Il fut l’un des hommes les plus craints comme les plus redoutés de la République en sa qualité de l’Administrateur Général de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) près d’une quinzaine d’années durant le long règne de Joseph Kabila à la tête du pays.
L’ancien « maître-espion » de Kabila formé à l’école de la sûreté nationale sous Mobutu et récupéré par les Kabila père et fils, est aujourd’hui un homme seul dans la tourmente avec une « descente aux enfers » inéluctable. Un homme traqué par ses propres services façonnés à l’image de la présumée terreur qu’il leurs voulaient pour pérenniser le régime Kabila, Kalev passe pour être un homme seul avant peut-être de se retrouver devant les cours et tribunaux comme le souhaite la grande partie de l’opinion.
En effet, l’ex-parton de l’ANR avait été interpellé à sa descente d’avion puis conduit au siège de l’ANR dans le centre de Kinshasa le mercredi 12 février courant à l’aéroport international de la N’Djili à Kinshasa. L’homme revenait de l’Ouganda via Addis Abeba par un régulier d’Ethiopian Airlines avant d’être cueilli aux pieds de la passerelle pour être auditionner pendant plusieurs heures par ses anciens collaborateurs. Il devrait être relâché tard dans la soirée dans cette affaire qui, selon certaines sources, serait liée à des « questions sécuritaires ».
En véritable espion qui croyait brouiller les cartes, l’homme était pourtant sous surveillance et bien suivi. Parti de Kinshasa pour Lubumbashi par avion, il serait arrivé en Zimbabwe par voiture avant de se retrouver en Éthiopie par avion. Au même moment, le président Tshisekedi se trouvait à Addis Abeba pour le sommet de l’Union Africaine (UA)
Selon les indiscrétions, interpellé avec un passeport diplomatique en qualité de l’AG de l’ANR qu’il n’est plus, Kalev qui disposait de ses deux téléphones portables tout au début de son interrogatoire ; répondait aux appels de tiers, démentant son interpellation et affirmant soit qu’il était assis tranquillement chez-lui, soit qu’il était passé à l’ANR rendre visite à son ancien adjoint devenu titulaire. Une question de brouiller les cartes et ainsi masquer son infortune.
Comme humiliés dans leur travail par leur ancien parton et échaudés dans leur personnalité, usant des méthodes enseignées par le même Kalev ; les agents qui l’interrogeaient l’auraient confisqué ses appareils jusqu’à la fin de l’audition, vers 19h, heure à laquelle il avait été autorisé à regagner son domicile.
Que reproche-t-on à Kalev Mutondo ?
Sur le fond de cette affaire, l’ANR, tout comme Kalev Mutondo, sont restés muets jusqu’à ce jour ; l’ex-patron de l’ANR est « suspecté d’être au centre d’une conspiration visant à déstabiliser le nouveau pouvoir à Kinshasa ». Un projet révélé lors de son dernier voyage en Ouganda et dénoncé le 25 janvier 2020 par le SG ai de l’UDPS Augustin Kabuya, le parti du président Tshisekedi au cours d’une matinée politique au siège du parti le 25 janvier 2020.
Dans cette affaire d’abord « politique » dans un contexte des turbulences au sein de la coalition CACH et FCC au pouvoir à Kinshasa mais devenue une « affaire d’Etat », Kalev n’est-il pas un bouc-émissaire des turpitudes des associés du pouvoir se demande l’opinion. Jouant le rôle du « fou du roi », il menaçait clairement dans un communiqué de presse le 28 janvier 2020 le parti de Félix Tshisekedi des révélations qui risquent de faire « parler les sourds-muets ».
Depuis lors, sa situation semble se compliquer pour l’ancien patron de l’ANR qui s’est vu confisqué son passeport diplomatique et ses autres documents de voyage par « les services » jadis dirigés d’une main de fer par lui. Kalev désormais interdit de quitter Kinshasa et le pays avant la fin de cette enquête tout en restant à la disposition des mêmes services « chaque fois qu’on aura besoin de lui » selon une source proche de l’enquête.
Pire, il ne peut pas non plus s’approcher des aéroports, des ports et des autres postes frontaliers, renseigne un document des services des renseignements.
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De ce qui lui est reproché, on pense que des graves soupçons pèsent sur l’ancien numéro 1 de l’ANR qui, estiment ses successeurs, serait en intelligence avec des forces hostiles au régime actuel de Kinshasa.
