KINSHASA-PAKADJUMA. Considéré comme un quartier mal famé et un repère des bandits et autres voleurs, mais surtout comme un haut lieu de la prostitution féminine ; le bidonville de Pakadjuma en plein cœur de la ville capitale-province de la RDC Kinshasa traîne avec elle une mauvaise réputation.
De Kinshasa à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication qui l’a formé où le livre a été baptisé à Paris, Ange Kasongo n’a pas arrêté d’écumer les salles de conférence et les plateaux de radiotélévision pour raconter l’histoire qu’elle a écrite : « Les femmes de Pakadjuma », publié aux Éditions du net.
Petit livre dans son format comme dans sa pagination, « Les femmes de Pakadjuma » est une très grande histoire qui touche énormément par et de la manière dont elle est narré, vu de son côté féminin par une jeune femme journaliste ; native de cette mégapole aux contrastes qu’est Kinshasa.
Cette histoire, c’est celle d’une fille ; « Ophélie, naturalisée française mais d’origine congolaise qui revient sur les lieux de sa naissance et de ses premières années. Un ressort secret l’attire vers ce quartier dont elle a échappé assez tôt à l’engrenage vicieux de misère. Elle veut retrouver les images de son enfance, rendue brumeuse par le temps et peut-être aussi par un refoulement inconscient ».
Lancée dans une espèce de « quête », Ophélie est à la recherche de cette petite case de tôle et de bois qui l’a vu naître. Elle cherche l’histoire de sa mère avec laquelle elle vit mais le récit de leur passé est trop brodé de silence comme s’il y a un secret. Un secret dans ces silences. Un secret dans Les non-dits de sa mère. Va-t-elle le découvrir ? Très vite ce suspens nous tient en haleine. Saura-t-elle ce que sa mère lui a caché ? Et qu’en fera-t-elle ?
Aux détours de quelques pages, Ange Kasongo nous plonge dans le quotidien de ces autres habitants inattendus de Pakadjuma, « les refoulés de Brazzaville », ces congolais de Kinshasa chassés de l’autre Congo d’en face et qui n’ont eu d’autre endroit d’atterrir que ce quartier hors contrôle des autorités administratives de la ville-capitale. Devenu un « chez eux », Pakadjuma fait désormais partie de leur vie sans que d’autres perspectives ne s’ouvrent à eux.
Ce récit qui peut paraître comme une autobiographie n’en est moins bien qu’Ange n’est pas française bien que résidente en France, encore moins native ou habitant de Pakadjuma ; fait partie de la curiosité même de la jeune journaliste lorsqu’elle annonçait sur les réseaux sociaux vouloir se rendre à Pakadjuma lors d’un retour au pays.
Comme Ophélie, Ange Kasongo est « habitée par cette envie de creuser, de fouiller, de comprendre, de saisir le sens de chose, celle qui ne se contente pas du décor, celle qui fait le contour pour regarder l’envers, le revers, celle qui analyse, décale sa réflexion, s’entête. Il y a de l’Ophélie dans cette Ange, ou plutôt de l’Ange dans cette Ophélie » écrit Tata N’Longi Biatitudes dans ses « Lettres de Biatitudes » (ÉTIQUETTE : ANGE KASONGO, LES FEMMES DE PAKADJUMA https://biatitudes.com/tag/ange-kasongo/?fbclid=IwAR3aHIPiLNydH9N09Uw6gYNPMvGo1NV2QtOCmVUImwj50EX15Qe-DfONuPo)
Au travers de son récit via sa plume, Ange Kasongo tente de casser les clichés en mettant en lumière ce bidonville sur la carte du monde. Comme dans le film sur les « Enfants Sorciers » avec Rachel Mwanza, dans « Les femmes de Pakadjuma », détruit le mythe de ce « quartier rouge et noir, paré dans l’imaginaire kinois de tous les vices : prostitution, vol, pauvreté, où peu de kinois n’y vont que s’ils y sont contraints. Mais hors mis ses propres habitants, qui connaît vraiment Paka (diminutif de Pakadjuma) ? » comme l’écrit encore Tata N’Longi Biatitudes ; bref une vraie lettre de Kinshasa qui demeure un « must » de lecture. Et qui sait si demain, ce livre sera adapté au cinéma ?
Roger DIKU à Bruxelles