samedi, novembre 23, 2024
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RDC : Le Procès de 100 jours, Une chance pour Vital Kamerhe, Une Diversion face au Danger de Balkanisation du pays [TRIBUNE]

Pour les militants de l’UNC et fanatiques parfois envoutés de Vital Kamerhe (VK), ce lundi 25 mai était un jour fatidique puisqu’il passait devant ses juges naturels. À lire leurs commentaires le soir, ils étaient satisfaits des performances de leur champion qu’ils sont allés jusqu’à le qualifier de plus intelligent que les magistrats. A leur place je serais prudent.

L’excessive réaction des militants de l’UNC depuis le début de cette affaire montre malheureusement que ce parti n’a pas le sens des valeurs et ne pense depuis sa création qu’à conforter les privilèges qui créent un fossé entre les Congolais et leurs dirigeants – qu’il n’est pas préparé au changement des mentalités et n’aspire guère à l’État de droit.

En arborant des signes violents de méfiance à l’égard de la justice, ils dévoilent combien ils sont déterminés à se ménager eux aussi leur caste de dinosaures spoliateurs et paradoxalement contre le peuple dont ils font pourtant partie. Ils ne sont ni exigeants ni intransigeants quant à l’égalité de tous les Congolais devant la loi et partant devant la justice

Le CRID que je préside appelle l’UNC et ses militants à baisser leurs prétentions et se mettre en tête que Vital Kamerhe n’est ni un dieu, ni un martyr, ni même cet homme providentiel qu’attend la RDC. Il faut savoir, toutes proportions gardées, que le roi des Belges Albert II a été condamné par le juge civil dans une affaire de reconnaissance de paternité et contraint à se soumettre au test ADN. La Belgique n’a pas pris feu pour autant.

Le président Sud-africain Jacob Zuma, Silvio Berlusconi d’Italie et le président Sarkozy de la France ont comparu devant leurs justices respectives et leurs pays n’ont pas enregistré une moindre secousse. Le président Lula du Brésil, son modèle, a comparu en justice – a été jugé – condamné et emprisonné avant de recouvrer sa liberté.

Il ne faut donc pas exagérer l’importance de ce procès Vital Kamerhe au point de distraire les Congo des incursions zambiennes au Sud, de l’incursion centrafricaine au Nord-Ouest, des infiltrations chroniques du Rwanda et de l’Ouganda à l’Est et maintenant de l’incursion du jeune État de Soudan du Sud au Nord-Est de la RDC.

Qui sait ? Demain sera peut-être le tour d’Albert Yuma, de Thambwe Mwamba ou de quelqu’un d’autre. Si réellement nous amorçons la marche vers la lutte contre l’impunité, le pays étant le réservoir des crimes les plus odieux, il ne se passera plus des mois sans que s’ouvre une procédure visant un intouchable. Pourvu que les magistrats ne soient plus intimidés par les hommes du pouvoir et que le peuple soutienne l’indépendance de son pouvoir judiciaire afin que la peur change de camps.

Ceci dit, je voudrais ici appeler l’UNC et ses militants à la mesure en même temps les rassurer que ce procès qui ne fait que commencer pourrait s’avérer être une chance pour leur leader.  Le CRID que je préside n’est (ce n’est un secret pour personne) pas de la même école de pensée politique que l’UNC et n’a jamais cru aux vertus rédemptrices de son leader. Notre seul souhait est que ce procès soit le plus juste et le plus équitable possible.

De ce point de vue, le casting de la défense de Vital Kamerhe me semble très solide si cela peut rassurer ses partisans. Composée des praticiens qui comptent parmi eux des anciens directeurs des biens mal acquis, des professeurs qui ont enseigné le droit pénal, d’anciens ministres de la justice et d’autres bêtes du prétoire, cette défense pourrait marquer de son emprunte ce procès si Vital Kamerhe ne confond pas « défense pénale » avec « propagande politique ».

