De Lubumbashi dans le Haut Katanga en passant par Goma au Nord-Kivu en provinces et Kinshasa la capitale, l’appel à la mobilisation contre la modification d’une disposition constitutionnelle qui réduirait l’indépendance de la magistrature a été plus que suivi.
Dans la foulée, le pays a connu des violences inacceptables qui ont emmaillées cette journée du mardi 24 juin 2020 avec plusieurs destructions méchantes des biens privés des proches du PPRD qui ont emmaillées cette journée. Des actes sommes tous condamnables et inacceptables.
En pleine crise sanitaire de pandémie du Coronavirus (Covid-19) sur fond d’une crise économique qui dure et qui met la population à genoux, il aura fallu ajouter ce qui ressemble à une nième provocation des députés PPRD et alliés du FCC dont le pays n’avait pas du tout besoin.
Les trois propositions de modification de la loi sur la justice des députés Minaku (ancien speaker de la chambre basse du parlement) et son collègue Sakata portant sur le « statut des magistrats » et « l’organisation, le fonctionnement et les compétences des juridictions de l’ordre judiciaire » sont venu mettre de l’huile sur le feu qui couvait déjà.
Cette sortie des députés PPRD intervient alors que les magistrats ont enclenchés une séquence sans précédent dans la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics souhaitée par le président de la République Félix Tshisekedi lors de son élection. Son Directeur de cabinet venant de faire les frais par une lourde condamnation à 20 ans des travaux forcés et une privation de ses droits pendant 10 ans dans un premier procès, les autres concernant des mandataires étiquetés PPRD et nommés jadis par l’ancien régime.
Aubin Minaku et Garry Sakata proposent l’institution d’une conférence des procureurs comme cadre de concertation et d’échange qui devra être présider par le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, poste actuellement occupé par un PPRD. L’un des textes évoquant même « les modalités d’injonction du ministre de la Justice à l’endroit des magistrats du parquet ». Et avec comme conséquence la possibilité par le ministre de signaler une faute commise par un magistrat, révoquer, suspendre ou adresser un blâme à ce dernier ; compétences pourtant dévolues à l’existant Conseil supérieur de la magistrature.
Dans la querelle entre juristes y compris auprès des syndicats des magistrats, il en ressort que cette proposition qui énerve « présente un risque certain non seulement d’intrusion du gouvernement dans l’activité quotidienne du magistrat tout comme celle du Conseil supérieur de la magistrature, mais aussi un risque certain de subordination de l’action du ministère public ». Une « inféodation de la justice par l’exécutif du fait de l’immixtion du ministre de la Justice dans les prérogatives dévolues à l’appareil judiciaire » selon le député Delly Sesanga du parti de l’opposition Envol.
Une approche contestée par l’auteur de la proposition Aubin Minaku pour qui « Notre souhait est de définir l’autorité que le ministre de la Justice exerce sur les magistrats du Parquet et il ne s’agit nullement de museler les magistrats du Parquet », chose incompréhensible pour la population.
Et si le parlement était finalement dissous ?
Ces modifications sollicitées qui interviennent alors que les deux chambres du parlement sont secouées ne pouvaient calmer la population. L’augmentation réclamée des émoluments de 2000 dollars par Mme Mabunda en faveur des députés pour motif de conjoncture, la destitution du 1er Vice-président, l’UDPS Kabund ; l’affaire Thambwe Mwamba dans le payement des travaux de réfection des locaux du sénat et sa joute verbale contre la sénatrice Bijou Kitenge, la coupe était déjà trop pleine.
Les interminables et multiples bras de fer avec le président de la République qui semble ne pas être respecter dans ses décisions par ses partenaires de coalition majoritaire PPRD-FCC ne font-ils pas craindre la dissolution imminente de l’assemblée nationale et la convocation des élections anticipées ?
La question est sur toutes les lèvres, et ne pas y réfléchir relève de la démagogie même si la présidente de l’assemblée nationale Jeanine Mabunda a toujours évoqué le sacro-saint principe de séparation des pouvoirs au travers de ses institutions.
