2011.
La province de la Tshuapa, dans l’ex-Equateur surprend quelque peu les observateurs en alignant des cadres PPRD ayant pignon sur rue comme Bakonga Wilima Willy et Boongo Nkoy Pancrace dans la catégorie des candidats sénateurs indépendants. Et sans doute un peu moins avec les Jean- Bertrand Ewanga de Ensemble pour le Changement, qui ne peut manifestement espérer de mots d’ordre politico-idéologique sinon la corruption d’élus majoritairement FCC de cette province pour arriver à ses fins.
Willy Bakonga, Mwami Ndatabaye, Justin Bitakwira
Les provinces du Tanganyika et du Sud Ubangui alignent chacune 32 et 27
candidats indépendants respectivement, parmi lesquels ne se retrouvent pas des
têtes connues, comme on dit.
Ce n’est pas le cas du Sud-Kivu, ou les candidats indépendants représentent plus de la moitié des prétendants aux 4 sièges réservés à la province, soit 23. Une autorité coutumière locale, le Mwami Ndatabaye Muhigirwa Pierre, en est. Mais aussi le ministre honoraire et candidat malheureux à la dépu¬tation nationale d’Uvira, Justin Bitakwira. Les Bulambo, bien connus à Bukavu, alignent à ses frais un des proches du notable de Bukavu, John Bulambo Buyana. On retrouve sur la même liste le clergyman sénateur honoraire Jean-Luc Kuye Ndondo Wa Mulemera.
La province du Sankuru ne compte quant à elle que 6 candidats indépendants,
mais dont le poids pourrait peser. Il en est ainsi de Léonard She Okitundu,
grosse pointure PPRD dans la province, qui a dédaigné les listes du parti. Avec
lui s’alignent le sénateur honoraire et colonel à la retraite Raymond Omba Pene
Djunga, qui n’en est pas à sa première candidature sénatoriale en qualité
d’indépendant. Un général retraité des FARDC, Isidore Odimula ; de même que
Monsieur Tshoy Fumbe Kahodi Joseph. La surprise sur cette liste sankuroise,
c’est la présence de Katanga Mukumadi Ya Mutumba, un kengiste plusieurs fois
ministre sous le Maréchal Mobutu dont on dit qu’il est soit de la Lomami, soit
du Sankuru et qui ne compte pas parmi les plus démunis de la planète.
Raymond Omba, Léonard She Okitundu
Le Général ex FAZ Kpama Baramoto Kata Philémon refait surface … parmi les candidats sénateurs indépendants de son Nord Ubangi natal où il figure sur une liste à côté de l’ancien ministre de l’EPSP sous le Maréchal Mobutu et sénateur honoraire, Pierre Nzege Alaziambina ; mais aussi un héritier du défunt milliardaire et ancien chef de la sécurité de Mobutu, Seti Yale, en la personne de Seti Yale Kete.
Dans la province voisine de la Mongala où 33 candidats indépendants se
bousculent au portillon du sénat, l’ambassadeur Alain Atundu Liongo, également
du nombre, a fait preuve de ‘‘réalisme’’ en dédaignant les listes de l’Alliance
CCU et Alliés, insuffisamment représentée dans cette province. Il n’en est pas
de même du Révérend Dr André Bokundoa Bo Likabe, le tout nouveau président de
l’Eglise du Christ au Congo (ECC), qui fait ainsi la queue parmi des pécheurs
potentiels. Ou encore du MLC Philippe Masegabio Nzanzu déjà sénateur entre 2003
et 2006.
