Par Nawezi Karl J.
Les tendances conflictuelles et belliqueuses qui se développent en ce moment sur la scène socio-politique dans notre pays deviennent inquiétantes et exigent que nous en parlions.
Dans une coalition politique du genre de celle dont nous ont gratifiée le Front Commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le Changement (CACH), le conflit est inévitable, compte tenu de l’antagonisme à la fois politique et personnalisé préexistant entre les membres des deux groupes politiques désormais alliés. Malheureusement, lorsque les conflits se multiplient, ils entravent la créativité, empêchent la collaboration et risquent de bloquer le fonctionnement des institutions qui sont animées aujourd’hui par les dites forces politiques en coalition. En fin de compte, ce sont les populations pour lesquelles les politiques sont censés travailler qui en pâtissent.
Différentes causes sont à la base des conflits qui affectent la coalition FCC-CACH. Elles semblent tenir plus des déclarations faites et des actes posés par les uns et par les autres, sans oublier les perceptions de manque de respect, qu’à des divergences d’opinions ou d’idéaux, le débat politique congolais allant rarement jusqu’à des joutes d’idées.
Manifestement, nous sommes en face d’un déficit de leadership politique généralisé, étant donné l’évolution des incidents conflictuels que nous observons sur le terrain, plus précisément à Kinshasa et au Katanga. L’escalade a été telle que des débordements de nature interethnique pointent à l’horizon.
Les actes émotionnels se multiplient et risquent de rendre la situation globale incontrôlable si des mesures draconiennes ne sont pas prises dans l’immédiat.
Les parties impliquées, en l’occurrence le FCC et le CACH, doivent organiser une rencontre formelle pour discuter de manière transparente et approfondie afin non seulement de résoudre les problèmes survenus mais aussi de prendre des résolutions pour prévenir des conflits futurs. Il est impératif de calmer les esprits dès maintenant au vu notamment des dérapages tribalo-régionalistes qui resurgissent dans le Katanga.
Etant donné que les bases des deux groupes politiques concernés n’arrivent pas à collaborer de façon harmonieuse, une rencontre entre les responsables du FCC et du CACH doit être organisée pour leur permettre de s’écouter et de comprendre ce qui les oppose. Les petites visites entre les deux ténors de ces deux groupes politiques ne suffisent nullement, vu que les militants de chaque groupe politique n’en ont cure et poursuivent leurs comportements répréhensibles.
Au cours de la rencontre suggérée, les protagonistes ne devront pas se contenter simplement de se plaindre l’un de l’autre. Il serait souhaitable que les deux groupes ne se focalisent pas uniquement sur les problèmes. Ils devront s’assurer que les discussions soient constructives et aboutissent à des solutions concrètes apportant de nouvelles règles de comportement des militants de chaque groupe. L’objectif de la rencontre devra demeurer la recherche des solutions.
Il aurait été souhaitable que cette rencontre bénéficie de la médiation d’une tierce autorité morale neutre. Mais en existe-t-il encore dans notre pays où la politisation a pollué tous les secteurs de la vie ? Même les bons offices assurés par des personnalités étrangères sont remis en cause. Sinon une telle autorité morale aurait aplani le terrain en commençant par écouter séparément les protagonistes pour les aider à formuler précisément les récriminations.
Le FCC et le CACH sont ainsi condamnés à se rencontrer et à travailler sans avoir recours aux bons offices d’une tierce partie. Non seulement au cours d’une seule réunion, mais en multipliant les occasions de rencontre afin d’évaluer la mise en œuvre des résolutions prises ainsi que pour prévenir rapidement les crises à venir. Pourquoi pas des rencontres mensuelles ? Rencontres au cours desquelles les protagonistes aborderaient, de façon sereine et responsable, leurs différents éventuels pour éviter que les populations en souffrent. Et rien n’empêche que chaque partie désigne d’avance des délégués chargés de participer à ces rencontres de façon permanente et en responsables. Je pense à un cadre formel mis en place pour la résolution des conflits dès qu’ils apparaissent.
Ensuite, toutes les solutions trouvées ainsi que les résolutions prises devront être rapidement rendues publiques pour empêcher les manipulateurs de tous bords de diffuser des « infox » sur les réseaux sociaux, au risque de semer le trouble et la confusion dans les esprits et aussi d’envenimer la situation.
En outre, il serait souhaitable que les parties prenantes n’abordent pas la rencontre en se mettant sur la défensive, à l’instar de leurs militants respectifs qui agissent en recourant à des joutes dont l’issue doit donner des vainqueurs et des perdants. La bonne foi doit être de rigueur.
Les protagonistes doivent aussi savoir qu’une réunion est un exercice de communication par excellence, dont la réussite dépend énormément de la capacité de chaque participant de pratiquer l’écoute active. Ecouter l’autre, c’est faire montre d’une empathie susceptible de faciliter l’émergence des solutions aux conflits grâce au dialogue entre les deux parties. L’écoute active encourage l’expression des problèmes, des pensées, des préoccupations et des sentiments, ce qui constitue une étape essentielle dans la réduction des conflits. Il est important que chacune des parties se sente entendue afin de se considérer comme partenaire dans la résolution du conflit et non un opposant.
En RDC, les conflits politiques sont toujours émaillés d’attaques personnelles qui élargissent davantage l’écart entre les protagonistes au lieu de les orienter vers une solution. C’est pourquoi il est si important que toutes les parties impliquées dans le conflit actuel se concentrent sur les questions spécifiques en cause et évitent autant que possible les déclarations personnelles préjudiciables. Il faut se concentrer sur les problèmes, pas sur les personnes. Ce faisant, il est plus aisé de se concentrer sur les points d’accord et de désaccord, plutôt que de dépeindre les personnes avec tous les problèmes. Les désaccords sont normaux. Cependant, ils ne doivent pas dégénérer jusqu’à la discorde.
Cela n’est sans doute pas la coutume dans la pratique politique congolaise. Je pense cependant que des excuses sincères et au bon moment peuvent être l’outil le plus puissant pour résoudre les conflits. Parfois, c’est la seule chose qu’un partenaire lésé a besoin d’entendre pour mettre fin au conflit et se recentrer sur ce qui est important. La plupart des politiciens congolais ne s’excusent jamais lors des conflits. Je pense que cela nuit aux relations et les conflits ne sont jamais résolus définitivement. Reconnaitre ses erreurs, les expliquer, demander comment les réparer constitue à mes yeux une démarche susceptible d’assainir la scène politique congolaise et améliorer en qualité les relations de nos politiques. Et partant celles de nos compatriotes.
Nawezi Karl J.