L’on voit très mal comment le président de la République pourra terminer son quinquennat en mettant en pratique son programme avec un parlement qui est prêt à défendre et protéger coûte-que-coûte les intérêts de sa majorité issue de l’ancien régime, la proposition de loi de Minaku en étant une illustration parfaite.
Et dans tout ça, c’est le mutisme de Kabila déjà connu pour le peu de sa parole publique mais très influent auprès de ses troupes qui inquiète. L’on arrive même à se demander à quoi ca rime ses différentes rencontres avec son successeur Félix Tshisekedi alors que rien ne semble avoir changé depuis un an et demie de la soi-disant transition pacifique du pouvoir ?
Le spécialiste commentateur politique d’AFRIWAVE.COM Joseph Emmanuel Bunduki explique : « Concernant le silence de Kabila et sa tactique, elle est oubliée des congolais. En effet, on se souviendra que JKK a été formaté par l’armée du FPR rwandais. Cette dernière avait comme modus operandi « fight and talk ». Il applique cette méthode que le FPR a usé dans ses rapports avec la Minuar et l’armée nationale rwandaise d’Habiyarimana. JKK attaque et veut pousser son adversaire, en l’occurrence Fatshi, à la faute tout en faisant semblant de dialoguer. Chaque avancée obtenue devient un nouveau point de départ de négociations ».
Et de poursuivre: « Dans ce jeu d’usure, Fatshi a dû, dès le départ, supporter les sorties médiatiques de Jeanine Mabunda sur le rôle du Parlement dès sa nomination comme présidente de l’assemblée nationale et sur ses commentaires sur la prestation du chef de l’Etat devant les congolais à Londres. Il y a eu l’épisode de la saga de la destitution de Jean-Marc Kabund précédée des propos discourtois de Alexis Thambwe Mwamba, il y a la volonté du ministre du Portefeuille de ne pas appliquer les ordonnances présidentielles ».
Il conclut : « Aujourd’hui, ce sont les soldats Minaku et Sakata qui montent au front.
L’objectif inavoué de ce combat feutré est la création d’une crise institutionnelle qui verrait soit le président dissoudre le Parlement soit de remanier le gouvernement. Le FCC escompte sans doute sur une crise gouvernementale car il est majoritaire au Parlement et conditionnera sa participation à une nouvelle coalition à l’acceptation sans conditions de desiderata qui vont diminuer le pouvoir du Président de la République.À ce jeu du chat de de la souris, Fatshi avance avec la prudence du sioux et comme le font les judoka, il utilisera sans doute l’élan de l’adversaire pour le terrasser. Le brasier que le FCC vient d’allumer est révélateur de leur mal-être dans cette coalition. Les prochains jours seront riches en rebondissements ».
Devoir de clarification entre partenaires
Au fil des tensions vives au sein de la coalition au pouvoir depuis janvier 2019, il serait bon pour le pays que l’on clarifie les accords entre le président de la République, Félix Tshisekedi, et son prédécesseur, Joseph Kabila dont les partisans détiennent toutes les majorités dans le pays.
Les manifestants sortis depuis deux jours dans la rue et que l’on voudrait identifiés aux militants de l’UDPS ne serait qu’une représentation de la majorité silencieuse dont le degrés de frustration est connu de tous depuis des années. La majeure partie de la population croupit dans une misère noire alors qu’une minorité d’individus -politiciens soit-elle- se pavanent dans une richesse insolente qui énerve.
L’on se souviendra qu’en janvier 2015, Aubin Minaku, président de l’assemblée nationale; avait dû reculer avec la tentative de modification de la constitution permettant à Kabila de briguer un troisième mandat. Alors que les centaines des morts des manifestations violentes de cette époque attendent toujours justice, Minaku revient avec une nouvelle proposition pour dépouiller la justice.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi et Roger DIKU