Avec une telle équipe, la bataille judiciaire s’annonce très coriace entre sa défense et l’équipe du procureur appuyée par la partie civile (mal nommée avocat de la République, la République n’ayant pas de personnalité juridique), à la condition que la dictature du temps judiciaire ne vienne transformer cet emblématique procès en fastfood judiciaire comme cela fut regrettablement le cas devant la Cour constitutionnelle dans une affaire aussi importante qu’était la contestation des résultats des élections présidentielles de décembre 2018.

Pour garantir la tenue d’un procès juste et équitable et des échanges sereins, ce procès devrait prendre au moins six journées pleines à partir de l’instruction à l’audience jusqu’aux réquisitoires et plaidoiries et à tout le moins deux semaines de délibéré. Organiser autrement ce procès serait le bâcler et une occasion manquée d’entrer dans l’ère de l’État de droit. L’on n’imagine pas un seul instant que des avocats soient comme à l’accoutumée, contraints de prendre la parole chronomètre à la main et que les juges prennent leur décision sur les bancs le jour même de la clôture des débats.

Je dirais aussi à ce sujet qu’un interprète doit être désigné pour son coprévenu Jammal Samih qui a publiquement déclaré qu’il ne comprenait pas bien le français et qui a des difficultés manifestes à comprendre les questions qui lui sont posées. C’est un droit fondamental que le tribunal ne devrait pas occulter.

J’ai entendu ci et là des objections que Jammal Samih a toujours négocié et traité ses affaires en français. Chiche alors ! Elles sont nombreuses au marché de Kinshasa des commerçantes qui, comme ma mère, connaissent la valeur de la monnaie et savent convertir les dollars au taux du jour. Combien de Chinois vendent et négocient en lingala à Kinshasa ? Il n’empêche que s’ils devraient un jour avoir à se défendre en justice, la justice congolaise a le devoir de leur désigner un interprète en mandarin même si ces chinois se débrouillent bien en lingala dans leurs boutiques ou sur les chantiers congolais.

D’aucuns ont aussi argué que le français était la langue officielle du Liban et qu’à ce titre le français est une langue que Jammal Samih comprend bien. Cet argument ne saurait prospérer. Le français n’est-il pas la langue officielle de la RDC ? Et pourtant les juridictions belges, suisses et françaises commettent des interprètes en lingala, swahili et tshiluba au profit des justiciables ou réfugiés congolais qui le demandent.

L’absence d’interprète au cours de ce procès pourrait de mon point de vue être une cause légitime de demande de report sinon de nullité de la procédure si la défense de Jammal Samih s’y attèle. Ses avocats auraient tort de croire pouvoir s’en dispenser sans nuire aux intérêts de leur client. Craindre que cela soit pris comme une manœuvre dilatoire serait se soumettre au dictat du « qu’en dira-t-on ».

Il en est de même des avocats de Vital Kamerhe qui ont eu tort de n’avoir pas demandé de prime abord le temps nécessaire pour examiner les 2300 pièces du dossier judiciaire qu’à leurs propres dires ils n’auraient reçu que très tardivement. Il ne faut pas laisser passer l’opportunité d’une défense complète en espérant sournoisement avoir matière à propagande politique hors du prétoire. Et c’est là que dans un procès mettant en cause les politiciens, l’avocat doit savoir discipliner son client qui, faut-il le rappeler, reste malheureusement le maître absolu de son dossier.

Le décès intervenu au matin du 27 mai 2020 du juge président de céans, -paix à son âme, pour regrettable qu’il soit-, remet les pendules à zéro et le procès devra reprendre ab initio. C’est ici l’occasion pour les uns et les autres d’affiner leurs dossiers après le faux départ de ce lundi 25 mai.

Dans un procès pénal c’est l’intime conviction du juge qui a du poids. Les politiciens commettent souvent l’erreur d’oublier ce point et s’épanchent à chaque prise de parole dans des discours qui flattent plutôt l’auditoire sans convaincre le juge. Pourtant c’est devant le prétoire que tout se joue et qu’importe ce que les gens en pensent à l’extérieur. Si flatter le juge est la piètre des attitudes pour un avocat, emporter la conviction de ce dernier est une tâche à laquelle doivent se concentrer les justiciables et leurs avocats à chacune de leur prise de parole. Le reste n’est que coup d’épée dans l’eau.