Notamment et surtout des présumés « contacts » qualifiés de « compromettants » que Kalev Mutondo aurait noués avec des groupes armés nationaux et étrangers qui écument l’Est de la RDC. Parmi ceux-ci de membres de l’ex-rébellion pro-rwandaise M23 réfugiés en Ouganda, ainsi que de rebelles rwandais qui sont traqués par les FARDC avec objectif de les rapatrier dans leur pays d’origine. Les noms de Kayumba Nyamwasa, un rebelle du Rwanda et le Général Musemakweli étant cités.
La question qui demeure est celle de savoir s’il existe un lien entre la persistance de l’insécurité dans la région de Beni et les visites à répétition de Kalev Mutondo dans les pays voisins ? C’est ce que Kinshasa veut savoir, répond un des responsables des renseignements congolais sous couvert de l’anonymat.
Les sanctions americano-européennes
L’interpellation de Kalev Mutondo intervient au moment du rejet de son appel par la Cour Européenne de Justice et de la confirmation des sanctions prises à son endroit comme des autres anciens dignitaires du régime Kabila malgré le « plaidoyer » de Félix Tshisekedi pour leurs levées.
A Kinshasa comme dans le reste du pays, nul ne pleure vraiment l’homme considéré comme un vrai « tortionnaire » des forces de lutte pour la démocratie en RDC. Ce Katangais âgé de 57 ans demeure sous sanctions américano-européenne par les États-Unis le 12 décembre 2016 pour « entrave au processus démocratique » et l’Union européenne le 29 mai 2017 pour avoir « planifié, dirigé ou commis » de graves violations des droits humains.
Du côté des associations de défense des Droits de l’Homme congolaise comme de l’opinion publique générale, l’interpellation de Kalev Mutondo est considérée comme ce « signal fort envoyé par le nouveau pouvoir pour exprimer sa volonté de restaurer l’État de droit dans le pays » que l’on attendait depuis plus d’un an du pouvoir Tshisekedi.
Cet acte qui va dans la bonne direction devrait aller jusqu’à des sanctions judiciaires si les responsabilités sont établies. Georges Kapiamba, coordonnateur de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (Acaj) estimant désormais que plus personne n’est intouchable : « C’est une vraie rupture avec le passé, dans la mesure où Kalev Mutondo avait toujours été considéré, en RDC, comme faisant partie des personnes intouchables. Le fait qu’il a été interpellé, soumis à un interrogatoire et détenu pendant un bref temps avant d’être relâché sous certaines conditions, constitue vraiment une rupture ».
Et de poursuivre : « Cela constitue un signal fort lancé à tout autre citoyen ou citoyenne congolais, quel que soit son rang. Chacun doit savoir que s’il ne respecte par les lois de la République, s’il viole les droits de l’Homme, il peut être interpellé, entendu, poursuivi et il peut devoir rendre des comptes devant une juridiction compétente. C’est vraiment un acte qui va dans la bonne direction pour réaffirmer la restauration d’un État de droit que les Congolais et Congolaises réclament tant depuis l’arrivée du nouveau président ».
Les organisations internationales ne sont pas en reste à l’instar de Human Rights Watch dont la Directrice pour l’Afrique Centrale, l’américaine Ida Sawyer avait subi la « volonté de Kalev Mutondo : « Sous la direction de Mutondo, l’ANR a été un instrument de répression politique contre les dirigeants de l’opposition et les activistes pro-démocratie et des droits humains, tout au long de la longue crise politique qu’a connue le pays », dénonçait-elle en mars 2019.
A lire aussi : RDC-DROITS DE L’HOMME : Ida Sawyer de retour à Kinshasa https://www.afriwave.com/2019/09/13/rdc-droits-de-lhomme-ida-sawyer-de-retour-a-kinshasa/
Plainte contre Kalev Mutondo
L’idée était en l’air depuis l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi en janvier 2019. Les anciens prisonniers d’opinion, qui s’estiment « victimes » de Kalev Mutond, ont annoncé leur intention d’une plainte collective contre l’ancien homme fort de l’ANR. Parmi eux les politiques Jean Claude Muyambo Kyassa, Jean-Bertrand Ewanga, Vano Kiboko, Gecoco Mulumba et les activistes Carbone Beni, Christian Lumu Lukusa qui l’accusent de séquestration, tortures et emprisonnement illégal.
La fin du mythe des Kabilistes impuissants face à Tshisekedi ?