Nzege Aliazambina, André Bokundoa, Matata Ponyo
Avec 5 candidats indépendants sur un total de 12, la province du Maniema semble faire preuve de plus de sagesse et de discipline politique. Mais il vaut mieux se méfier des eaux dormantes, comme on dit. Parce que quelques-uns parmi les 5 indépendants de la province possèdent des portemonnaies bien garnis. Notamment, l’ancien premier ministre Matata Ponyo Mapon ; mais aussi le ministre de la justice et garde des sceaux sortant, Alexis Thambwe Mwamba. A ces deux candidats indépendants il faut ajouter le général à la retraite Jean De Dieu Oleko Komba, et encore l’ancien ministre de l’information sous le Maréchal Mobutu et sénateur honoraire Aubin Ngongo Luwowo.
Comme la province du Sud Kivu, la province du Lualaba aligné parmi ses
candidats indépendants une autorité coutumière : Mwenda Bantu Munongo
Godefroid. La liste de ses 20 candidats indépendants comprend également le
sénateur honoraire FCC Flore Musendu Flungu.
Thambwe Mwamba, Philémon Kisempia, Kin Kiey Mulumba
Le PPRD Célestin Tunda Ya Kasende se présente à l’élection sénatoriale en qualité d’indé¬pendant pour le compte de la province de la Lomami. Mais il n’est pas le seul sur cette liste qui compte 35 candidats indépendants dont le général à la retraite Philémon Kisempia Sungilanga Lombe ; ou encore l’ancien ministre mobutiste Diur Katond Gaspard ; et le bâtonnier MSR kinois, Yoko Yakembe Jean-Placide.
Dans la province ex-bandundoise du Kwilu, c’est la ruée vers la chambre haute
du parlement avec une liste de candidats indépendants forte 12 sur 44
personnes. Dans laquelle on retrouve sans peine et sans beaucoup de surprise le
ministre honoraire des PT & NTIC puis des Relations avec le Parlement et
candidat malheureux à la présidentielle 2018, Tryphon Kin-Kiey Mulumba ; mais
également l’ex PDSC Denis Tabiana Ngansia qui avait passé ces dernières années
dans l’ombre de Léon Kengo wa Dondo, le président sortant du Sénat dont il est
le Directeur de cabinet.
Même topo au Kongo-Central qui aligne 60 candidats à l’élection sénatoriale,
dont 33 indépendants, soit plus de la moitié de la liste qui reprend des noms
aussi connus que ceux du FCC Pamphile Badu wa Badu ; ou encore celui du Palu
Clément Bafiba Nzomba, ci-devant vice-gouverneur de la ville de Kinshasa depuis
2006.
L’ancien secrétaire général de la Fédération Congolaise de football, Edouard
Kiaku Mbuta, se pointe aussi parmi les candidats indépendants de la province
voisine de Kinshasa. Autant que le PPRD César Lubamba Ngimbi.
Pamphile Badu wa Badu, César Lubamba Ngimbi, Edouard Kiaku Mbuta
La présence du conseiller spécial du président de la République sortant en matière de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent parmi les candidats sénateurs indépendants, et donc potentiellement corrupteurs avait de quoi surprendre. Mais le professeur Emmanuel-Janvier Luzolo Bambi Lessa en a tiré les conséquences en jetant l’éponge devant le véritable cas de conflit d’intérêt dans lequel lui-même et ses électeurs potentiels se seraient trouvés en la circonstance.
Ce n’est pas le cas de son collègue du PPRD, Robert Mbwinga Bila ; ou encore de
Mfumu Difima Ntinu, une autorité coutumière friande des écrans de télévision
kinois. Ni du MLC Raphaël Siluvangi, des PPRD Florentine Soki Fuani Eyenga ou
Papy Tamba Kuma Pysol qui comptent aussi parmi les candidats indépendants au
sénat.
Dans la province du Kwango, l’ambassadeur Ignace Gata Mavita se pointe candidat
indépendant au sénat. De même que Hubert Thetika Ikalaba, un jeune acteur politique
découvert dans les rangs de l’ARC d’Olivier Kamitatu.
Dans la province de l’Ituri, 7 des candidats sénateurs sont des indépendants.