A l’issue de ce procès, Vital Kamerhe pourra être innocenté et acquitté si les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis au-delà de tout doute raisonnable. S’il était acquitté, ses chances pour 2023 seront préservées.

Et si par malheur pour lui, les faits devaient être contradictoirement établis au-delà de tout doute raisonnable, il sera condamné comme l’ancien président Lula à une peine avec ou sans sursis, auquel cas il aura le choix d’aller ou non en appel et même en cassation. A défaut ou si à l’issue de toutes ces voies de recours ses prétentions ne prospéraient pas, il purgera sa peine.

Et même dans cette hypothèse, la pire de toutes, il lui restera encore une dernière possibilité : la grâce présidentielle d’un seul homme, le président et son ami personnel Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo qui reste sa dernière chance. C’est pourquoi à sa place je réévaluerais cette menace de mettre le feu, si jamais son épouse était convoquée à comparaître comme témoin. Si par « mettre le feu » il entend dévoiler les secrets qui mettraient le président ou ses proches en difficulté, une telle attitude pourrait griller ses dernières cartes. Il n’y a qu’à se rappeler que cela fait 20 ans que Eddy Kapend implore sans succès la grâce de celui qu’il prétendait être son ami et compagnon d’armes, Joseph Kabila dont il a sécurisé la prise de pouvoir.

En tout état de cause s’il était condamné, gracié ou pas, Vital Kamerhe devra dire adieu à 2023 si l’on s’en tient à la jurisprudence Jean-Pierre Bemba, le Congo ne sera pas pour autant orphelin.

Le procès de la chance pour Vital Kamerhe

Dans un État de droit c’est la justice qui gagne souvent mais pas toujours puisqu’il existe des cas d’erreur judiciaire. Néanmoins pour ce qui est du cas présent, l’on peut supputer que ce procès est finalement une chance ou un coup du destin pour Vital Kamerhe au regard de l’hécatombe qui secoue la présidence de la République depuis son arrestation le 8 avril dernier. Rien que ces dernières heures, la présidence a perdu au moins 5 proches collaborateurs du président ramenant à près de 20 le nombre total de décès dans l’entourage du chef de l’Etat Le juge qui présidait le procès des 100 jours vient lui-même de mourir dans la nuit du 26 au 27 mai 2020.

Même si j’ai entendu ci et là la rumeur associer cette hécatombe au passé connu du père de l’actuel épouse de Vital Kamerhe auprès de Mobutu qui aurait doté sa fille de quelques pouvoirs magiques, mon esprit cartésien m’interdit d’établir un quelconque lien de cause à effet entre Mr Shatur, cette incarcération, et les décès subséquents à la présidence de la République.

Une autre rumeur voudrait que l’ancien président voulût à tout prix que ce soit le personnel désigné par lui qui s’affairât à la réfection des locaux de la présidence et qu’ils auraient ainsi fait mettre des « karoho », un poison réputé provenir du Rwanda, et qui ferait des ravages. Rumeurs ou affabulation ? Seuls les intéressés pourraient le confirmer. James Kabarebe le chef rwandais d’Etat-Major Général des armées de Laurent Désiré Kabila n’avait-il pas déjà fait état de la suspicion de ces pratiques dans les locaux de la présidence par le Katangais qui devait le remplacer à l’Etat-Major Général ?

D’autres enfin évoquent l’hypothèse d’un empoisonnement à travers les installations de climatisation de la présidence. Cqfd. Des voix commencent à se lever pour exiger des autopsies afin de découvrir la vraie cause de la mort des conseillers et proches collaborateurs de Tshisekedi. La version officielle voudrait que la plupart de ces proches du président de la République soient morts de covid-19. Dont acte. La seule conclusion raisonnable que l’on peut logiquement tirer à ce stade est que la présidence de la République devient un mouroir comme jamais ce lieu n’a été depuis l’État indépendant du Congo.

