Dossier de l’Histoire : 1959 : Léopoldville se soulève

Il y a 60 ans, le 4 janvier 1959, des émeutes éclatent soudainement à Léopoldville, capitale du Congo belge. La répression sera très dure. Il faudra plusieurs jours pour rétablir le calme. Mot d’ordre des autorités coloniales : tout faire pour minimiser la portée de cette véritable rébellion. Et pourtant, ces événements constituent en réalité le véritable coup d’envoi de la décolonisation du Congo belge.

François Ryckmans, ancien journaliste RTBF, spécialiste de l’Afrique centrale, petit-fils de Pierre Ryckmans, Gouverneur Général du Congo belge de 1934 à 1946, revient sur ces événements. Il est l’auteur de Mémoires noires – Les Congolais racontent le Congo belge, 1940-1960 (Ed. Racine).

Un contexte propice

Les événements de Léopoldville sont à replacer dans un contexte d’agitation politique qui secouait le Congo depuis au moins la seconde Guerre Mondiale, mais aussi dans le contexte de la décolonisation générale qui régnait alors.

Le gouvernement belge a bien compris qu’il s’agissait du dernier avertissement avant que des choses beaucoup plus graves ne se produisent. Et en effet, moins de 10 jours plus tard, lors d’une allocution historique, le Roi Baudouin laissait entendre que la Belgique allait passer la main.

Un véritable soulèvement

François Ryckmans ne parle pas d’émeutes mais d’un véritable soulèvement, tout à fait inattendu, une explosion subite, non préparée. Le 4 janvier 1959, 200 000 Congolais sont partis attaquer la ville blanche. Il a fallu 3 jours pour réprimer ce mouvement. L’armée congolaise, puis l’armée belge sont intervenues. Le bilan humain a été lourd : entre 250 et 500 personnes tuées, tous Congolais. Quelques Blancs ont été tabassés, parce qu’ils se trouvaient par hasard dans la cité noire à ce moment-là, dont certains prêtres blancs.

La configuration d’une ville coloniale est en effet particulière :

  • On y trouve une zone d’entreprises, la zone économique où se retrouvent les hommes blancs et les hommes noirs.
  • Il y a la cité blanche, où ne peuvent rester la nuit que les boys, dans de petites maisons au fond des parcelles.
  • Et tous les autres, les Congolais qui travaillent en ville, comme employés ou comme ouvriers, doivent quitter la ville blanche à 18h et rentrer dans la cité noire. Et à 21h, dans la cité noire, c’est le couvre-feu.

Au départ, un malentendu

Le soulèvement part d’un malentendu. Les militants du mouvement culturo-politique l’Abako (l’Alliance des Bakongos) veulent aller entendre leur représentant qui est allé au Congrès Panafricain d’Accra. Le meeting est interdit mais son président Joseph Kasa Vubu n’arrive pas à le décommander.

Des centaines de militants de l’Abako se retrouvent donc à Léopoldville. Kasa Vubu essaie de calmer les foules en leur disant : « Ayez foi dans l’indépendance, vive l’indépendance ». Les gens se mettent à crier « Vive l’indépendance ».

Lorsqu’ils entendent des coups de feu, qui proviennent en réalité du stade où des supporters de foot déçus se sont agités, la situation explose à une vitesse indescriptible. C’est la confusion totale. On pille les magasins puis on s’en prend à tous les symboles de la domination blanche : les écoles, les églises, les pompes à essence. La foule grossit, la moitié de la ville part vers la ville blanche devant laquelle s’est déployée l’armée congolaise. La répression dure toute la nuit.

Les détonateurs

Ce mouvement des indépendances avait commencé avec l’Inde en 1947, puis s’est propagé partout sur la planète. A la fin des années 50, l’Afrique aspire aussi à l’indépendance. 

En décembre 1958, moins d’un mois avant ces émeutes, un événement politique va jouer le rôle de détonateur. C’est la Conférence Panafricaine d’Accra, la capitale du Ghana, un pays indépendant depuis 1957.

Trois Congolais du Congo belge participent à ce Congrès. Dont Patrice Lumumba qui en est très marqué et devient à cette occasion l’un des héros de la lutte indépendantiste. « L’indépendance n’est pas un cadeau, mais un droit inaliénable pour le peuple congolais », dit-il.

L’aveuglement belge

Le Congo n’est pas l’empire du silence qu’imagine le pouvoir colonial. Les habitants parlent, écoutent, connaissent plein de choses, savent écrire, ont une conscience politique. « Et ça, le Belge n’a pas voulu le voir », rappelle François Ryckmans.

Le monde colonial ne sent pas encore qu’il va falloir lâcher du lest. On refuse toute réforme de fond, raciale, sociale ou salariale.

Dès le 4 janvier 1959, le radicalisme, qui touchait déjà une élite éduquée, se répand dans les campagnes. La Province de Léopoldville est en désobéissance civile contre le pouvoir blanc, puis c’est le tour de la Province Orientale. Deux énormes provinces qui échappent au pouvoir central.

Finalement, c’est dans la précipitation que tout va se régler. Suivez ici la suite du récit de François Ryckmans, dans Un Jour dans l’Histoire.

A lire aussi, cet article de RTBF Info (2010) : Le Congo au fil des pages

A lire sur 1959 : Léopoldville se soulève https://www.rtbf.be/lapremiere/article/detail_1959-leopoldville-se-souleve?id=10132108

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Rédaction

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