Depuis le début de cette année, c’est à un exercice politique inattendu que l’on assiste dans le bras de fer CACH-FCC pour la consolidation et la direction du pouvoir. Un à un, les anciens dignitaires Kabilistes qui se croyaient au-dessus de la loi sont touchés par le nouveau pouvoir de Félix Tshisekedi, dans un bras de fer que l’actuel Chef de l’Etat semble, pour l’instant, remporter.
Parmi ces anciens dirigeants, Ramazani Shadary en est l’exemple. En effet, le numéro deux du parti de Kabila, le PPRD en sa qualité de Secrétaire Permanent ; menaçait devant une poignée des militants de « paralyser » le pays sur un simple appel si par « malheur quelque chose arrivait à Albert Yuma, le PCA de la Gécamines » impliqué dans une affaire des détournements des fonds publics.
Croyant venir en aide à Yuma, Shadary n’a fait que l’enfoncer alors que la justice enquête sur lui dans un dossier de détournement présumé de 200 millions de dollars au détriment de la société minière d’État. Le PCA de la Gécamines se lui aussi interdit de voyager jusqu’à la fin de l’enquête.
Il n’aura fallu que quelques jours pour qu’il soit lui-même « paralysé » après une interpellation à l’aéroport internationale de la N’Djili avec confiscation de son passeport diplomatique alors qu’ik devrait se rendre au Burundi pour le congrès du parti de pierre Nkurunziza. De plus, le scandale mieux l’affaire de la « parcelle » propriété du domaine immobilier public attribuée à son épouse par son ami et ex-ministre de l’urbanisme Kokonyangi se trouve devant les juridictions.
Depuis l’élection de Tshisekedi en décembre 2018 et durant toute l’année 2019, le candidat malheureux du FCC à la Présidentielle n’a pas manqué pas d’occasion pour clamer la force politique de son camp, frisant parfois la provocation à l’endroit du pouvoir du président Félix Tshisekedi. On l’a vu s’afficher en kimono bleu en novembre 2019, promettant des « uppercuts » et défiant plus que jamais l’UDPS et ses alliés.
Une faille dans laquelle s’était engouffré son prédécesseur au parti comme au ministère de l’Intérieur sous Kabila, l’actuel député national Henri Mova, dans une sortie médiatique polémique sur une radio de Kinshasa : « Comme vous le pouvez voir ! Est-ce qu’il (Emmanuel Shadary, ndlr) avait échoué ? Est-ce que quelqu’un qui a échoué peut-il se tenir avec autant d’assurance devant les gens ? Est-ce qu’il peut avoir encore la force diriger autant des personnes comme aujourd’hui ? Comprenez qu’il s’agit des stratégies. Comme le Général Che Guevara lui-même, notre Général Major, c’est toujours de la stratégie » clamait-il avant d’en nier l’interprétation quelques jours plus tard.
Dans cette alliance de coalition entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, nombre d’anciens dignitaires continuent de croire qu’avant l’alternance mise en avant est égale à l’après alternance. Ces gens qui semblent ne rien comprendre résistent à tout changement au sein du pouvoir en freinant des quatre fers, aboyant parfois, comme s’ils gardaient encore tous les pouvoirs en RDC : « Nous sortons d’un système qui est resté longtemps au pouvoir et certains collaborateurs ont encore quelques réflexes du passé, ont tendance à croire qu’ils sont encore au pouvoir, il y a eu des actes maladroits mais, essayant de m’élever au-dessus de tout cela je crois qu’il faut privilégier la paix, la stabilité… Eviter toute crise intempestive qui aurait un impact sur l’économie et l’évolution du pays », expliquait le président de la République Félix Tshisekedi au quotidien bruxellois belge Le Soir.
Considéré comme un « faible » face à Kabila, Tshisekedi qui est politiquement intelligeant en ne brusquant pas les choses semble répondre désormais coup par coup. A Kinshasa comme dans le reste du pays, le mythe du pouvoir Kabiliste ne fait plus le poids face à la sérénité de Tshisekedi qui a le soutien américain réaffirmé avec le dernier voyage de Peter Pham à Kinshasa la semaine dernière.
Le silence du camp Kabila démontre qu’il ne dispose pas beaucoup de marges de manœuvres pour répondre au président congolais, un nouveau bras de fer pouvant leur être fatal alors qu’il ne survit que grâce à son alliance avec le même Tshisekedi.
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi
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