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KASAI-ORIENTAL : La Minière de Bakwanga, tragédie d’une Société phagocytée par ses Dirigeants au fil des années [TRIBUNE]

En guise de pleurs pour la MIBA, poumon du Kasaï Oriental, tué par des pyromanes à petit feu au fil des années.

Je suis très triste, le cœur lourd de chagrin, en voyant la masse fantomatique, squelettique, de ce que fut naguère la Centrale de Triage de la Minière de Bakwanga (MIBA) !

Mais comment en est-on arrivé là ?

Je me souviens qu’à l’Assemblée Générale de l’ONU en 1974, le président Mobutu avait noté qu’il y avait un quartier huppé à Dakar, capitale du Sénégal, baptisé « Congo Zoba », construit avec le diamant du Kasaï Oriental.

Arrivé à Mbuji-Mayi en 1997, le rebelle Laurent-Désiré Kabila avait dit à peu près ceci à la masse accourue au stade Kashala Bonzola : « Je pensais trouver des gratte-ciels à Mbuji-Mayi. Mais le diamant des Baluba a enrichi ceux d’ailleurs ».

Je crois qu’à l’époque coloniale c’était une société à charte baptisée FORMINIERE qui occupait tout le Grand Kasaï. A une certaine période après l’indépendance, la MIBA a été gérée par trois actionnaires : l’Etat congolais, la grande société sud-africaine De Beers et la SIBEKA belge.

Les premiers géologues avaient programmé l’exploitation de ces gisements miniers pour des centaines d’années. Tout se faisait donc avec calculs et précisions. Il y avait beaucoup de gisements très riches qu’il ne fallait pas toucher, pour un avenir meilleur.

Dans leur stratégie pour la pérennisation de ce patrimoine, les Belges dispensaient une très bonne instruction aux enfants MIBA, pour qu’ils puissent remplacer un jour leurs parents ouvriers et ingénieurs.

Je me souviens qu’en 1962, inscrit à l’école primaire de Baudine 4 après notre exode de Luluabourg, des lauréats de la 6ème année primaire ont été envoyés en Europe avec des bourses de la MIBA.

Mais la MIBA devenue une société mixte et nationale, les autorités centrales se mirent à y envoyer depuis Kinshasa les Congolais de toutes les tribus qui n’y étaient venus qu’avec l’esprit de s’enrichir le plus rapidement du monde.

Ces nouveaux spécialistes se mirent donc à écrémer à outrance tous les sites riches et stratégiques de la MIBA, peut-être pour faire plaisir au maréchal Mobutu et aux autres parrains du MPR restés dans la capitale congolaise. A partir de ce moment-là, tout était exploité de façon désordonnée sur les sites alluvionnaires où le diamant se trouvait à 10 centimètres sous-sol.

Coup de grâce…

Deux grands coups de massue assénés par Mobutu aux Kasaïens : les quotas selon les tribus pour être inscrit à l’université et la libéralisation de l’exploitation artisanale du diamant.

Au départ Bakwanga ou Mbuji-Mayi avait un statut spécial. Ne pouvait y pénétrer que le détenteur d’une certaine carte, de modèle A je crois.

Mais avec la libéralisation tout le monde avait l’accès facile. Je laisse le côté quota à l’université qui avait sérieusement préjudicié les étudiants Kasaïens, pour ne parler que du diamant.

Avec la libéralisation a apparu un nouveau types de Baluba, des jeunes délinquants qui ne faisaient que clamer: « Fualansé ki nfualanga anyi ? (Le français est-il le symbole de l’argent? ».

En effet, le chemin de l’école fut abandonné pour la ruée vers le diamant. Les creuseurs mineurs d’âge maniaient des liasses de dollars pendant que leurs parents étaient démunis.

C’était le début de la déchéance du Muluba en tant que personnalité respectable. C’est ceci qui a vulgarisé cette manie de fumer du chanvre, boire des liqueurs fortes, manger la viande de chien et de chat.

En bref, cela a beaucoup contribué à la dépravation de mœurs comme l’argent l’avait emporté sur l’autorité parentale.

Un jeune creuseur allait verser la dot pour une fille mineure à 8h00’, et la répudiait le lendemain à 8h00’ sans aucun remord. Il y a de ces jeunes voyous qui avaient constitué de véritables harems.

Figurez-vous qu’arrivé à cette époque-là dans la capitale mondiale du diamant, j’avais posé une question à un papa qui avait marié sa jolie fille de 14 ans à l’un de ces « diamantaires » sans se soucier de l’avenir de la pauvre fille: « Uvua musua ne bamusela kudi mulongeshi anyi? Traduction : vous vouliez que nous la mariions à un enseignant ? ».

