Préoccupé par la situation dans l’Est de son pays et faisant la restitution de sa visite pastorale dans le diocèse de Beni-Butembo en province du Nord-Kivu, l’Archevêque Métropolitain de Kinshasa et cardinal du pays ; Mgr fridolin Ambongo Besungu a de nouveau tiré la « sonnette d’alarme » sur la situation dramatique qui prévaut dans l’Est du pays en proie à une guerre asymétrique depuis plus de 20 ans.
« La situation de la population est dramatique. A cause de l’insécurité, la population a dû abandonner champs, villages, maisons, plantations », a détaillé le prélat. A côté des massacres quotidiens des populations démunies, ce sont « le déversement et l’implantation des autres qui arrivent, et qu’on essaie de faire passer comme des Congolais » au détriment des populations locales chassées de leurs terres que le prélat a ouvertement dénoncé.
« Il appartient au gouvernement d’assumer ses responsabilités pour convaincre par les voies diplomatiques les pays voisins particulièrement l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi d’arrêter de déverser
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populations au Congo », a déclaré le Cardinal Fridolin Ambongo dans sa conférence de presse du vendredi 03 janvier 2020 à Kinshasa.
Pour l’exemple, il a cité le cas « des immigrés rwandais chassés de la Tanzanie il y a quelques années et qui on a fini par être déverser au Congo, créant ainsi un sentiment de frustration, de colère » ce qui, selon lui, « confirme bien qu’il y a un plan de balkanisation du pays derrière » ces actes.
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Il faut une prise de conscience nationale
« Il faut une prise de conscience au niveau national sur le fait que notre pays est en guerre, que le pays est en danger », a insisté le Cardinal en appelant à un « soutien » affirmé aux « militaires congolais » qui se battent contre des dizaines de groupes armés locaux et étrangers. Parmi ces derniers, se trouvent les milices ougandaises des Forces Démocratiques alliées (ADF-Nalu), les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) et les rebelles burundais des Forces Nationales de Libération (FNL).
Il faut noter que plus de 200 civils ont été tués les deux derniers mois dans cette région au cours de massacres attribués aux ADF, plus d’un millier depuis octobre 2014. Ces massacres s’étant perpétués durant le court séjour du Cardinal dans la région.
Fin décembre de l’année dernière 2019, l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito avait appelé Kinshasa à « faire la guerre au Rwanda » et voir « l’annexer » pour rétablir la paix dans l’Est du pays.
Pour le Cardinal, « Muzito a dit est presque le sentiment de tous les Congolais, si l’on sent la souffrance que nos frères éprouvent là-bas, une tentation de penser comme Muzito existe parce qu’il y a une part de vérité dans ce qu’il a dit ». Et de nuancer en même temps : « Dans notre contexte actuel, si nous allons en guerre contre le Rwanda nous n’avons aucune chance. Commençons d’abord par mettre de l’ordre au sein de notre armée, donnons d’abord des moyens à l’armée pour faire son travail. Si nous n’organisons pas notre armée, une telle proposition est un grand risque pour nous », a-t-il insisté.
Faut-il aussi le rappeler que la RDC entretient des relations difficiles avec ses voisins du Rwanda et de l’Ouganda notamment avant et après la chute de Mobutu ainsi que l’avènement de l’AFDL. Kinshasa accuse ces deux pays de vouloir la déstabiliser, quand ces derniers considèrent la RDC comme une base arrière de milices hostiles à leurs régimes.
De la Monusco…
Vouloir le départ des forces de l’ONU comme le veut une certaine opinion actuellement serait une « erreur » pense le prélat qui se dit en même temps comme la majorité de ses compatriotes « pas satisfait du travail de la mission de sécurisation des Nations-Unies en RDC ».
S’interrogeant sur « l’image » que donnerait le pays en expulsant la Monusco, Mgr Ambongo souligne le fait que la force onusienne a une « mauvaise perception dans l’Est parce que sa première mission qui consiste à protéger la population civile n’est pas assurée complètement ».
La sécurisation des frontières poreuses devrait être la priorité des gouvernants car étant à la base des « malheurs qui sévissent dans l’Est du pays. On peut entrer et sortir comme on veut parce que la frontière est artificielle. On ne se sait pas où se trouvent-elle actuellement. Comment distinguer les populations qui sont au Congo depuis longtemps et d’autres personnes qu’on est en train de déverser au Congo d’aujourd’hui ? Pour cela, il faut un État organisé. Il faut un contrôle de nos frontières » estime le Cardinal qui a dit avoir côtoyé l’horreur.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi