Le 16 février 1992, des dizaines des chrétiens et des catholiques en particulier; tombaient dans les rues de Kinshasa la capitale du pays sous les balles de la dictature de Mobutu Sese Seko et son premier ministre Jean de Dieu Nguz a Karl-i-Bond. Ces manifestants croyants pacifiques ne réclamaient autre chose que la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) dont les travaux furent abusivement suspendus par les deux compères.
Vingt-huit ans plus tard et bien avant le 16 février 2020, les mêmes chrétiens pacifiques ; malgré l’interdiction de l’ancien régime de la kabilie étaient dans la rue pour réclamer la justice et la vérité ainsi que des élections pour novembre 2016 avec comme conséquences des nouveaux morts.
Faut-il le rappeler que l’histoire de la Conférence Nationale zaïroise était parti d’un constat : « le Peuple zaïrois ne communiait plus avec le système politique monopartite en vigueur dans le pays près de trois décennies durant car il ne s’y reconnaissait plus. Ne s’identifiant plus à lui, il refusait de continuer à lui apporter son adhésion. Les Citoyens avaient dénoncé les pratiques du MPR parti-État, véritables antivaleurs ; notamment aux yeux de la morale publique. Le peuple avait besoin d’un profond changement dans les méthodes de gouvernance. Comme jadis en Haïti des Duvalier père et fils ; le «déchoquage», ce déracinement de la dictature et ses représentants n’étaient nullement une demande exagérée de la population ».
La CNS avait ainsi procédé à une profonde analyse de l’Histoire du pays, de ses Institutions ainsi que du système qui avait guidé leur fonctionnement sans oublier les hommes qui les avaient animés des décennies durant. Et comme l’expliquait Mgr Laurent Monsengwo au cours de sa conférence de presse tenue au Centre Interdiocésain de Kinshasa en janvier 1992, il fallait «faire la relecture de l’Histoire du pays, non pas à des fins archéologiques, pour une simple raison de curiosité du passé, mais aussi et surtout pour se prémunir contre la répétition des mêmes erreurs dans l’avenir. Une relecture de l’histoire qui laisse intactes les techniques et les méthodes propres de l’histoire, qui fera l’histoire de notre pays, sur la base des témoignages de notre relecture de l’histoire».
La Grande Marche de l’Espoir.
Organisée le dimanche 16 février 1992 par le Comité Laïc de Coordination pour réclamer le droit à la jouissance des libertés fondamentales, cette manifestation avait-elle été considérée comme une violation de la loi et un mépris de l’autorité de l’État comme s’il en existait un dans le « Zaïre » de Mobutu.
En conséquence, feu Jean Nguz et sa bande déguisée en gouvernement de la République, sans une analyse des causes profondes à la base de cette grande marche ; sans une reconnaissance de leurs responsabilités dans la situation politico-économique catastrophique qui expliquait et justifiait cette manifestation, avaient décidé de faire appliquer la loi dans toute sa rigueur à l’endroit de tous ceux qui avaient préparé et organisé la marche considérée illégale, d’interdire les manifestations sur la place publique, de contraindre au silence et la soumission un peuple qui avait souffert pendant plus de 25 ans.
Les manifestations de rues n’étaient et ne sont pas, pour le congolais zaïrianisé de l’époque et ceux d’aujourd’hui presque en désespoir sous les Kabila, un mépris de l’autorité. Elles constituent la plus évidente preuve de la désapprobation du régime et la dénonciation de l’incapacité criante des gouvernants à répondre aux attentes légitimes du même peuple dont ils se réclament.
Jusqu’au dimanche 16 février 1992, Mobutu, Nguz et tous leurs semblables avaient cru, à tort, que les marches et autres manifestations de contestation étaient le résultat de la manipulation de la population par l’opposition.
La grande marche de libération avait donné la preuve du contraire : elle était l’expression du désaveu d’un système mobutiste sclérosé et irresponsable. En réprimant dans le sang la marche des chrétiens, le pouvoir s’était attaqué à la plus vieille et à la plus solide des institutions : l’Église. Partout à travers le monde où un tel défi a été lancé, ce n’est pas l’Église qui a jeté l’éponge !