Vital Kamerhe de par sa position de « dircab », était finalement la personne la plus exposée aux contacts avec les défunts et donc au cœur du foyer de la pandémie. Ce procès et son incarcération à temps pourraient être le coup du destin qui l’aura sauvé de l’infection et pourquoi pas de la mort certaine.

Vu sous cet angle, ses partisans qui comptent parmi des croyants qui écument les officines religieuses du Congo devraient en principe remercier leurs « dieux » d’avoir permis que ce procès ait lieu et lui rendre encore grâce, quelle qu’en sera l’issue, au lieu de s’auto-dénigrer à battre les pavées pour réclamer pour Vital Kamerhe des privilèges judiciaires d’une époque révolue.

Pendant ce temps, la Nation est en danger et le président volontairement regarde ailleurs

C’est ici l’occasion pour le CRID d’appeler le président de la République à ses responsabilités et son impérieux devoir. En acceptant la lourde charge de président de la République, Félix Tshisekedi acceptait par la même occasion la mission de commandant suprême des armées et de garant de l’intégrité du territoire, charge qui n’a rien à voir avec des modestes chantiers de sauts-de-mouton, des préfabriquées et un semblant d’école gratuite pour des écoliers sans salle de classe.

Déjà sa gestion du contentieux avec l’Ouganda devant la Cour de justice internationale était suspecte de complaisance et sa connivente diplomatie avec le Rwanda a fait des Affaires Étrangères de la RDC l’officine des Affaires Étrangères du Rwanda. En cela, il a donné dès le début de son mandat un signal fort qu’il capitulait devant les agressions et le pillage de la RDC par l’Ouganda et le Rwanda.

Son actuelle posture consistant à regarder ailleurs pendant que les armées zambienne, centrafricaine et maintenant sud soudanaise paradent sur le territoire congolais déroute plus d’un observateur, face à ce schéma d’agression qui démultiplie par quatre les lignes de front comparé à l’entrée de l’AFDL par l’unique front de l’Est.

Mobutu au-moins avait essayé de se battre. Mais ici ils entrent comme dans un moulin, conscients que le gouvernement s’est affairé à compter des millions et à fabriquer des nouveaux millionnaires si ce n’est rassurer les précédents millionnaires.

Un proverbe africain dit que « c’est quand les voisins se rendent compte de ta faiblesse qu’ils se permettent de poser leur main sur les fesses de ta femme ». Et voilà que c’est le moment choisi par le jeune gouverneur de Tanganyika qui n’a jamais été soldat, de revêtir devant les troupes régulières la tenue de Boketshu wa Yambo (mascotte par dérision des combattants de la diaspora) alors que Tanganyika devrait être déclarée base opérationnelle avancée depuis qu’une armée étrangère y occupe nos territoires. De là à signifier que Zoé Kabila est devenu le nouveau commandant suprême de nos forces armées, il n’y a qu’un pas. Quel désordre !

Tout cet imbroglio oblige le peuple congolais à s’interroger à tort ou à raison si Felix Tshisekedi n’est pas venu parachever l’injonction « to save the Congo let it fall appart » que ses prédécesseurs ont refusé ou hésité d‘exécuter par patriotisme ou par simple décence. Serions-nous condamnés à porter longtemps cette bosse au point de regretter Mobutu ?

Le CRID appelle le peuple à la plus grande vigilance car après l’échec de la tentative de balkanisation de 1996, le Congo n’est pas à l’abri d’une possible braderie territoriale après avoir été depuis près d’un quart de siècle le théâtre d’un pillage en règle et d’un génocide non reconnu.

May « God save the Congo », he will not let it fall appart (Pour sauver le Congo, il faut le laisser tomber NDLR).

Hamuli Rety

Ancien Président des Avocats du Tribunal Pénal International pour le Rwanda

Président du CRID/ RDC (Convention pour la République, les Institutions et le Développement, parti politique)

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