On retrouve ainsi sans surprise le sénateur et président honoraire du sénat de
la transition, Mgr Pierre Marini Bodho. Mais aussi Adirodu Mawazo Baudouin, un
ancien du RCD-K-ML de Mbusa Nyamuisi dont il s’est séparé depuis les années
2006.
Zacharie Bababaswe, Evariste Boshab, Pierre Kangudia
Le député honoraire et ancien chroniqueur musical, Zacharie Bababaswe Washiya
veut demeurer au parlement, malgré l’invalidation de sa candidature aux
dernières législatives. Il pointe sur les listes des candidats sénateurs
indépendants pour le compte de la province du Kasai Central. Aux côtés de
personnalités comme Sessanga Dja Kassiw Patrice-Aimé (élu à la présidence du
bureau de l’Assemblée provinciale locale lundi 11 mars 2019) ; l’ancien
gouverneur Alex Kande Mumpompa ; ou encore Kadima wa Kadima Luse.
Dans la province voisine du Kasaï, le PPRD Evariste Boshab, un des meilleurs
élus aux législatives nationales de 2018, a préféré lui aussi une candidature
hors de la liste de son parti. Autant du reste qu’Omer Mijimbu, un président
honoraire de l’Assemblée provinciale.
Sur la liste des 13 candidats indépendants du Kasai Oriental (sur 25) figure en
bonne place le ministre honoraire du budget, Pierre Kangudia Mbayi. Mais
également notre confrère Jean- Marie Kassamba de Télé 50 ; l’ancien argentier
mobutiste, Jacques Tshimbombo Mukuna ; ou encore Liliane Tshimpumpu Wabidia, la
fille de notre talentueux confrère journaliste sportif défunt.
Le pasteur méthodiste et ancien président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda
Nyanga, est candidat sénateur indépendant pour le compte du Haut Katanga.
S’aligne également sur cette liste de 27 candidats indépendants sur 55, le
katumbiste Vano Kalembe Kiboko ; ou encore l’AFDC & Alliés et ancien
gouverneur de province, Jean-Claude Kazembe Musonda.
Jean-Marie Kassamba, Tshimbombo Mukuna, Carole Agito
La province du Bas-Uélé voit la Directrice Générale
de la Société Nationale d’Assurances, Carole Agito Amela qui pointe notoirement
au PPRD, postuler en qualité de candidate indépendante. De même que la ministre
des transports sous Mzee Laurent-Désiré Kabila et ex-UNC, Odette Babandoa Etoa. Avec eux, s’aligne un certain Mobutu
Kambale Joseph Désiré.
Le Haut-Uélé voisin compte 6 candidats sénateurs indépendants, dont le ministre
honoraire Jean Nengbangba Tshigbanga, un dissident du RCD-K-ML.
Sans surprise, Jean-Claude Baende Etaf’Eliko a renoncé à sa candidature au
sénat pour se consacrer à la course au gouvernorat de la province de
l’Equateur. Qui aligne entre autres candidats indépendants Serge Bokana
Ekakumba « Djino », le mécène sportif et artistique bien connu. Mais aussi des
célébrités politiques comme le sénateur honoraire par ailleurs ancien 1er
vice-président de la chambre haute, Edouard Mokolo wa Pombo, et le ministre
d’Etat sortant des Relations avec le Parlement, Jean-Pierre Lisanga Bonganga…
Avec 876 candidats sénateurs hors listes des partis et regroupements
politiques, poser la question sur les moyens miraculeux que la plupart d’entre
eux mettront en jeu pour se faire élire est une véritable quadrature du cercle.
Aux décideurs et au législateur congolais de savoir ce qu’ils veulent
relativement à la lutte contre la corruption.
J.N.
Article à lire sur SENATORIALES CORROMPUES EN RD CONGO : 876 potentiels acheteurs des voix en lice http://lemaximum.cd/senatoriales-corrompues-en-rd-congo-876-potentiels-acheteurs-des-voix-en-lice/