Vingt-huit ans plus tard.
Toute chose restant égale par ailleurs et dans la même proportion, le constat est le même : le peuple n’en a eu que marre du régime Joseph Kabila pour qui le même peuple était manipulé et par l’église catholique et par l’opposition politique.
Dans l’entretemps, le même régime avait pris soins de s‘entourer de tous les parvenus qualifiés jadis du «conglomérat d’aventureux» par Laurent-Désiré Kabila en personne et les anciens déçus du mobutisme. Ils sont tous de retour « les voleurs de la République » et les courtisans sans vergogne dans le nouveau pouvoir prédateur qui ne veut pas abdiquer. Des illustres inconnus aux parvenus des années 1990, tous sont aujourd’hui les riches des années 2000 pendant que les mobutistes ont reconstitués leurs réseaux maffieux.
Comme sous Mobutu et piqué on ne sait par quelle mouche, la kabilie paniquée et qui tremblait dans ses fondations et en passe de s’écrouler comme un château des cartes semble toujours tenir mais pourra se l’être bientôt.
Sous une fallacieuse raison, les manifestations dites «marche des chrétiens» initiées par l’Eglise catholique pour dénoncer les résultats des dernières élections présidentielle et législatives «non conformes à la justice et à la vérité des urnes» on-elles étés durement réprimées.
Se perdant dans un soliloque à la limite de l’imbécilité, le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta à l’époque, justifiait l’interdiction unilatérale de ces manifestations qui se voulaient pacifiques par le fait qu’elle n’était pas « autorisées pour non-respect de la procédure légale » mais aussi que les « organisateurs ont également envoyé leur lettre de notification de la marche en retard… ».
Pour l’ancien régime aux abois de Kinshasa, la structure organisatrice de la manifestation, le Conseil de l’Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo (CALCC), n’est pas reconnue comme une association agréée en RDC.
Autre signe de la grande panique dans le camp des voleurs, à la veille de la «marche pacifique» interdite, par une mesure injuste et vexatoire, les signaux de trois médias dont deux de l’opposition et un de l’église catholique avaient été coupés. «Une mesure administrative», se justifiait la voix de son maître Lambert Mende avant d’ajouter «On ne sait pas identifier exactement qui sont les organisateurs de cette marche».
Mais c’était sans compter avec la détermination des chrétiens qui malgré la pluie tropicale qui arrosait Kinshasa, s’étaient rassemblés dans et devant les églises. Ce qui avait occasionné des bavures policières plus que condamnables à Lemba, à Yolo, à Kingabwa, à Limete, et à Matonge où l’on déplorait des arrestations et des blessés.
Comme en 1992 et ce, malgré les déclarations des américains et des belges qui avaient accordé au départ leur satisfécit au régime Kabila ; le peuple congolais n’en a cure. Quel qu’en soit la durée de la nuit de l’oppression, la victoire est plus que certaine pour une totale et vraie libération de la dictature de la kabilie. Une chose est certaine, tout ce sang versé par les vrais martyrs du Congo demeure le ciment qui fortifie la quête du bien-être et celui des générations futures.
Des décennies de lutte, des sacrifices en tous genres ne sont pour rien. Car, la détermination de tout un peuple à prendre sa destinée en mains demeure intact et plus que motivé. L’avènement de Felix Tshisekedi comme nouveau président de la République et d’une réelle démocratie est plus que proche du jour du début du combat politique même s’il tarde à venir.
Le sang versé le 16 février 1992 demeure le symbole de ce sacrifice des enfants du pays pour sa démocratie qu’on tente de lui confisquer depuis le 17 mai 1997 avec l’arrivée de L’Afdl et son cheval de Troie rwandais de triste mémoire. Et ce, même si l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila le 28 janvier 2001 après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila le 16 janvier de la même année avait ramené le pays dans les abysses de la dictature que l’on pensait pourtant s’être défaite avec la fuite et la mort de Mobutu.
Roger DIKU
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