En effet, le métier d’enseignant était maintenant considéré comme le plus vil chez cette nouvelle race de Baluba. L’antipode de ce que nous autres avons été. En effet, mal payé, l’enseignant du Kasaï Oriental n’avait qu’une chemise Nylon qu’il lavait le soir et portait le matin, tandis que les creuseurs de diamant lavaient leurs motos avec des casiers de bière.

Et AFDL, le libérateur, arriva…

A l’entrée de l’AFDL, le Kasaï Oriental respirait encore.

Je salue ici les dignes fils de ma province, comme Jonas Mukamba Kadiata Nzemba, qui avait initié l’idée de la CODEKOR, et créé sur le volet social de la MIBA l’Université de Mbuji-Mayi, la SOGAKOR et BIOPHARCO.

Je rends hommage à Tshilombo Wa Nshimba, Mulenda Mbo, Kalala Budimbua et tous les autres génies Baluba chassés du Katanga par Nguz et Kyungu, sur instigation du maréchal Mobutu. Les pauvres ont tenté de redonner vie à leur province sans savoir qu’ils venaient prêcher dans le désert.

Eh bien, la première chose que Kabila fit fut d’emporter tout l’argent de la MIBA pour continuer sa  guerre de libération. Devenu chef de l’Etat, il se mit à sucer la même MIBA pour soutenir son effort de guerre.

Au même moment, il appela des hommes sans scrupules, avec l’aide de son ami Mugabe, les ministres Mawampanga et Mwenze Kongolo ; pour créer la SENGAMINES, de la rivière Senga-Senga à Tshiaba-Mulombo jusqu’à Boya.

Avec Jean-Charles Okoto, cela devint pire. Il y avait toujours des ponctions de la MIBA par le président Joseph Kabila qui venait de remplacer son père. Okoto alla jusqu’à exploiter à outrance les gisements stratégiques de la MIBA, même les graviers se trouvant sur le terril.

Mais les travailleurs commençaient à connaître des arriérés de salaire. C’est la MIBA qui rendait déjà l’âme.

Une solution: la kimberlite, difficile à exploiter faute de matériel.

En reportage dans le polygone minier de la MIBA en 1999 je crois, un ingénieur nous avait dit que le diamant alluvionnaire était épuisé, mais l’espoir restait dans la roche profonde qui nécessite des engins appropriés : la kimberlite.

Nous voudrions savoir pourquoi l’Etat congolais n’a jamais déboursé des fonds pour l’achat de ces matériels, le renouvellement des pelles mécaniques et autres chaînes d’exploitation ?

Pourquoi avoir cédé à des privés expatriés des quartiers miniers appartenant à la MIBA?

L’après-diamant: nous n’avons pas été entendus

Nous avions à un moment donné parlé avec M. Alphonse Ngoyi Kasanji, alors président du CPD, que cette pierre précieuse ne pousse pas comme le champignon. Le diamant était au Brésil qui est devenu aujourd’hui un grand pays agricole.

Mais après avoir vendu le diamant dit de NGOKAS, le président des diamantaires n’a pas conseillé aux autres diamantaires Kasaïens d’investir dans l’agriculture ou dans l’agro-industrie. Pourtant mes frères en ont eu les moyens.

Aucune usine au Kasaï Oriental, même de fabrication de savon ou des allumettes!

Devenu gouverneur du Kasaï Oriental, Alphonse Ngoyi s’est fait remarquer par un premier haut fait : lotissement d’une concession de la MIBA qu’il avait baptisé Quartier des Sénateurs. Une spoliation pure et simple.

C’est aussi sous son règne que j’ai entendu cette histoire des kamikazes baptisés suicidaires qui s’affrontent dans le polygone de la MIBA avec des armes de guerre.

Aujourd’hui je ne sais plus marcher la tête haute à Kinshasa. On m’appelle péjorativement « Tatu » dans le quartier, une façon de se moquer des Baluba, à cause de tous ces jeunes sans instruction ni bonne éducation venus dans la capitale congolaise avec leurs motos et baptisés « Wewa ».

Battez-vous pour la survie, derniers rejetons d’un peuple illustre, téméraire et débrouillard. Ce n’est pas à vous la faute. Ceux qui auraient pu vous encadrer ont failli à leur devoir. Pourtant nous avions dénoncé et prédit tout ce qui se passe aujourd’hui.

Que reste-t-il au Kasaï Oriental ? Des ravins, des érosions, des trous béants, des tunnels dangereux à vingt ou trente mètres sous terre, des majimba, l’analphabétisme, le manque de bonnes manières. Voilà tout le patrimoine que les Kasaïens de l’Orient vont léguer à leur postérité.

Hélas ! Ceux de ma province ne lisaient pas les journaux, ils auraient pu tenir compte de nos conseils et avertissements. Je verse des larmes en ce moment. On a tué mon peuple, comme identité…

Donatien Ngandu Mupompa (DNM)

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